Pour Jean-Daniel Lévy, directeur du département Opinion d'Harris Interactive, inutile de "déplacer" le débat
Mis en cause sur la méthodologie des deux sondages qui placent Marine Le Pen en tête des intentions de vote au 1er tour de la présidentielle, le directeur du département Opinion d'Harris Interactive répond:
"soit on pose le débat sur la méthode, soit on s'interroge sur le fond. Et l'info, c"est que le FN est en tête dans tous les cas de figure".
Bien que son téléphone ne "prenne plus de messages" - la rançon de la gloire- il a répondu ce mardi à nos questions sur les enquêtes du "Parisien", qui secouent depuis trois jours les états-majors politiques.
Pourquoi avoir réalisé deux sondages sur les intentions de vote pour la présidentielle de 2012, l'un publié dimanche dans Le Parisien, l'autre ce mardi, plutôt qu'un seul ?
Nous avions d'abord réalisé une mesure avec Martine Aubry, qui nous semblait significative parce qu'au départ, il s"agissait de mesurer un rapport de force dans le pays.
Mais pour avoir une sérénité dans le débat, nous avons également testé ensuite deux autres hypothèses de candidats socialistes : François Hollande et Dominique Strauss-Kahn.
Votre sondage pour Le Parisien a fait la une de l'actualité le jour où Le Journal du Dimanche sortait sa nouvelle formule. Un hasard ?
Un institut de sondage sérieux ne se préoccupe pas de telle ou telle nouvelle formule. On ne peut pas construire des images sur des coups. Harris Interactive existe depuis 15 ans et c"est la plus forte croissance du marché au cours des deux dernières années.
Des sénateurs ont élaboré une proposition de loi pour plus de transparence dans les sondages. Thomas Piketty estime, dans Libération, que les instituts de sondage devraient mettre en ligne marges d'erreurs, "chiffres bruts et méthodes statistiques utilisées". Médiapart met en cause les incitations à répondre à vos questionnaires via un jeu concours, avec une récompense de 7000 euros. La méthodologie de votre sondage est mise en cause. Que répondez-vous ?
Mes propos ont été détournés par Mediapart : on ne rémunère pas les sondés (voir encadré ci-dessous). Pour le reste, c"est à la Commission des sondages et à elle seule de valider ou non notre travail. On ne va pas donner pas à voir notre méthodologie à la concurrence.
Mais je ne veux pas faire de polémique . Soit on considère que la mesure est vraie, soit elle n"est pas vraie. Soit on débat de la méthode, soit on débat de l"info principale de nos enquêtes. Et l"info, c"est que, dans les intentions de vote, le Front national est en tête du premier tour dans tous les cas de figure.
"Les sondés de l'institut Harris sont payés" titre Mediapart , avant de nuancer quelque peu son propos : "Pour attirer le chaland et le motiver à répondre à son enquête, réalisée sur Internet, l'institut a organisé un jeu-concours et fait miroiter une récompense. Au final, 7.000 euros ont été offerts à l'un des quelque 1.600 membres du panel".
Opinionway offre des points fidélité
La pratique n'est pas propre à Harris Interactive. Bruno Jeambart, directeur général adjoint d'Opinionway, nous a confirmé que son institut offrait des "points fidélité", d'une valeur comprise entre 20 centimes et un euro, à ceux qui répondaient à une enquête. Ces points de fidélité peuvent être échangés, à terme, contre des cadeaux. Bruno Jeambart assure qu'on ne peut répondre à plus d'une enquête par mois et que cette pratique ne fausse pas l'échantillon.
Selon lui, des instituts classiques ont également recouru à des gratifications pour s'assurer, par exemple, de la fidélité d'un panel d'une élection à l'autre (2002 / 2007 /2012...).
La réponse d'Harris Interactive
Harris Interactive, qui juge l'information de Mediapart "fausse et diffamatoire", a publié le communiqué suivant :
"Les propos de Jean-Daniel Lévy ont été détournés par le site Médiapart, créant une désinformation et relançant la polémique alors que les résultats des sondages ont été jugés incontestables et que l"institut a toujours été transparent sur ses pratiques.
Les sondages d"Opinion élaborés par Harris Interactive en France n"offrent pas de rémunération (que ce soit sous forme de points ou d"argent) directement associée à la réponse à des enquêtes.
Pour toutes nos enquêtes on line, la participation à un jeu concours est proposée en fin d"enquête. Tous les 3 mois, un tirage au sort est effectué parmi les interviewés du panel sur l"ensemble de nos enquêtes, sur cette période et ce, au niveau international soit plusieurs millions de répondants.
Harris Interactive est un institut sérieux (...) Des travaux de recherche élaborés depuis 15 ans sur les protocoles d"enquêtes auto- administrés on line montrent que la présence d"un incentive de cette nature optimise la qualité de l"échantillon et ne nuit en aucun cas à la qualité des réponses. C"est pour cette raison que la présence d""incentives" est la pratique reconnue et éprouvée pour les études on line. "
Une proposition de loi prévoit l'interdiction de toute gratification, quelqu'en soit sa nature
Comme le rappelle Médiapart, l'article 1 de la proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral , élaborée par les les sénateurs Hugues Portelli (UMP) et Jean-Pierre Sueur (PS), stipule que "les personnes interrogées sont choisies par l"organisme réalisant le sondage et ne peuvent recevoir aucune gratification de quelque nature que ce soit".
Un texte pour l'instant enlisé, le gouvernement ayant refusé de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée.
Lire aussi : Sondage loterie : les sondés de l'institut Harris sont payés (sur Mediapart) Proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral (sur le site du Sénat)
>> Réguler enfin les sondeurs par Thomas Piketty (Libération)
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