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Marie Curie et Jules Ferry, "icônes" républicaines de François Hollande

L'hommage que rend mardi François Hollande à deux "icônes" républicaines, Jules Ferry (contesté pour ses positions sur la colonisation) et Marie Curie, symbolise les priorités du nouveau président : éducation et recherche.
Article rédigé par Francetv 2012
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Publié Mis à jour
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Marie Curie (Ann Ronan Picture Library / Photo12)

L'hommage que rend mardi François Hollande à deux "icônes" républicaines, Jules Ferry (contesté pour ses positions sur la colonisation) et Marie Curie, symbolise les priorités du nouveau président : éducation et recherche.

Le jour de son investiture mardi 15 mai, François Hollande a choisi d'honorer Jules Ferry (1832-1893), auteur dans les années 1880 des grandes lois républicaines sur l'école "gratuite, laïque et obligatoire", et Marie Curie (1867-1934), double prix Nobel de physique (en 1903) et de chimie (en 1911).

Le premier symbolise l'éducation, la seconde la recherche, deux priorités du nouveau président. Mais Jules Ferry reste aussi connu comme chaud partisan de l'expansion coloniale de la France, à la fin du XIXe siècle. Analyse de deux historiens, interrogés par l'AFP.

Marie Curie, symbole de l'accueil des étudiants étrangers

Pour Jean-Pierre Azéma, historien spécialiste de la IIIe République., le parcours de Marie Curie, née à Varsovie et arrivée en 1891 à Paris où elle y étudia les sciences, symbolise "l'importance de l'accueil des étudiants étrangers", malmené par la "circulaire Guéant" et dont l'abrogation devrait être une des premières décisions de François Hollande.

Jules Ferry, promoteur d'une école "laïque"...

Jules Ferry est "une sorte d'icône des Républicains et de la gauche qui a fait de l'école le ciment de la République" et c'est "à juste titre que François Hollande s'y réfère", lui qui a placé "la jeunesse" et "la refondation de l'Ecole" au coeur de ses priorités, explique à l'AFP Jean-Pierre Azéma.

Aux yeux de l'historien de l'éducation Antoine Prost, Ferry n'est pas à proprement parler le "fondateur" de l'école républicaine, déjà en partie gratuite et obligatoire avant les lois des années 1880. Il a été surtout le promoteur de la laïcité (des locaux, des programmes, du personnel enseignant) et d'une "modernisation culturelle très ambitieuse" concernant notamment la scolarisation des filles ou la formation des futurs enseignants.

Le rapprochement opéré par François Hollande entre les deux "icônes" Ferry et Curie fait penser au Front Populaire, résume M. Prost. "L'union de la recherche et de l'éducation, c'est fondamentalement cette période", analyse-t-il pour l'AFP, citant le ministre Jean Zay qui a prolongé la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans et jeté les bases du CNRS.

Ferry, grand partisan de la colonisation

Selon les deux historiens, il y a donc "une cohérence" à associer ces deux figures. Mais Jules Ferry reste critiqué aujourd'hui pour avoir été aussi un farouche partisan de la colonisation. Il fut "non seulement un grand colonisateur, mais c'est quelqu'un qui fonde la colonisation sur une vraie théorie raciste. De même qu'il faut éduquer les enfants, il faut éduquer les Africains, c'est ça l'idée", a dénoncé lundi sur France Inter Luc Ferry, ministre de l'Education nationale de 2002 à 2004, sous la présidence Chirac.

"Si j'avais à célébrer une grande figure de la République, malgré le nom que je porte, j'aurais plutôt célébré Clemenceau que Jules Ferry", a-t-il ajouté.

Le philosophe fait ainsi référence au combat que Georges Clemenceau mena, plutôt seul, en 1885, après que Jules Ferry eut déclaré qu'"il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures".

"La part d'ombre" de Jules Ferry

François Hollande "devrait aussi rappeler la part d'ombre de cet homme et de toute une partie de l'histoire de France", a réclamé Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran).

Mais pour l'historien de l'éducation Claude Lelièvre, "l'horizon impérialiste, c'était l'horizon intellectuel de l'époque, donc c'est faire un peu de l'anachronisme que de le lui reprocher". "Il ne faut pas faire de Jules Ferry un précurseur de l'OAS", tranche son collègue Antoine Prost, rappelant que dans les années 1890, Ferry avait critiqué les colons d'Algérie, dans le cadre d'une commission d'enquête sénatoriale.

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