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Politique économique : Hollande et Valls ont-ils raison de s'entêter ?

Alors que tous les signaux sont au rouge, l'exécutif entend garder son cap. Mais face à l'absence de résultats, cette stratégie est-elle pertinente ? Francetv info pèse le pour et le contre.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
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François Hollande et Manuel Valls, le 15 août 2014 au fort de Brégançon (Var). (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

La rentrée sera "difficile en matière de conjoncture économique", prévenait Manuel Valls dès le 1er août. Alors que le gouvernement se réunit à l'Elysée pour un Conseil des ministres de rentrée, mercredi 20 août, on ne peut que donner raison au Premier ministre.

Comme au premier trimestre, la croissance a été nulle (0%) au deuxième trimestre 2014. L’objectif de ramener le déficit public à 3,8% semble compromis et, loin de s'inverser, le chômage continue de grimper... Tous les indicateurs économiques sont au rouge en FranceUn scénario noir pour François Hollande et le gouvernement, qui avaient promis un "retournement" pour l'économie française et une "inversion de la courbe du chômage". Face à l'absence de résultats, la question de la pertinence de la politique économique menée par l'exécutif se pose. 

Pourtant, ce dernier n'entend pas changer de cap. Dans un entretien au Journal du Dimanche, le Premier ministre a affirmé le 17 août qu'il est "hors de question" de changer de politique. "La politique que le président de la République a décidé de mettre en œuvre nécessite du temps pour produire des résultats", explique Manuel Valls. Le gouvernement a-t-il raison de s'entêter ? Francetv info pèse le pour et le contre. 

Non, la politique de l'offre ne porte pas ses fruits

Depuis le début de son quinquennat, le président de la République mise sur une politique de l'offre (axée sur les entreprises) plutôt que sur une politique de la demande (axée sur la consommation des ménages). D'abord via le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). D'un montant de 20 milliards d'euros, il permet aux entreprises d'alléger le coût du travail. Puis, via le pacte de responsabilité, qui prévoit 20 milliards d'euros d'allègements de charges et de baisses d'impôts pour les entreprises. Si ce dispositif doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015, le gouvernement tablait sur une anticipation de la part des entreprises des gains liés au CICE et ainsi une relance des investissements. Mais il n'en est rien. 

Cette panne de l'investissement peut avoir différentes causes : "Délai de latence entre l’application de la mesure et la réaction des entreprises, attentisme des entrepreneurs face à une conjoncture plus que morose", explique Libération (article payant). Mais elle pourrait aussi provenir d'une absence de demande : "Les entreprises n’investissent pas… car elles n’ont personne, en face, à qui vendre", résume Libé.

Si ce scénario se confirme, la politique menée par François Hollande se montrerait doublement contre-productive. Non seulement la demande n'est pas stimulée, mais les ménages pourraient en souffrir. Car les économies consenties aux entreprises par le gouvernement sont financées par des coupes dans les dépenses publiques, qui concernent notamment les ménages. "Financer une politique de l’offre par une politique de la demande négative, en transférant, quasiment euro pour euro, les fonds des ménages vers les entreprises, conduit à neutraliser les gains potentiels de la politique de l’offre par l’effet négatif provoqué sur la demande", résume dans le journal Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économique.

Oui, car le chef de l'Etat mise sur 2017

Le 14 juillet, François Hollande le martelait : "Il faut garder le cap." "Si on ne soutient pas les entreprises, le pays ne se relèvera pas", renchérissait Manuel Valls le 17 août. Pour Jean-Daniel Levy, directeur du département opinion et politique à l'institut Harris Interactive, le chef de l'Etat peut avoir intérêt à assumer et poursuivre la politique économique menée par l'exécutif.

"Les Français ont beaucoup reproché à François Hollande une forme d'inconstance dans la prise de décision et son incapacité à pouvoir tenir un cap, doublée d'une difficulté à pouvoir définir une stratégie sur le moyen et sur le long terme", indique Jean-Daniel Levy à francetv info. Désormais dans la tempête, le président de la République souhaite montrer que le "cap est fixé" et que c'est lui le "chef qui le garde", poursuit-il.

Ce cap, dont il ne faut pas dévier, correspond également à "une vision au long terme de François Hollande, qui pense que les effets se feront sentir plutôt en 2017 qu'en 2014, 2015 ou 2016", ajoute ce spécialiste de Harris Interactive. 

Oui, car le président est sous contraintes

Pour Stéphane Rozès, politologue et président de Conseil, analyses et perspectives (CAP), François Hollande est dans une "situation difficile". "Le président doit convaincre le pays de fournir des efforts alors que les premiers résultats ne vont pas dans le bon sens, explique-t-il à francetv info. Il doit faire en sorte que le pays consente à être réformé." Selon Stéphane Rozès, le chef de l'Etat a recours à un double message : "Premièrement, il dit : 'C'est à l'Europe de permettre aux gouvernements qui font des efforts structurels de ne pas rentrer en récession'. Et deuxièmement, il peut affirmer : 'Nous ne changerons pas de cap, nous poursuivrons les efforts nécessaires'."

Car la marge de manœuvre de François Hollande est faible. "La politique qui vise à restaurer les comptes publics nous est demandée par l'Europe", précise Stéphane Rozès. Et le pays doit aussi faire face "aux marchés financiers et aux taux auxquels la France peut emprunter", il y a donc une "pression bien réelle sur le pays", selon le politologue. "Il y a un risque d'incompréhension de la part de l'opinion, concède Stéphane Rozès. Mais politiquement, il n'y a pas beaucoup d'autres solutions" que de garder le cap.

Non, car la majorité de Hollande est fragile

Le gouvernement n'a pas encore fait sa rentrée, mais il sait que les frondeurs du Parti socialiste l'attendent au tournant. Ils font mouche à gauche de la gauche en appelant le président à rompre avec la politique d'austérité actuelle et en dénonçant le pacte de responsabilité, qu'ils considèrent comme un "cadeau offert au patronat".

Confortés par les mauvais chiffres de l'économie, ils font entendre leur petite musique. "Avec la seule stratégie et le seul soutien du Medef", le cap n'est "plus tenable", estime ainsi Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS. "Ce qui est irresponsable, c’est la politique de l’offre actuellement menée. Si on veut de la croissance, il va falloir aller la chercher", martèle Laurent Baumel, député PS, interrogé par Libération. Les élus frondeurs souhaitent une révision du pacte de responsabilité, qui favoriserait les ménages.

Jusque-là, ils ne sont pas parvenus à faire trembler le gouvernement. Lors du vote du projet de loi de finances rectificative de la Sécurité sociale, "l'appel des 100" contestataires s'est transformé en 33 abstentions. La censure par le Conseil constitutionnel de l'allègement des cotisations des salariés, présenté comme une compensation du pacte de responsabilité pour les ménages, a réveillé leur colère au début du mois d'août. Et leurs rangs pourraient grossir à mesure que les mauvaises performances s'accumulent pour le gouvernement. "Ce ne sont ni des gauchistes ni des adversaires du gouvernement. Ils reflètent la majorité du parti", explique François Lamy, ancien ministre délégué à la Ville, à Libération.

Face à l'inflexibilité de l'exécutif, le camp de la fronde compte bien se faire entendre. Les frondeurs organiseront une réunion à La Rochelle pendant l'université d'été du PS. Le vote sur le budget 2015, qui aura lieu cet automne, s'annonce animé, alors que le PS compte 291 élus à l'Assemblée, et que la majorité absolue est fixée à 289 députés.

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