Les syndicats se sont dits opposés au projet gouvernemental sur les retraites, qu'ils jugent "injuste"
L'intersyndicale CFDT-CGT-FSU-Solidaires-Unsa, rejointe par la CFTC, a jugé jeudi le projet "inacceptable", "injuste" et "brutal" et appelé dans un communiqué à une mobilisation massive pour la journée du 24 juin.
Le gouvernement a annoncé mercredi son projet, qui prévoit le recul de l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans.
Dès mercredi, les syndicats se sont déclarés opposés au projet gouvernemental. CGT et FO n'iront pas au rendez-vous fixé par le ministre du travail tandis que la CFDT s'y rendra pour présenter son contre-projet.
Fait exceptionnel, François Chérèque et Bernard Thibault se sont présentés ensemble mercredi au journal de 20h de France 2, où ils ont dénoncé d'une même voix "un recul sans précédent." "Face à la réforme du gouvernement qui fait payer 85% de la réforme uniquement aux salariés avec des mesures injustes, je crois que la présence de Bernard et moi sur le plateau est un signe", a affirmé le leader de la CFDT.
Eric Woerth ayant déclaré mercredi soir que le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans d'ici 2018 ne serait pas renégocié, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, a déclaré sur TF1 qu'il ne voyait pas "l'utilité d'avoir des discussions" d'ici vendredi avec le ministre du Travail. Selon Europe 1, la CGT dirigée par Bernard Thibault est sur la même position et ne se rendra pas au ministère du Travail. En revanche, François Chérèque, dirigeant de la CFDT, a indiqué sur France 2 qu'il rencontrerait Eric Woerth parce qu'il avait reçu mandat de ses adhérents de présenter les propositions de son organisation.
Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a qualifié le projet gouvernemental de réforme des retraites, présenté mercredi, de "recul social sans précédent" et estimé que "tout va dépendre de la réaction des salariés" avec un premier rendez-vous le 24 juin. L'intersyndicale CGT-CFDT-CFTC-Unsa-FSU-Solidaires organise une journée d'action interprofessionnelle le 24 juin sur le thème des retraites.
60% des Français ne sont pas d'accord avec le recul de l'âge de la retraite à 62 ans, selon un sondage Le Parisien/CSA.
Les mesures gouvernementales sur la retraite
Recul de l'âge légal, à raison de 4 mois par ans à compter du 1er juillet 2011, pour le porter à 62 ans en 2018. "Une position à la fois raisonnable et efficace" selon le ministre. La hausse de la durée d'activité sera "générale" mais "progressive et juste" car "tout le monde ne fera pas le même effort", a affirmé M. Woerth. Le projet prévoit que le relèvement s'applique au privé, au public et aux régimes spéciaux.
Convergence public privé
Dans la Fonction publique, "toutes les bornes d'âge bougeront de deux ans", a-t-il souligné, notant que pour les "catégories actives" (policiers, pompiers, etc), dont l'âge légal de départ à la retraite est généralement fixé à 50 ou 55 ans, les départs seront désormais possibles à partir de 52 ou 57 ans.
Le gouvernement propose d'aligner les cotisations retraites des fonctionnaires sur celles du secteur privé en 10 ans, le faisant passer de 7,85% à 10,55% et prévoit de fermer dès 2012 le dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant 15 ans de service.
Seuls les parents ayant déjà trois enfants en 2012 pourront encore bénéficier de ce dispositif, qui concerne en majorité les femmes. En 2008, près de 14.600 fonctionnaires (des femmes à 99%) ont pu partir à la retraite grâce à ce dispositif.
Autre mesure de convergence avec le privé, les règles d'obtention du "minimum garanti" de pensions seront les mêmes dans le public et le privé. Pour l'obtenir, les fonctionnaires devront avoir tous leurs trimestres ou attendre l'âge d'annulation de la décote (âge du taux plein).
Par ailleurs, pour les fonctionnaires dont l'âge d'ouverture des droits est aujourd'hui de 60 ans, le relèvement de l'âge se fera à raison d'un quadrimestre par an jusqu'à 62 ans. Le premier relèvement interviendra le 1er juillet 2011 pour les fonctionnaires nés en 1951.
Carrières longues et pénibilité
Le dispositif "carrières longues" (...) sera poursuivi et même élargi aux salariés qui ont commencé à 17 ans", ce qui représente "un effort financier important, puisqu'elle conduira 50.000 personnes par an à ne pas être concernées par la retraite à 62 ans et 90.000 personnes en 2015", a-t-il détaillé.
Les salariés dont l'état de santé est dégradé à la suite d'expositions à des facteurs garderont la retraite à 60 ans à taux plein quel que soit leur nombre de trimestres. Ce dispositif qui 'bénéficiera après montée en charge à 10.000 personnes par an, a été "construit avec la volonté d'avoir une réponse immédiatement opérationnelle, équitable, c'est-à-dire reposant sur des critères absolument incontestables, et maîtrisable" a déclaré M Woerth.
Pour les jeunes, les femmes et les agriculteurs
Les jeunes en situation précaire pourraient bénéficier de trimestres validés supplémentaires lorsqu'ils sont au chômage non indemnisé. Aujourd'hui, ils peuvent valider jusqu'à 4 trimestres d'assurance au titre de la première période de chômage non indemnisé. Le gouvernement propose de le porter à 6 trimestres.
Le ministre a par ailleurs annoncé des mesures à destination des femmes. "Nous avons fait des progrès majeurs dans ce domaine. L'écart de pension s'est réduit et aujourd'hui les femmes ont au moins autant de trimestres que les hommes", a-t-il noté. Il faut encore selon lui "empêcher que le congé maternité ne fasse chuter la pension de retraite", ce qui "nécessite, contrairement à aujourd'hui, que l'indemnité journalière perçue pendant le congé maternité entre désormais dans le salaire de référence sur lequel sera calculée la pension de retraite".
Pour les agriculteurs, le projet prévoit de faciliter l'octroi du minimum vieillesse en excluant les terres agricoles et les corps de fermes du recours sur succession, d'assouplir les conditions d'accès au dispositif de revalorisation du minimum de pension agricole, notamment pour les femmes exploitantes.
Nouvelles ressources
Le gouvernement souhaite relever des taxes sur le capital pour financer le système des retraites, des nouvelles recettes qui apporteront 70 millions en 2011 selon M. Woerth.
Le projet prévoit de prélever 1% supplémentaire sur la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu, prélèvement qui ne sera pas prise en compte dans le bouclier fiscal, et de relever d'un point le prélèvement forfaitaire obligatoire sur les revenus du capital et du patrimoine.
Concernant les revenus du capital, le crédit d'impôt sur les dividendes perçus par les actionnaires sera supprimé, ce qui revient à davantage les taxer selon le ministre.
Il propose également d'augmenter la taxe sur les plus-values mobilières, quel que soit leur montant, immobilières, les dividendes et les intérêts.
Le prélèvement sur les stock-options sera relevé: la contribution sociale payée par le bénéficiaire sera triplée à 8% et celle versée par l'employeur passera de 10 à 14%.
Enfin le gouvernement entend "annualiser" le calcul des allègements de charges dont bénéficient les employeurs, jusqu'ici calculées mensuellement, afin de les réduire de deux milliards d'euros.
Toutes ces mesures fiscales doivent rapporter 3,7 milliards d'euros l'an prochain et 4,4 milliards d'euros en 2018, selon les estimations officielles.
Détail des mesures fiscales prévues par le gouvernement
(en millions d'euros constants 2010)
CONTRIBUTIONS DES HAUTS REVENUS : 410 (2010) et 630 (2011)
CONTRIBUTIONS DES REVENUS DU CAPITAL : 1.090 (2010) et 1.340
TOTAL TAXES SUR LES MÉNAGES : 1.500 et 1.970
TOTAL TAXES SUR LES ENTREPRISES : 2.200 et 2.650
TOTAL : 3.700 (2010) et 4.600 (2011)
Le fonds de réserve mis à contribution, tollé à gauche
Censé couvrir à partir de 2020 une partie des besoins de financement des régimes de retraite du secteur privé, le Fonds de Réserve pour les Retraites, doté de 34,5 milliards d'euros, sera utilisé pour pour combler intégralement le déficit du régime général d'ici 2018.
"En ce qui concerne le financement des déficits accumulés jusqu'au retour du régime à l'équilibre, en 2018, ils seront repris au fur et à mesure par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui pourra compter sur les ressources du Fonds de réserve", a expliqué le ministre du Travail Eric Woerth.
"Je ne serai pas de ceux qui racontent aux Français que le FRR est une solution pour dans 20 ans, et qu'y toucher maintenant serait criminel", a ajouté Eric Woerth.
La confirmation de l'utilisation de ce Fonds, qui avait déjà été évoquée par M. Woerth, a fait bondir la gauche.
La Première secrétaire du PS, Martine Aubry, a accusé le gouvernement de "piller le Fonds de réserve des retraites qui était pour les jeunes de demain".
La députée socialiste Marisol Touraine lui a reproché de "saborder" le FRR, qui sera dilué dans la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). "Concrètement, vous faites une politique de shadocks, vous creusez, vous pompez dans les réserves jusqu'en 2018", a-t-elle déclaré.
"Là où aujourd'hui le gouvernement ne prélève pas sur les revenus du capital, il va prendre sur le fonds prévu pour la retraite des jeunes, c'est d'un cynisme absolu", a déclaré le porte-parole du PS Benoît Hamon.
Alliot-Marie renonce à sa retraite de parlementaire
Suite à cette réforme et la polémique de la semaine dernière concernant le cumule des salaires des ministres ou ex-responsables du gouvernement, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a renoncé à sa retraite de parlementaire "conformément à la demande du Premier ministre", selon son entourage à l'AFP mercredi soir.
Elle avait répondu sur France Inter sur ce sujet mardi, disant qu'elle se conformerait à la loi sur ce point. Jusqu'à aujourd'hui, elle bénéficiait de sa retraite de parlementaire tout en touchant son salaire de ministre.
Graphique animé faisant le point sur les différents systèmes de retraite en Europe (âge légal, âge moyen), le taux d'emploi des seniors et les réformes en cours.
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