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Primaire à droite : cinq punchlines pour comprendre à qui parlent les candidats

Nicolas Sarkozy s'est montré offensif sur l'identité de la France. François Fillon a joué la carte du "paysan". Alain Juppé défend "l'identité heureuse". Mais qui veulent-ils séduire exactement ? 

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
De gauche à droite : Alain Juppé, maire (LR) de Bordeaux, Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains, Bruno Le Maire, député (LR) de l'Eure, et François Fillon, député (LR) de Paris. (AFP)

Alors que Nicolas Sarkozy n'est pas encore officiellement entré dans la course, la campagne pour la primaire à droite accélère encore, jeudi 9 juin. Les candidats multiplient les prises de parole et les échanges par médias interposés.

Chacun à son rythme, chacun à sa manière, ils distillent les petites phrases, pour séduire un électorat dispersé entre ceux tentés par le Front national et les déçus du quinquennat de François Hollande. Francetv info décrypte la façon dont les quatre principaux candidats, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et François Fillon, draguent un électorat morcelé.

"Dans les années qui viennent, la France restera-t-elle la France ? C'est cela, le premier défi"

Qui l'a dit ? Nicolas Sarkozy se montre particulièrement offensif sur les questions identitaires. "Pourquoi la majorité serait-elle la seule à ne pas pouvoir défendre son identité ? Pourquoi chacun aurait-il le droit de défendre son identité particulière et la majorité des Français, ceux qui se sentent Français comme l'air qu'on respire, n'auraient pas le droit de dire 'la France est un esprit, la France est une âme, la France est une culture, la France est une langue' ?" s'interroge-t-il sur Europe 1, jeudi.

Evoquant la laïcité, il vise surtout "l'islam identitaire", "l'islam militant qui se présente à nous comme un bloc et qui impose à ses fidèles des règles de vie contraignantes". Mercredi soir, lors d'un meeting, il affirme que la France est "un pays chrétien".

A qui parle-t-il ? "Le public qui est clairement visé ici, c'est le public qui a fait le socle de sa victoire en 2007 avec ce rassemblement très large qui déborde beaucoup sur la droite de la droite, qui lui a permis de siphonner l'électorat du Front national, analyse Emmanuel Rivière, directeur de l'unité opinion de TNS Sofres. C'est un électorat qui est plus âgé que la moyenne. De fait, il y a une inquiétude forte dans le pays sur la question de l'identité. Il y a une très grande sensibilité sur la question de l'islam. Le consensus part de la droite, d'une partie de la droite républicaine – mais pas toute – et veut aller très largement à droite."

"Il s'adresse à l'électorat classique des Républicains mais aussi aux 35% de Français qui ne se disent proches d'aucun parti, commente François Miquet-Marty, président de Viavoice. Il s'adresse aux gens qui sont loin de la technique politique ou de la technique économique. Il aligne toutes les catégories qui peuvent voter pour lui à la primaire et, éventuellement, à l'élection présidentielle."

"Marcher vers l'identité heureuse"

Qui l'a dit ? Alain Juppé défend cette thématique depuis septembre 2014. La formule est apparue dans un ouvrage collectif d'anciens poids lourds de ce qui s'appelait encore l'UMP.

S'il réaffirme cette "identité heureuse" en 2016, c'est pour contraster avec le positionnement de Nicolas Sarkozy et s'adresser à un électorat qui considère que l'islam est compatible avec la République. Pour Alain Juppé, il y a "une question qui se pose : l'attitude de la société française avec la religion musulmane". Et d'insister : "Il y a aujourd'hui une lecture du Coran qui est compatible avec la société française." Il demande également que l'on ne "tombe pas dans les extrémismes et la stigmatisation systématique. Il existe des accommodements raisonnables."

A qui parle-t-il ? "Alain Juppé fait un pari sur l'idée qu'il y a dans l'électorat de droite une envie de dépasser les clivages et les tensions actuelles. Les gens sont très inquiets du vivre-ensemble dans le pays, commente Emmanuel Rivière. Mais on a vu qu'au moment des attentats, on pouvait réactiver, notamment dans  l'électorat des Républicains, le sentiment qu'il ne fallait pas faire d'amalgame, faire la part des choses entre un islam 'apaisé' et un islam radical. Il parle au centre-droit, mais aussi aux chrétiens-démocrates, où l'on a envie de retrouver le sens de la fraternité."

Pour François Miquet-Marty, "c'est un électorat aisé, un peu plus éduqué, un peu plus à l'aise avec la mondialisation : des cadres urbains".

"On se moque souvent de moi quand je prends Thatcher en modèle"

Qui l'a dit ? François Fillon ne cache pas son admiration pour la Dame de fer. Il suffit de parcourir ses propositions économiques en faveur d'un libéralisme dur pour constater que l'ancienne Première ministre britannique l'a grandement inspiré. Et pour le député de Paris, même si Margaret Thatcher a essuyé de nombreuses critiques, elle a montré la voie à suivre. "Aujourd'hui, personne ne peut contester qu'elle est entrée dans l'histoire parce qu'elle a su redresser son pays", lâche-t-il en visitant le géant aéronautique Safran, à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne).

Mais l'ancien locataire de Matignon n'est pas le seul à proposer un programme très libéral. C'est le cas des autres favoris de la primaire à droite, parmi lesquels Bruno Le Maire.

A qui parle-t-il ? "Il peut fédérer un noyau dur Les Républicains plus politique que sociologique et une partie de l'UDI sur les valeurs libérales", estime François Miquet-Marty. "Il y a une adresse à un électorat consensuel de droite. Il y a dans le pays le sentiment, notamment à droite, que la France est sclérosée, que les conservatismes seraient à gauche, dans l'univers syndical. Donc c'est un moyen de s'adresser à un très large électorat qui va du centre-droit à la droite de la droite."

"Une économie plus libre n’exclut pas de s’attaquer à un certain nombre d’injustices sociales"

Qui l'a dit ? Un politique n'est jamais à l'abri d'une contradiction. Ainsi, François Fillon affiche un virage vers le gaullisme social, lors d'un meeting à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), mardi 7 juin. "Sans la fraternité – et je reprends ici les mots du général de Gaulle –, la France s’écarterait 'de sa vocation humaine au milieu de l’humanité'", déclare-t-il notamment.

Cette inflexion est peut-être une réponse aux critiques formulées par certains poids lourds de la droite. "Je me méfie de la course à 'plus libéral que moi tu meurs'' !" déclare Laurent Wauquiez, numéro 2 des Républicains, dans Le Journal du dimanche"Je suis en désaccord avec plein de propositions de mes concurrents à la primaire qui se sont engagés dans une course à l'échalote 'plus thatchérien que moi tu meurs", renchérit Bruno Le Maire. "Le programme de la droite est une caricature du libéralisme", estime Alain Madelin dans Le Point.

A qui parle-t-il ? "Fillon tente de s'adresser aux électeurs du centre-droit, de l'ancienne UDF, relève Emmanuel Rivière. Derrière, il y a peut-être une autre idée. L'injustice est maintenant à double sens : on ne parle pas seulement des riches et des pauvres. Il y a une espèce de rancœur entre les pauvres eux-mêmes. Il y a maintenant facilement des postures de récrimination à l'égard de ce qu'a eu son voisin ou quelqu'un qui est dans la même situation que soi, et on se demande s'il n'a pas bénéficié d'un passe-droit ou s'il n'est pas en train d'abuser du système de protection sociale."

"Il y a des gaullistes sociaux qui ne se reconnaissent pas forcément dans le libéralisme, commente François Miquet-Marty. Et il peut y avoir une partie de l'électorat de droite plus modeste qui est sensible à une dimension sociale."

"J'ai proposé la suppression de l’ISF"

Qui l'a dit ? Bruno Le Maire souhaite abroger l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour "récompenser le risque, favoriser l'investissement et l'innovation". Rien de nouveau pour le député de l'Eure, qui avait déjà qualifié l'ISF d'"impôt stupide" en 2014.

L'ancien ministre de l'Agriculture n'est pas le seul à vouloir mettre fin à ce dispositif fiscal. C'est également le cas de Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé. Pour le maire de Bordeaux, l'ISF "dissuade évidemment ceux qui ont de l’argent d’investir". Le président des Républicains juge dans un entretien au Figaro, en mars, qu'"il est fondamental que la France et l’Allemagne convergent en matière fiscale (…). Il n’y a ainsi pas d’ISF en Allemagne et il ne doit donc plus y avoir d’ISF en France." François Fillon affirme quant à lui que "les PME familiales disparaissent, sont vendues à l'étranger à cause de l'impôt sur la fortune".

A qui parle-t-il ? "La suppression de l'ISF est une mesure symbolique et très impopulaire. Mais surtout à gauche. A droite, il y a une sorte de consensus sur cette question. Il y a une allergie fiscale qui se développe chez beaucoup de Français, notamment à droite. Mais cela s'arrête à la droite populaire, qui se tourne beaucoup vers Marine Le Pen", analyse Emmanuel Rivière.

D'après François Miquet-Marty, "cela parle à toutes les catégories aisées qui ont une vision plus internationale des choses". Il précise : "Mais, même dans les classes moyennes de droite, l'idée de supprimer l'ISF est bien vue parce qu'elle est associée à une idée de dynamisme économique."

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