Les soldats français resteront en Afghanistan
343 voix pour, 210 contre. L'issue du scrutin n'a pas souffert d'ambigüité. A une majorité écrasante, les députés se sont prononcés pour un maintien de la présence française en Afghanistan.
_ Le résultat du vote importe peu ; il était d'ailleurs couru d'avance - la gauche avait annoncé son intention de voter contre, la droite faisant, elle, un seul bloc derrière le gouvernement. Mais, quoi qu'il en soit, cette journée de débats à l'Assemblée est déjà historique. Historique, parce que c'est la première fois qu'un vote sur la présence de forces françaises à l'étranger, a eu lieu dans l'hémicycle - conséquence de la modification de la Constitution, cet été.
Voici les principaux points du débat qui s'est déroulé cet après-midi à l'Assemblée nationale :
Après une minute de silence, en hommage aux militaires français morts dans l'embuscade du 18 août, c'est François Fillon qui a ouvert les débats. En justifiant les opérations extérieures de l'armée française, d'abord. En justifiant le redéploiement de soldats français en Afghanistan. En annonçant qu'à terme 4.500 hommes seront sur le terrain. Dans les prochaines semaines, d'ailleurs, des moyens militaires supplémentaires seront déployés “dans les domaines de l'aéromobilité, du renseignement et de l'appui”.
Longuement applaudi, le Premier ministre a rendu hommage à la vaillance et à l'héroïsme des soldats morts le mois dernier. L'occasion de battre en brèche le rapport secret de l'OTAN, qualifié de “mensonge et de désinformation” : “Les forces engagées dans les combats du 18 août ont toujours été en mesure de riposter aux tirs de leurs adversaires. Plus de trois tonnes de munitions supplémentaires ont été acheminées durant les combats à cette fin”, dit-il.
François Fillon s'est ensuite employé à justifier l'intervention française en Afghanistan. Une intervention qui ne sera pas éternelle, a-t-il rappelé : “notre stratégie c'est l'afghanisation” . En clair, que les Afghans prennent eux-mêmes en main leur avenir. D'autant, ajoute-t-il, que les premiers signes sont encourageants.
C'est ensuite Jean-Marc Ayrault qui est monté au perchoir. Après l'hommage de rigueur aux soldats disparus, le président du groupe socialiste a fait entendre sa petite musique - forcément différente de celle du gouvernement.
_ Beaucoup de questions, pour l'opposition, forcément. “Jusqu'où allons-nous aller dans la logique de guerre ? Avec quels objectifs ? Avec quel calendrier ?”
En fait, ce que craint l'opposition, c'est bien sûr un enlisement du conflit. “Sommes-nous sûrs de cette réussite, quand on se rappelle de l'Algérie ou de l'Irak ?” s'interroge Jean-Marc Ayrault, qui a évidemment une réponse négative...
_ Bref, la seule solution, à ses yeux, est simple : “la solution durable ne sera pas militaire, elle sera politique.” D'ailleurs, l'opposition réclame une conférence régionale, qui englobe tous les pays riverains de l'Afghanistan.
En fait, Jean-Marc Ayrault demande que la France conditionne son engagement à un changement de stratégie.
La parole est ensuite donnée à Noël Mamère. Très remonté contre la guerre, lui aussi. Le député Verts a eu des mots assez durs à l'encontre du gouvernement : “vous êtes comptable de nos victimes en Afghanistan” .
Il réclame un bilan. Et demande une commission d'enquête parlementaire au plus vite. Pas question, selon lui, de signer un nouveau chèque en blanc...
Sa conclusion, il la laisse à Jaurès : “le courage aujourd'hui ce n'est pas de maintenir sur le monde la nuée de la guerre.”
François Sauvadet, pour le Nouveau Centre, prend rapidement la suite, devant un hémicycle qui a tendance à se vider un peu trop rapidement au goût de l'orateur...
Le président du groupe NC à l'Assemblée rend lui aussi hommage aux morts français. Et renouvelle son soutien, plein et entier, à la politique du gouvernement. Et au mandat français en Afghanistan. Sans nuance.
_ Il se dit d'ailleurs “choqué” que l'orateur précédent - Noël Mamère - ait pu mettre en cause le professionnalisme de l'armée française.
Jean-François Copé, le président du groupe UMP, prend lui aussi la parole en rendant hommage aux victimes françaises en Afghanistan.
“Le maintien en Afghanistan est légitime et nécessaire.” estime Jean-François Copé. Au nom de la lutte contre le terrorisme, “une expérience douloureuse que la France a subie plusieurs fois”.
_ Et des droits de l'Homme : “voter pour le retrait de nos troupes aujourd'hui, c'est capituler devant une idéologie qui considère que la vie des autres ne vaut rien, que les femmes valent encore moins.”
Copé s'est enfin fait plus moraliste, en appelant les Français à ne pas donner de crédit à certaines photos parues dans la presse. Des photos qui font, dit-il, le jeu des talibans.
Axel Poniatowski, le président de la Commission des Affaires étrangères à l'Assemblée, s'emploie ensuite à mettre quelque peu en perspective la situation en Afghanistan.
_ “Le pays est encore loin d'être pacifié”, explique-t-il. Et Axel Poniatowski de se lancer dans une vaste explication de la géopolitique de la région. Pour terminer par un plaidoyer pour le maintien des forces françaises en Afghanistan.
Même tonalité pour Guy Tessier, le président de la Commission de Défense à l'Assemblée. “Ma conviction est que notre engagement en Afghanistan est légitime et nécessaire.” Pour éviter que “Kaboul ne devienne l'épicentre du djihadisme”.
Dans ces conditions, la question de poursuivre la mission en Afghanistan ne se pose pas. Cela dit, Guy Tessier souhaite un débat public pour éviter un trop grand éparpillement des missions à l'étranger.
Et de conclure : “notre action d'aujourd'hui n'est que le prolongement des valeurs de la République.”
Pour terminer cet après-midi de débats, place aux deux ministres concernés, Bernard Kouchner tout d'abord. La conclusion du ministre des Affaires étrangères est sans appel : “il ne faut pas abandonner nos amis afghans”
C'est au ministre de la Défense, Hervé Morin, qu'échoit le soin de conclure ce débat parlementaire - une première dans l'histoire de la Ve République. L'occasion de revenir - et de battre en brèche - tous les arguement soulevés pendant les discussions.
Hervé Morin est, lui aussi, très clair : “notre départ serait le signe dramatique de l'abandon de la France de ses responsabilités” . D'ailleurs, “comment parler de retrait quand la France est membre permanent du conseil de sécurité des Nations-Unies ?”
Guillaume Gaven
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