Pourquoi François Hollande risque de ne pas pouvoir briguer un second mandat
La candidature du chef de l'Etat à sa propre succession n'a pas encore été officialisée. Et de fait, elle semble déjà bien compromise.
Il n'est pas encore officiellement candidat à l'élection présidentielle, mais à moins de deux mois du dépôt des candidatures à la primaire à gauche, sa candidature est bien mal engagée. Franceinfo vous explique pourquoi François Hollande va avoir beaucoup de mal à imposer, dans son propre camp, l'idée de concourir pour un nouveau mandat présidentiel.
Son livre de confidences a été la goutte de trop
De l'aveu même du patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, interrogé lundi 24 octobre sur France inter, François Hollande "ne s'est pas facilité le travail" avec la parution du livre Un Président ne devrait pas dire ça, où sont révélées au grand jour ses confidences explosives aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. De fait, ses propos polémiques ont complètement brouillé le message du président-pas-encore-candidat, qui esquissait pourtant, le jour même de la sortie du livre, sa stratégie pour 2017, dans une longue interview à L'Obs.
"Jusqu'à la parution du livre, la candidature de François Hollande restait non seulement possible, mais probable (….) Avec ce livre, cela 'objectivise' complètement le fait que ce n'est plus possible", analyse Laurent Bouvet, professeur de science politique à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, interrogé par franceinfo.
Au sein de la majorité, la sortie d'Un Président ne devrait pas dire ça n'a fait qu'accentuer le malaise. Dans la foulée, le président socialiste de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a pris ses distances, s'interrogeant dans La Provence : "Je me pose des questions sur sa volonté. Une hésitation transparaît. Je lui ai fait part de ma stupéfaction. Il y a un grand besoin d'explication pour comprendre s'il veut vraiment être candidat."
Il a l'opinion contre lui
La cote de popularité du chef de l'Etat a encore reculé en octobre. Et cela fait trois mois que cela dure. Le président ne recueille plus que 14% d'opinions favorables, selon le baromètre mensuel Ifop, publié par le Journal du Dimanche. Et il n'y a plus que 1% des personnes interrogées pour se dire "très satisfaites" de François Hollande. A l'inverse, une écrasante majorité des sondés (85%) se dit mécontente de son action. Or, la divulgation des confidences présidentielles a un peu plus nui à l'image déjà écornée de François Hollande.
Les propos que nous tiennent les sondés sont d’une sévérité inédite. Tous parlent du livre, souvent pour en déduire qu’il n’est pas à la hauteur de sa fonction et qu’il se désintéresse des Français.
Un sondage Odoxa pour franceinfo confirme ce désamour : il révèle que pour 86% des Français, François Hollande ne pourra pas faire un bon président à l'avenir. Et quelles que soient les configurations, François Hollande ne totalise qu'entre 9% et 13% des intentions de vote au premier tour de la prochaine présidentielle, et serait loin, très loin d'être en mesure de se qualifier pour le second tour, selon le dernier sondage BVA.
"Cela traduit une sorte de désarroi, à la fois dans l'ensemble de l'électorat et beaucoup plus prononcé dans l'électorat de la gauche qui n'a pas de candidat naturel, souligne pour franceinfo le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof à Sciences Po. Le candidat naturel, qui aurait dû être François Hollande, est pris dans des difficultés qui semblent insurmontables, et il n'y a pas de plan B."
Je ne vois pas comment il pourrait se représenter avec une quelconque chance de figurer honorablement même au premier tour de la présidentielle. C'est mission impossible.
Il n'apparaît plus comme le "candidat naturel" de son camp
Jean-Christophe Cambadélis – qui disait fin août au Monde : "François Hollande reste la carte maîtresse de la gauche" – n'hésite plus à imaginer une présidentielle sans le président sortant, mais avec son Premier ministre, Manuel Valls. "C'est l'un de nos présidentiables, évalue-t-il, celui sûrement qui a aujourd'hui le plus de possibilités". Même s'il reconnaît qu'aucun candidat déclaré ou pressenti à gauche ne semble aujourd'hui en mesure d'accéder au second tour.
Manuel Valls "est le seul homme d'Etat potentiel chez nous, le seul en capacité", a plaidé dimanche sur BFMTV, le député Malek Boutih, l'un de ses proches.
Il n'y a désormais plus de candidat naturel à gauche, et encore moins le président sortant.
Et Malek Boutih d'ajouter : "Ce qui semble normal et naturel, c'est de chercher une autre candidature pour rassembler la gauche". Le chef du gouvernement travaille donc à "faire président"... au cas où.
Le nom de Ségolène Royal est également réapparu, certains au PS imaginant même un axe Royal-Macron. Mais la ministre de l'Environnement "refuse d'entrer dans cette stratégie" du recours à gauche. Invitée dimanche de France 3, celle qui s'était inclinée au second tour de la présidentielle de 2007 face à Nicolas Sarkozy, a balayé l'éventualité. Mais sans y répondre par la négative. "On cherche quelqu'un pour se sacrifier. Il faut que la situation soit vraiment désespérée pour que ceux qui m'ont combattue me redécouvrent", a-t-elle ironisé, concluant : "Si c'était gagnable, on ne viendrait pas me chercher."
Même les socialistes le lâchent
Un soutien de Marie-Noëlle Lienemann, une des candidates de la primaire à gauche, raconte à franceinfo une anecdote révélatrice. Il y a quelques jours, un député frondeur lui montre son téléphone, goguenard. Il vient de recevoir un texto du patron du groupe socialiste à l'Assemblée, qui l'invite, comme ses collègues parlementaires, à signer un appel en faveur d'une candidature de François Hollande. Bruno Le Roux ratisse visiblement très large pour trouver des soutiens. Mais un proche d'Arnaud Montebourg relate une autre scène tout aussi symptomatique : lors d'une réunion du groupe PS au Sénat, des sénateurs ont réclamé qu'on retire leur nom de cette liste de soutiens. Selon nos informations, cet appel, qui devait être publié fin octobre, a finalement été repoussé sine die, faute de signataires.
"Tout cela ne me semble pas soulever un enthousiasme délirant", ironise le député PS de Saône-et-Loire, Philippe Baumel, soutien d'Arnaud Montebourg, joint par franceinfo. "Quand on en arrive là, c'est que le bateau fuit", ajoute-t-il, avant d'en conclure que François Hollande "est aux abois". Un membre du bureau national du PS avance une autre explication : soucieux de leur réélection aux législatives qui suivront la présidentielle, beaucoup de députés socialistes s'inquiètent avant tout des conséquences qu'aurait un soutien affiché au très impopulaire François Hollande sur leur électorat, et ils préfèrent donc se faire discrets dans leur circonscription.
Quand on constate qu'après des semaines de campagne, on n'est toujours pas sur une trajectoire ascendante, il y a une réalité qui s'impose : il est temps d'arrêter l'aventure.
"Il y a un doute considérable" au sein de la majorité sur la capacité de François Hollande à pouvoir se présenter, assure encore Philippe Baumel pour qui, à six mois du scrutin, "le temps de la temporisation est peut-être terminé". Le député affirme que des élus hollandais ont changé de camp et qu'Arnaud Montebourg engrange les soutiens. "Les légitimistes, ceux qui faisaient la majorité lors des votes, sont ceux qui bougent le plus", avance-t-il. Il en veut pour preuve un événement récent à l'Assemblée : lors de l'examen du budget, la semaine dernière, les députés socialistes ont fait passer des amendements dont le gouvernement ne voulaient pas.
Il y a ceux qui ne veulent pas le soutenir, et ceux qui veulent carrément le démolir. Un appel contre la candidature de François Hollande circulerait parmi les parlementaires socialistes. Il n'a apparemment pas rencontré beaucoup de succès pour l'heure, selon Le Figaro. Y compris chez les frondeurs contactés par franceinfo. Philippe Baumel déplore une "triste affaire", un "coup tordu", orchestré par les vallsistes affirment certains socialistes – bien que d'autres n'y croient pas.
Ce pro-Montebourg moque les "gesticulations" et les "contorsions" de ceux qui, y compris "au sein du noyau dur des hollandais", "sont déjà en train de préparer autre chose". Certains comme le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Bruno Le Roux, ou le conseiller régional socialiste d'Ile-de-France, Julien Dray, ne l'ont toutefois pas encore abandonné.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.