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Primaire de la droite : on est allés aux derniers meetings de Juppé et Fillon

Les envoyés spéciaux de franceinfo ont comparé les deux derniers grands rendez-vous des deux candidats, vendredi soir, à Nancy et à Paris, avant le scrutin de dimanche.

Article rédigé par Ilan Caro, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
François Fillon et ses soutiens chantent la "Marseillaise", lors d'un meeting à Paris, le 25 novembre 2016. (THOMAS SAMSON / AFP)

Les dés sont jetés. Après un premier affrontement à distance, mardi soir, et au lendemain du débat télévisé, les finalistes de la primaire de la droite ont tenu leurs derniers meetings avant le second tour. Les envoyés spéciaux de franceinfo comparent les deux rassemblements : celui d'Alain Juppé, à Nancy, et celui de François Fillon, à Paris.

Le match des soutiens

Chez Juppé. Comme mardi soir, à Toulouse, Alain Juppé a pu compter sur le soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet. Bien qu'elle ne soit pas montée sur scène, l'élue parisienne suscite des "Nathalie, Nathalie !" enthousiastes à chaque apparition. Au micro, se sont succédé le député Benoist Apparu, fidèle d'Alain Juppé, mais aussi le maire de Nancy, le radical Laurent Hénart, la sénatrice LR du Bas-Rhin Fabienne Keller, et surtout la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse. Le tout devant de nombreux élus centristes comme Jean-Marie Bockel ou encore Yves Jégo.

Chez Fillon. Sur la scène, de part et d’autre du pupitre, les soutiens de François Fillon sont venus poser pour la photo de famille. Les ralliés de l’après premier tour, comme Luc Châtel ou Hervé Morin, étaient présents aux côtés des fidèles fillonistes comme Jérôme Chartier, Valérie Boyer, Bruno Retailleau, Gérard Larcher ou encore Madeleine de Jessey, porte-parole de Sens commun, émanation politique de la Manif pour tous. Bruno Le Maire et le sarkozyste Eric Woerth ont même parlé au micro en première partie de meeting. Dans la salle, il y avait aussi les ralliés qui n’avaient pas le droit aux honneurs de la scène, à l’image du sarkozyste Eric Ciotti et de Nadine Morano. Nicolas Sarkozy n’était pas présent, mais François Fillon n’a pas oublié de lui rendre un hommage très applaudi.

Deux salles, deux ambiances

Chez Juppé. Un hangar à peine chauffé au Parc des expositions de Nancy, des lumières blafardes, et un petit millier de sièges en plastique. C'est une salle plutôt modeste qui a accueilli Alain Juppé. Si le public est resté plutôt mollasson pendant le discours, la palme de l'humour revient aux jeunes militants juppéistes, qui proposaient, sur un stand, sirop de pêche, jus de pêche, confiture à la pêche, bonbons à la pêche et autres dérivés, en référence à la sortie d'Alain Juppé lors de son meeting au Zénith de Paris : "J'ai la pêche, et avec vous, la super pêche !" Lemaire de Bordeaux s'y est arrêté en arrivant dans la salle et n'a pas hésité à boire quelques gorgées de nectar devant les caméras.

Chez Fillon. Les équipes de François Fillon ont vu les choses en grand. Dès l’arrivée au parc des expositions de la porte de Versailles, un immense panneau "F2017" indique la direction. Dans la salle, de nombreuses rangées de chaises en plastique, environ 10 000, selon les organisateurs, sont disposées autour de la scène. Les trois écrans géants viennent compléter le décorum. Pour l’ambiance, les participants ont reçu un drapeau bleu-blanc-rouge qu’ils n’oublieront pas d’agiter lors du discours du candidat Fillon. Mais la foule, relativement âgée, reste assez sage au cours du meeting, malgré les quelques "Fillon président" qui s’élèvent par moments des travées.

Des attaques distillées

Chez Juppé. Depuis dimanche dernier, Alain Juppé poursuit sa stratégie de s'opposer "programme contre programme" à François Fillon. Cette fois, le maire de Bordeaux n'a pas réitéré ses attaques sur l'avortement, mais a une nouvelle fois critiqué la volonté de son adversaire de supprimer 500 000 postes fonctionnaires, quand lui veut en supprimer seulement la moitié. Puis, il a listé les erreurs qui avaient été commises, selon lui, entre 2007 et 2012, lorsque François Fillon occupait Matignon : baisse des effectifs dans la police, démantèlement des renseignements généraux… Mais sa meilleure pique visait l'encombrant soutien de son concurrent, le président russe. 

J'ai été un peu surpris d'entendre M. Poutine donner sa préférence. Je ne sais pas s'il va venir voter dimanche !

Alain Juppé

Chez Fillon. Lors des premières minutes de son discours, François Fillon a tenu à répondre aux attaques du camp Juppé qui ont émaillé l’entre-deux-tours. "Trente ans que je suis gaulliste, me voici soudainement devenu 'l’ami des extrémistes' et le 'croquemitaine réactionnaire' !", a notamment lancé le député de Paris. Pour le reste, François Fillon a veillé à ne pas trop attaquer le maire de Bordeaux. "J’ai de l’estime pour Alain Juppé, a-t-il même souligné. Il n’est pas mon adversaire, il est mon concurrent." Mais il a quand même fini par lancer : "Ceux qui se disent modérés ont déjà baissé les bras."

Il y a une semaine, j’étais vu comme un réformateur, me voici qualifié ‘d’ultra-libéral et de destructeur’.

François Fillon

Des divergences de fond

Chez Juppé. Celui qui est devenu l'outsider dans cette primaire s'est attaché à démontrer qu'il n'y avait pas seulement une différence de curseur entre François Fillon et lui, mais de philosophie. Dénonçant l'"hyperlibéralisme" de son rival, "qui risque, par sa brutalité, de disloquer la société", Alain Juppé a opposé son "libéralisme humaniste". "Il n'y a pas de libéralisme sans justice !", s'est-il exclamé en se prononçant contre une privatisation de la Sécurité sociale et la baisse des remboursements de l'assurance-maladie. "Les réformes que je mettrai en œuvre ne seront pas une pénitence, mais une espérance", a-t-il ajouté, pour mieux se démarquer de son concurrent.

Chez Fillon. Reprenant parfois les mêmes formules que lors des débats ou meetings précédents, François Fillon a déroulé sa ligne de réformateur tatchérien. "Nous ferons 100 milliards d’économies pour alléger le fardeau qui pèse sur l’avenir de nos enfants", a-t-il prévenu. Il a, par moment, donné l’impression de mettre la barre à droite toute au moment d’évoquer les questions d’identité et d’immigration. "Les étrangers ont des devoirs avant de réclamer des droits", "Quand on entre dans la maison d’autrui, on n’y impose pas ses lois", "je veux un strict contrôle administratif du culte musulman", a-t-il réaffirmé.

L’un y croit, l’autre encore plus

Chez Juppé. "J'ai la conviction que je peux vous conduire à la victoire dimanche et en 2017 !", a lancé Alain Juppé en conclusion de son discours, même si ses chances de victoire paraissent très faibles. "Le deuxième tour de la primaire, c'est en réalité le premier tour de l'élection présidentielle", a-t-il estimé, tout en appelant ses soutiens à inciter leurs proches à voter : "Dites à vos amis de demander quelle est la méthode la mieux à même de rassembler, d'apaiser, de réformer !" Un baroud d'honneur ? En privé, les lieutenants du maire de Bordeaux reconnaissent que la victoire sera très compliquée.

Chez Fillon. "Dimanche prochain, tout commencera vraiment", a lâché François Fillon en fin de discours. Et de fait, en attaquant avec virulence François Hollande comme le Front national, il a donné, par moments, l’impression de se projeter au-delà du second tour. Il faut dire que dans les rangs fillonistes, l’optimisme est de mise. "La primaire est gagnée", lâche même le sénateur Gérard Longuet. "Je suis confiant, mais je reste méfiant", sourit avec un peu plus de prudence le porte-parole Jérôme Chartier. Il sait qu’en politique, toutes les surprises sont possibles.

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