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Municipales : comment la Manif pour tous veut peser sur l'UMP

A moins de deux mois du premier tour des municipales, la Manif pour tous espère avoir montré dimanche que les candidats ont tout à gagner à signer sa "Charte du candidat". Mais pour être sûr de peser sur la politique familiale et éducative des futurs maires, entre "50 et 100" opposants ont décroché une place sur les listes électorales de l'UMP.
Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
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  (Maxppp)

Entre 100.000 et 540.000 potentiels électeurs pour les municipales ont donc manifesté dimanche à Paris et Lyon à l'appel de la Manif pour tous. "A deux mois des municipales, les candidats ont intérêt à nous entendre ", lançait Ludovine de la Rochère quelques heures avant le début de la manifestation pour "défendre les familles françaises ". Pour autant,  une semaine après "Jour de colère" et ses débordements, très peu d'élus ont fait le déplacement ce dimanche, à l'exception des députés UMP Henri Guaino, Hervé Mariton, Philippe Gosselin ou Jean-Frédéric Poisson.

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Les manifestants contre le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui ou "la théorie du genre" ont-ils un réel poids électoral ? Difficile de le savoir. A Lyon, George Fenech n'a pas remporté la primaire UMP de juin dernier malgré le soutien appuyé de la Manif pour tous. A Paris, Nathalie Kosciuko-Morizet s'est imposée comme tête de liste malgré son abstention sur le mariage pour tous. "Mais elle était annoncée avec 80 ou 90% des voix, elle en a eu beaucoup moins au final. Son manque d'engagement sur le mariage pour tous lui a fait perdre plus de 20% des voix ", estime Ludovine de la Rochère.

Une "Charte du candidat"... signée par le Front national

La Manif pour tous espère donc peser sur ces élections, au-delà du mariage pour tous. "Les maires ont un rôle dans la politique familiale et ils sont des grands électeurs pour le Sénat et les parrains des candidats à la présidentielle ", détaille la présidente de la Manif pour tous. Pour leur permettre d'officialiser leur soutien, les futurs élus peuvent signer depuis novembre dernier une "Charte du candidat". Le texte les contraint notamment à "axer les subventions " aux associations familiales ou encore "préserver l'enfant de toute expérimentation basée sur les concepts de Genre (...) en maternelle, dans les crèches et dans les temps périscolaires à l'école. "

Sauf que sur les "quelques centaines de signataires", seuls des candidats du Front national semblent vouloir communiquer sur la signature de cette charte. C'est le cas à Bordeaux, Brest, Lyon, Orléans ou Nantes. "Ils veulent nous récupérer ", tempête Ludovine de la Rochère, qui s'échine à montrer que la Manif pour tous n'a aucun lien avec l'extrême droite. Les candidats UMP signeront-ils le même texte que leurs adversaires frontistes ? La Manif pour tous, qui s'était engagée à publier les noms des signataires sur son site, ne communique pas de liste "pour le moment".

Le mariage pour tous ? "Il faut être beau joueur"

Pour être sûr que les "valeurs et les idées du mouvement de l'an dernier " seront bien représentées au niveau municipal, certains ont déjà sauté le pas. Edouard du Parc, le fondateur de la Manif pour tous en Gironde s'est engagé sur la liste d'Alain Juppé à Bordeaux, l'un des rares ténors de l'UMP favorables au mariage pour tous.

"Je suis allé le voir pour proposer mes services. Il était sensible à respecter toutes les sensibilités de la ville ", assure l'entrepreneur de 42 ans, conscient d'avoir un rôle de rabatteur pour les électeurs bordelais heurtés par la prise de position de l'ancien Premier ministre : "Pour Alain Juppé, c'est l'occasion de se réconcilier avec eux. Je souhaite offrir aux très nombreuses familles qui étaient dans la rue en 2013 une issue politique de façon à éviter qu'elles aillent sur leur droite ou qu'elles basculent dans la violence. " Pour Edouard du Parc, c'est "donnant-donnant". "Pour moi, c'est l'occasion de profiter de sa stature nationale pour diffuser mes idées et mes valeurs ".

Un cas isolé ? Pas tellement, à en croire Sens commun, la passerelle officielle entre les anciens du mouvement social de l'an dernier et l'UMP. Lancé en décembre dernier avec la bénédiction de Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy, le groupe affirme avoir placé "entre 50 et 100 candidats " sur les listes du parti de droite pour les municipales, "dont Paris, Nantes, Caen, Marseille, la Roche-sur-Yon, mais aussi dans de nombreuses petites villes ", assure Sébastien Pilard, président du groupe composé d'anciens de la Manif pour tous et des Veilleurs.

Et peu importe si les têtes de listes ne sont pas vraiment opposées au mariage pour tous, comme Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris. "Il faut savoir être beau joueur et loyal. Nous sommes toujours pour l'abrogation, mais il faut être pragmatique et aller au-delà de cette question ", juge un cadre de Sens Commun.

Entre lobbying et entrisme

Pour autant, Sens commun assure auprès des manifestants échaudés par l'UMP ne pas être un simple faire-valoir du parti. Sébastien Pilard évoque plutôt une stratégie d'entrisme au sein du parti d'opposition. "S'associer à l'UMP, ce n'est pas cautionner la ligne du parti. Au contraire, nos convictions et nos valeurs doivent servir de socle à son programme. En prenant des places éligibles pour ces élections, on essaie de prendre du poids pour faire bouger les lignes de l'intérieur ", poursuit le colistier de l'UMP Laurence Garnier à Nantes, avec pour objectif "la présidentielle de 2017. Et si nos idées ne sont pas prises en compte d'ici là, on saura prendre nos responsabilités ".

De son côté, la Manif pour tous préfère continuer sa stratégie de pression extérieure sur l'UMP. Forte "du mouvement d'ampleur historique de l'an dernier " et sûre de peser électoralement, la présidente de la Manif pour tous se fait même menaçante.

"On ne le souhaite pas, mais si nous sentons que nous ne sommes pas entendus et qu'il n'y a pas d'engagement fort des candidats aux municipales pour la famille, on se posera la question d'un engagement politique pour les élections européennes. S'il le faut, nous sommes prêts. Un parti politique, ça se crée en quelques en quelques instants, les sondages, on les a déjà fait. On est très sereins là-dessus ", lance Ludovine de la Rochère.

En avril dernier, Frigide Barjot, l'ancienne chef de file de la Manif pour tous, avait déjà annoncé "des candidats aux municipales "... avant d'abandonner l'idée quelques jours plus tard.

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