Michèle Delaunay, ministre à Paris, candidate de terrain aux législatives à Bordeaux
"Bonjour, je suis Michèle Delaunay, candidate aux législatives"…Ministre en campagne, Michèle Delaunay faisait vendredi, sous un soleil de plomb, du porte-à-porte dans un quartier populaire de sa circonscription bordelaise. Reportage.
Envoyé spécial à Bordeaux. Frêle, et volontaire, Michèle Delaunay, ministre délégué en charge des personnes âgées dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, donnait de sa personne vendredi pour motiver les électeurs de sa circonscription, la deuxième de Gironde. Une circonscription à cheval sur les deux rives de la Garonne, agrégeant aussi bien le coeur historique et bourgeois que des quartiers plus populaires de Bordeaux, la ville tenue par Alain Juppé, qu'elle avait battu à la surprise générale lors des législatives de 2007.
"Vous avez déjà ma voix"
"Je viens vous rappeler qu'il faut voter pour donner une majorité à François Hollande", explique Michèle Delaunay à une dame qui lui a ouvert sa porte dans ce quartier populaire, fait de petites maisons individuelles, à quelques encablures du centre historique de la capitale girondine. "Je le pense aussi", répond la dame ravie de la visite de la candidate-ministre qui fait le job malgré la chaleur. Auparavant, dans sa permanence électorale, la ministre avait plié les enveloppes et les professions de foi, comme une simple militante. "Ce qu'il y a de plus fatigant dans une campagne, c'est le travail sur les documents, je les écris et relis moi-même", affirme-t-elle.
Un travail qu'elle combine avec le ministère. "Etre ministre et candidat à plein temps, c'est ce que nous a demandé François Hollande. Ca fait deux plein temps", s'amuse-t-elle.
"Formidable, vous avez déjà ma voix", lui répond une autre dame venue accueillir la candidate dans son jardinet. Parfois, la porte reste close, alors la candidate dépose sa profession de foi dans la boîte aux lettres, parfois accompagnée d'un petit mot vantant, ici, la qualité du jardin ou, là, la beauté des rosiers. "Faut toujours avoir un mot pour les gens, explique la députée sortante affirmant prendre exemple sur André Labarrère, ex député maire de Pau (mort en 2006), qui "connaissait tous ses concitoyens", raconte-t-elle, une pointe d'humour perçant toujours sous le sérieux de sa fonction.
"Je vous avais promis de revenir"
Son statut de ministre ne laisse pas indifférent. "Tiens, viens voir Madame Delaunay, dit un monsieur en appelant sa femme, restée à l'intérieur de la maisonnette. "Je suis ravie. C'est un honneur de vous voir", dit la dame en sortant. "Je vous avais promis de revenir", répond la ministre qui était déjà venu dans le quartier faire du porte--à-porte pendant la campagne pour François Hollande.
Aucune réaction négative dans cette opération. Les plus hostiles laissent juste paraître une indifférence polie. Seul signe visible d'une campagne législative en cours, un tract du candidat du Front National, François Jay, traine par terre.
"Une terre de droite"
Cela veut-il dire que les jeux sont déjà faits dans cette deuxième circonscription de Gironde ? "Pas du tout", répond Mme Delaunay, malgré les 59% réalisés par François Hollande sur ce territoire. "C'est une terre de droite ici", rappelle cette membre de la bourgeoisie bordelaise. "Dans mon quartier, je fais figure de rouge", s'amuse cette médecin hospitalière, issue d'une famille bordelaise connue, dont le père était un préfet issu de la résistance et proche de Chaban-Delmas.
Et puis la campagne n'est pas jouée. Le "team Juppé", comme elle dit, entend bien l'emporter. "La permanence de Nicolas Florian, le candidat choisi par l'UMP pour remplacer Alain Juppé, sert de "standard téléphonique. Ils appellent tous les Bordelais un à un. Et ce n'est pas facile à contrer".
Si madame la ministre rend ainsi hommage au travail militant d'Alain Juppé, elle sait aussi reconnaître son bilan de maire. "Il a apporté quelque chose d'indéniable à la ville", admet-elle notant l'embellissement de Bordeaux, le renouveau touristique. "Mais, insiste-t-elle, la ville a besoin d'alternance" pointant les inégalités entre les quartiers ou une "démocratie locale vérouillée".
2014, les municipales à Bordeaux
"2014 personne ne m'en parle", affirme Michèle Delaunay devant des coupures de presse qui ne parlent que de ça. Il est vrai que lors de ce porte-à-porte personne n'a abordé le sujet alors que la question de la dépendance, des soins à domicile -le domaine de la ministre- ont suscité des questions.
Une dame lui parle longuement de l'hospitalisation à domicile d'un de ses parents et du décès d'un autre lors de la canicule de 2003. De quoi rappeler à la candidate ses responsabilités ministérielles : "J'espère que la canicule ne sera pas mon comité d'accueil au ministère", s'inquiète la ministre alors que thermomètre monte. En charge des questions de dépendance, elle confirme souhaiter que les coûts liés à ce dossier dépendent de la "solidarité".
2014 donc. La campagne des législatives dans cette circonscription s'est ouverte, au lendemain de la victoire de François Hollande, par une double surprise. Premier temps, Alain Juppé annonce brutalement qu'il ne se présente pas aux législatives préférant dit-il, se recentrer-sur-sa-ville-de-Bordeaux (et éviter ainsi le spectre d'une nouvelle défaite, alors qu'il a déjà un oeil sur l'UMP). Deuxième épisode, quelques heures avant le dépôt des candidatures, Michèle Delaunay annonce le changement de son suppléant.
Elle decide, en effet, de s"adjoindre Vincent Feltesse, la personnalité qui monte dans le PS régional, l'homme qui a été responsable de la campagne numérique de François Hollande. Une surprise qui oblige l'équipe à refaire son matériel de campagne. Les tracts déjà imprimés évoquaient en effet comme suppléante, Emmanuelle Ajon, suppléante sortante, passée par pertes et profits.
"Entourloupe cousue de fil blanc"
Et tout le monde de traduire cette décision comme la mise sur pied d'une candidature de Vincent Feltesse pour les municipales de 2014 contre Alain Juppé. Ce dernier a ainsi résumé la situation dans "Sud-Ouest" : "C'est une entourloupe cousue de fil blanc de la part du PS qui veut accroître sa mainmise sur l'agglomération. Mme Delaunay restera ministre jusqu'en 2014 puis elle reviendra à l'Assemblée nationale et Vincent Feltesse se découvrira une ambition bordelaise après avoir effectué pendant deux ans le mandat de député. Les Bordelais ne s'y tromperont pas".
Un argument qu'entend martéler le candidat UMP. A 43 ans, Nicolas Florian, le dynamique candidat de l'UMP qui a remplacé au pied levé Alain Juppé pense lui aussi que les jeux sont loin d'être faits. "Je suis le challenger c'est vrai, mais cela évolue, je sens une vraie mobilisation autour de ma candidature" affirme-t-il se disant sur de l'emporter.
Malgré le score impressionnant de Hollande sur cette circonscription, Nicolas Florian explique son optimisme : "Juppé a été en partie battu en 2007, car il s'est maintenu comme ministre. Or, aujourd'hui, Michelle Delaunay fait la même chose en pire".
"Juppé boy", élu de la Communauté urbaine de Bordeaux, conseiller régional, le candidat UMP, Nicolas Florian, que Marie-Claude Noël, candidate des Verts à cette législative, présente comme un "apparatchik" et "pas comme un élu de Bordeaux", affirme sur un ton très politique que "dès que je suis élu, je prends l'engagement de démissionner de tous mes mandats".
"Mon ambition c'est de gagner et je vais gagner avec ce tripatouillage", insiste celui qui se présente comme "toujours au côté d'Alain Juppé” . Ce "tripatouillage très 4e République", selon M.Florian,c'est la décision de Michele Delaunay de changer de suppléant.
"Réindustrialisation de la Bastide"
Candidate des Verts, Marie-Claude Noël préfère, sur cette question des municipales, renvoyer les deux camps "dos à dos" tout en notant qu'en se retirant à la dernière minute Alain Juppé a envoyé un mauvais signal "à son camp et à l'UMP".
La perspective de 2014 ne masque cependant pas les débats propres aux legislatives. Chaque candidat avance ses arguments. Pour Madame Delaunay, l'essentiel est d'apporter "une majorité politique au changement" permettant aux propositions de François Hollande de s'appliquer. Pour Nicolas Florian, l'idée est d'empêcher que les socialistes détiennent tous les pouvoirs (région, conseil général, Communauté urbaine...) et répète qu'”il serait un deputé à plein temps au service de la ville”.
Dans cette circonscription de "rêve", comme la qualifie Brigitte Comard, candidate du Front de Gauche, il reste que tout n'est pas aussi parfait que la belle architecture 18e du centre ville. Les questions comme le chômage, l'environnement, les transports, restent comme partout prioritaires même si la population du centre de Bordeaux s'est grandement "boboïsée", note Stéphane Pusareti, responsable d'une association d'habitants.
La candidate du Front de gauche réclame une reindustrialisation d'un des quartiers de la circonscription, la Bastide, celui situé sur la rive droite de la Garonne tandis que la candidate écologiste souhaite concentrer les efforts sur la la renovation des logements.
Mais plus que les législatives ou les futures municipales, les conversations dans le centre ville semblaient plus porter, avec le retour de la chaleur, sur les questions de vente d'alcool sur les quais de la Garonne où les jeunes viennent boire le soir. Comme quoi à Bordeaux, comme ailleurs, difficile de se passionner pour la politique après six mois de campagne présidentielle.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.