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Pour Brice Teinturier (Ipsos), la focalisation sur le croisement des courbe est "une erreur d'analyse"

Le dernier sondage Ipsos-Logica pour France Télévisions, Radio France et Le Monde montre un tassement des intentions de vote pour François Hollande et de Nicolas Sarkozy. Tous les autres candidats en profitent. Brice Teinturier (Ipsos) le décrypte.
Article rédigé par Olivier Biffaud - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France (PATRICK KOVARIK / AFP)

Le dernier sondage Ipsos-Logica pour France Télévisions, Radio France et Le Monde montre un tassement des intentions de vote pour François Hollande et de Nicolas Sarkozy. Tous les autres candidats en profitent. Brice Teinturier (Ipsos) le décrypte.

Le dernier baromètre Ipsos-Logica, réalisé notamment pour France Télévisions, met en évidence un recul des intentions de vote en faveur des deux favoris des sondages. Ce tassement se fait au profit de tous les autres candudats, à l'exception de Nicolas Dupont-Aignan.

Si François Hollande et Nicolas Sarkozy semblent être dans un mouchoir de poche au premier tour, le candidat socialiste maintient une avance appréciable sur le président sortant au second.

Francetv2012 a interrogé Brice Teinturier, délégué général d'Ipsos France, institut partenaire de France Télévisions, sur l'interprétation de ces observations.

Comment analysez-vous la baisse de François Hollande et de Nicolas Sarkozy ?

Brice Teinturier - La période d'égalité stricte des temps de parole permet à tous les candidats d'avoir la même visibilité. Elle atténue donc ce qu'on pourrait appeler le "privilège des candidats installés", c'est-à-dire ceux que l'on a vu depuis longtemps et qui sont les représentants des principales formations politiques.

Les Français découvrent ainsi des visages et des propositions qu'ils n'ont pas forcément vus et entendues auparavant, alors qu'un effet de lassitude à l'égard des "grands candidats", qui ont souvent tout dit depuis longtemps, peut se faire sentir.

Ce phénomène avait été fort en 2002 – Olivier Besancenot, candidat d'extrême gauche peu connu à l'époque, avait notamment progressé dans la toute dernière période – et nul en 2007, car le traumatisme du 21 avril était si puissant qu'il surdéterminait à gauche un vote utile de qualification en faveur de Ségolène Royal.

En 2012, il y a à nouveau un phénomène autour des petits candidats mais également, semble-t-il, de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen qui viennent grignoter François Hollande et Nicolas Sarkozy.

L'idée, à tort ou à raison, que ces derniers sont qualifiés pour le second tour et que François Hollande l'emporterait au final, autorise des électeurs à se déclarer en faveur d'autres candidas.

C'est pourquoi il faut redire ce que nous ne cessons de dire : il peut y avoir des ajustements importants d'ici le 22 avril.

Est-il déjà arrivé que les courbes de deux favoris se décroisent dans la dernière semaine de campagne après s'être croisées quelques semaines avant ? Quel est la signification de ce "ballet" ?

La focalisation actuelle sur le "croisement des courbes" entre Nicolas Sarkozy et François Hollande est une erreur totale d'analyse. Elle a été beaucoup poussée par l'équipe du candidat Sarkozy qui en a fait un enjeu symbolique et politique.

Elle a été relayée ensuite par la rémanence de la campagne de 1994/1995 et d'une primaire à droite entre Edouard Balladur et Jacques Chirac. Or, dans le contexte de 1994, celui d'une primaire interne, cela avait naturellement une importance extrême car le candidat qui prenait l'avantage était assuré d'être qualifié et, compte tenu du rapport de force gauche-droite de l'époque, de l'emporter.

Mais au premier tour, et si l'on parle du croisement des courbes entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, cela n'a rien à voir : nous ne sommes pas dans le cas d'une primaire interne.

Et naturellement, en cas de rapport de force serré, l'un peut passer devant l'autre à instant T de la campagne, puis ne plus l'être. Tout simplement parce qu'il y d'autres candidats qui eux-mêmes peuvent monter et venir les concurrencer. C'est exactement ce qui se produit en 2012.

En revanche, en cas de choix bipolaire entre deux candidats de familles politiques opposées, c'est-à-dire ce que nous mesurons pour le second tour, il n'y a jamais eu à ma connaissance croisement puis décroisement des courbes. Il peut y avoir en revanche tassement ou resserrement. Tout dépend du niveau de départ.

Le résultat et l'ordre d'arrivée du premier tour peuvent-ils avoir une influence sur les taux de report au second ?

L'essentiel, c'est le résultat du premier tour, le poids des blocs et le niveau des différents candidats. C'est cela qui détermine le second tour.

S'agissant de changements dans les reports stricto sensu, il peut aussi y avoir des effets mais partiels.

Par exemple, si Jean-Luc Mélenchon est très haut et a fortiori s'il est troisième, cela peut inquiéter des électeurs centristes et les conduire à davantage voter pour Nicolas Sarkozy. Le vote Le Pen peut également évoluer un peu plus favorablement pour Nicolas Sarkozy selon la nature des débats et polémiques de l'entre deux tour.

Mais redisons le : c'est le premier tour qui fabrique le second.

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