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Trahison, Patrick Buisson, parka rouge... Neuf anecdotes que vous ignorez sans doute sur Laurent Wauquiez

Article rédigé par Anne Brigaudeau, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12 min
Le président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, inaugure une exposition de santons à l'hôtel de région à Lyon, le 4 décembre 2017. (JEFF PACHOUD / AFP)

Grand favori du scrutin, Laurent Wauquiez a été très largement élu à la présidence des Républicains, dimanche, avec près de 75% des voix.

Il partait largement favori. Face au juppéiste Maël de Calan et à l'ex-filloniste Florence Portelli, Laurent Wauquiez s'est largement imposé lors de l'élection pour la présidence des Républicains, dimanche 10 décembre. L'ancien ministre a recueilli 74,64% des voix, devant Florence Portelli (16,11%) et Maël de Calan (9,25%), a annoncé la Haute autorité du parti, peu après 20 heures. Une victoire écrasante, toutefois atténuée par une faible participation (42,46%). 

>> EN IMAGES. Douze fois où la droite a dézingué Laurent Wauquiez

La question est désormais de savoir si le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes redonnera ses chances aux Républicains pour le coup d'après, en 2022 ? Ces neuf anecdotes dessinent le portrait de cet ambitieux, qui a résolument mis la barre à droite.

1Il a passé sa jeunesse dans les beaux quartiers parisiens

Laurent Wauquiez cultive son ancrage local. Au mandat national de député, il a préféré, en 2016, la présidence de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ancien maire du Puy-en-Velay (Haute-Loire), il n'oublie jamais, pour étayer une démonstration, de promouvoir les produits locaux, à commencer par la célébrissime lentille verte du Puy. Enfin, il se présente volontiers comme un enfant du plateau du Chambon-sur-Lignonville dont sa mère, Eliane Wauquiez-Motte, est maire.

Pour mieux se présenter en apôtre des classes moyennes, il tente ainsi d'effacer les traces d'une adolescence passée dans les beaux quartiers parisiens. Car ce rejeton de deux lignées d'industriels du Nord a grandi dans le très chic 7e arrondissement. Il habitait alors rue Vaneau, en plein quartier des ministères, tout près de Matignon, à un jet de pierre du lycée Victor-Duruy, qu'il a fréquenté.

A en croire l'un de ses anciens condisciples de Sciences Po, Nicolas Jones-Gorlin, l'appartement familial respirait l'aisance. Ce journaliste et romancier a raconté en 2010 dans Les Inrocks (sous le titre "In bed with Laurent Wauquiez") cet "autre monde"une femme en tablier faisait le service", cite Le Monde. "Sous les moulures, soulignait encore Nicolas Jones-Gorlin, Laurent parlait avec la désinvolture d’un Bruce Wayne, comme si ce luxe n’existait pas."

2C'est une bête de concours

Dans les portraits de Laurent Wauquiez, le détail de son CV est un passage obligé. Normalien, premier à l'agrégation d'histoire, diplômé de Sciences Po Paris, major de l'ENA, cette bête de concours impressionne ses camarades comme ses professeurs. "J'ai vu naître un jeune historien très brillant, avec un profil tout à fait classique, élève assez bien né passé par une classe préparatoire prestigieuse", confie à franceinfo Jean-Pierre Rioux, qui présidait son jury pour l'agrégation. "Laurent Wauquiez ne se cachait pas à l'époque d'être ambitieux et il se donnait les moyens de ses ambitions, il travaillait énormément", ajoute un ancien camarade de promo à l'ENA, joint par franceinfo.

Laurent, il sortait du lot, il était à part.

Un camarade de Laurent Wauquiez à l'ENA

à franceinfo

"Tout était organisé autour de lui pour qu'il réussisse au mieux. Il avait notamment fait venir sa future épouse à Strasbourg pour l'aider", ajoute cet énarque. Charlotte Deregnaucourt et Laurent Wauquiez se sont rencontrés au lycée avant de se marier en 2001. Dans le livre Sous la plume, l'écrivaine Marie De Gandt, qui a fréquenté Laurent Wauquiez en khâgne, révèle que Charlotte était un soutien pour le jeune homme : "Laurent avait un atout précieux, son amoureuse qui préparait – avec ou pour lui ? – des fiches sur tous les sujets possibles."

Il ne faut pas pour autant enlever tout mérite à Laurent Wauquiez : "Le secret de son succès, outre sa boîte à succès amoureuse, réside dans sa gaucherie : de la main droite, il tenait un ouvrage, en tournait les pages à une allure de Stakhanov, et, de la gauche, le transformait en fiches à un rythme désespérant."

3Il a travaillé pour les Chiffonniers du Caire de Sœur Emmanuelle

A 24 ans, étudiant à l’ENA, Laurent Wauquiez part au Caire, en 1999, pour son stage en ambassade. Dans la capitale égyptienne, il demande à travailler pour les Chiffonniers du Caire, l'association de Sœur Emmanuelle en Egypte. Ce contact avec l'extrême dénuement le marquera, selon lui. "J'ai vu des gamins enfoncés dans les ordures jusqu'aux aisselles… Une odeur de pourriture effroyable. Une expérience superbe, violente, très dure, qui m'a transformé. J'ai l'impression d'avoir beaucoup reçu, et depuis je veux donner aux autres", racontera-t-il en 2005 à Libération.

A la mort de Sœur Emmanuelle, en octobre 2008,  Laurent Wauquiez évoque ainsi la religieuse sur le plateau de France 2 : "Quand j’y étais (…), tout le lieu était habité d’elle". Il ajoute : "Ensuite j'ai rencontré [Sœur Emmanuelle] une dizaine de fois en France, et notamment il y a un an, la dernière fois que je l’ai vue. Elle était déjà atteinte par la maladie." Un chiffre un brin exagéré pour paraître plus proche de cette femme qui a consacré sa vie aux pauvres ? Interrogée par le magazine "Envoyé spécial", Catherine Alvarez, la plus proche collaboratrice de la religieuse, assène : "Je n’ai jamais entendu Sœur Emmanuelle parler de Laurent Wauquiez. J’ai eu vent d’une rencontre à la fin de la vie de sœur Emmanuelle. (…) Pour moi, c’était la première fois qu’elle le voyait."

4Il a dépensé des fortunes pour sa communication en tant que secrétaire d'Etat

En 2008, alors secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi, Laurent Wauquiez fait gonfler le budget communication de Bercy, relate Le Monde. Il verse par exemple 305 937 euros à l'institut Giacometti-Péron, célèbre cabinet de conseil en communication, mais aussi 36 477 euros à Médiascopie pour débriefer ses passages dans les médias ou 11 840 euros à Alter & Coach-BTC Partners afin de l’aider à "sortir de ses propres sentiers battus".

Les conseillers en communication et les sondeurs sont parfois utiles à Laurent Wauquiez pour lui permettre de déterminer son positionnement politique. "Il est la définition même de l'opportunisme politique. Il se base sur la dynamique sondagière. Je l'ai vu choisir la thématique de l'assistanat sur la base de sondages qu'on lui présentait. Il raisonne sans cesse en termes d'espace politique", assure à franceinfo l'un de ses adversaires au sein des Républicains. Un élu centriste au conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes confirme : "En fonction de ce qui lui permet de passer une étape supplémentaire, il se drape des valeurs qu'il faut."

Si, demain, il peut devenir président de la République avec des idées sociales-démocrates et écologistes, eh bien il adoptera ces positions-là.

Un conseiller régional centriste

à franceinfo

5Il a courtisé la communauté gay

Avant de prendre la tête des défilés de La Manif pour tous en 2013, Laurent Wauquiez n'hésitait pas à s'adresser à la communauté gay de Paris. Il a ainsi été filmé par la caméra de Pink TV dans un bar du Marais lors d'un débat sur la Constitution européenne en 2005, raconte Libération. Alors jeune député, il assurait que "l'Europe a toujours été à la pointe de la lutte contre les discriminations".

Il a aussi été aperçu en 2011 dans une soirée de l'influent banquier homosexuel Emmanuel Goldstein. "A l'époque, il n'hésitait pas à dire qu'il était favorable au mariage gay", assure à franceinfo un député qui l'a croisé. "Un jour, j’ai tweeté qu’il était passé, il en a été très mécontent, assure au Monde le journaliste Frédéric Martel. Sans doute n’était-il pas opportun qu’on sache qu’un anti-mariage pour tous courtise le milieu gay…"

6Il a été refusé au premier rang des obsèques de son mentor, Jacques Barrot

Recouvert d'un drapeau tricolore, le cercueil de Jacques Barrot remonte l'allée de la basilique Sainte-Clotilde, à Paris, ce 8 décembre 2014. De nombreuses personnalités politiques rendent un dernier hommage à l'ancien ministre. Laurent Wauquiez est présent, mais la famille du défunt lui refuse le droit de s'installer au premier rang, raconte Marianne. Il faut dire que le tweet hommage du jeune ambitieux publié un peu plus tôt ne manquait pas de culot : 

Or, depuis plusieurs mois, Jacques Barrot ne voulait plus entendre parler de son ancien protégé, à qui il avait offert sur un plateau sa circonscription de Haute-Loire en 2004. "Il répondait 'aucun intérêt' au sujet de Wauquiez, confie à franceinfo un ami de l'ancien ministre de Jacques Chirac. Il ne voulait pas en parler, il avait l'impression d'avoir été trahi." Jacques Barrot semblait blessé, déçu. "L'Union européenne mérite mieux que ce livre inspiré par je ne sais quel populisme en cours aujourd'hui", avait-il pesté dans Les Echos au sujet d'Europe : il faut tout changer, réquisitoire de Laurent Wauquier contre l'UE.

"Je resterai fidèle aux valeurs qui nous ont permis avec Jacques Barrot d'aller de l'avant", promettait pourtant Laurent Wauquiez en 2004 sur France 3, un peu avant de reprendre la circonscription de son mentor. Quelques années plus tard, le candidat à la présidence de LR s'est éloigné de ce centriste pro-européen.

Interrogé par Society, Laurent Wauquiez réfute toute trahison et évoque de simples divergences d'opinions : "On ne peut pas me reprocher de ne pas avoir acheté en kit la vision d'un homme qui a été élu dans les années 60 !" Joint par franceinfo, un élu du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a un autre point de vue : "J'ai grandi en Haute-Loire et ça fait mal de savoir que l'héritage de Jacques Barrot a été instrumentalisé et piétiné ainsi. Jacques Barrot avait une autre vision de l'intérêt général."

7Il s'est fait conseiller par Patrick Buisson 

L'odeur de soufre dégagée par l'ancien journaliste de Minute ne le gêne pas. En décembre 2014, Laurent Wauquier confirme au Monde qu'il consulte Patrick Buisson, même si Nicolas Sarkozy a rompu avec son ancien mentor (qui l'avait enregistré à son insu). "Je n’ai pas décidé d’arrêter de le voir (...). J’ai de la constance", explique alors le député de la Haute-Loire au quotidien. Avant de préciser avoir "de l’estime" pour la capacité de Patrick Buisson à "agiter des idées" susceptibles de capter l'électorat du FN.

Laurent Wauquiez prend toutefois ses distances après la parution du brûlot écrit par l'ex-sondeur (La Cause du peuple. L'histoire interdite de la présidence Sarkozy). "Dans son livre, c'est la haine qui l'a emporté", déclare-t-il sur BFMTV, en septembre 2016. L'ouvrage, pourtant, l'épargne. Patrick Buisson note ainsi que, parmi "les ministres en vue des derniers gouvernements de droite", seul Laurent Wauquiez vint "témoigner de [sa] solidarité avec les foules pacifiques de La Manif pour tous". Une manière de rendre hommage à l'élu LR, catholique revendiqué, opposé, comme lui, au mariage des couples homosexuels.

Officiellement, les deux hommes ne se voient plus. Mais Laurent Wauquiez reprend volontiers les thèmes droitiers chers à Patrick Buisson : critique de l'immigration et défense de "l'identité chrétienne" de la France. Faute de pouvoir y installer une crèche (interdite par la loi de 1905), le président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a ainsi inauguré à l'hôtel de région, début décembre, une exposition de santons pour Noël. On y voit, à côté d'un sapin, cinq scènes de la Nativité.

8Il ne se sépare pas de sa parka rouge

C'est son signe distinctif. En meeting ou en tournée électorale, Laurent Wauquiez arbore volontiers une parka rouge, couleur voyante qui permet de le repérer entre mille hommes en gris. "Il y a une part de provoc", confie le quadragénaire à Gala. Le manteau vaut aussi talisman. "Char­lotte, mon épouse, m’a offert ma première parka rouge lors de ma première campagne muni­ci­pale. Et elle m’a porté bonheur", déclare-t-il en mari aimant au magazine. Et, depuis 2008, il en a toujours une dans sa panoplie.

Car l'ancien ministre des Affaires européennes soigne son image. La parka le rend jeune, sportif et moderne ? Il convient néanmoins de l'accessoiriser pour ne pas passer pour un novice. Au point, selon Le Mondequ'"avant d’arborer une chevelure grise naturelle, il se teint en poivre et sel pour apparaître plus expérimenté que certains jeunes loups sarkozystes". Lui balaie dans Paris Match ces attaques contre "[son] physique". "Ironique, il confie même être prêt à faire des 'tests' pour prouver qu’il n’a jamais teint ses cheveux en gris", affirme l'hebdomadaire.

Enfin, il veille à proscrire ces signes bling-bling qui ont tant nui à Nicolas Sarkozy : "Jamais de Rolex, pas de chauffeur, pas de cireur de Weston" et "des vieilles godasses", notait Le Monde en 2015. A  en croire l'un de ses partisans cité par L'Express, il faisait même "exprès d'arriver à Paris sans avoir ciré ses chaussures, histoire de montrer qu'il avait les pieds dans la glaise, lui le gars de la Haute-Loire".

9Il subventionne les chasseurs, cible électorale de choix

L'opération a été largement commentée. D'une main, le président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a coupé dans les fonds versés aux associations de protection de la nature. De l'autre, il a alloué, en 2016, une subvention de trois millions d'euros sur trois ans à la Fédération nationale des chasseurs. Ce partenariat est une première, remarque le magazine Lyon mag. Et représente une manne pour cette association, qui n'était pas spécialement demandeuse. 

Les chasseurs de la région représentent plus de 120 000 voix potentielles. "Pièces à conviction" a demandé à Laurent Wauquiez s'il s'agissait de séduire électoralement cette proie de choix. Réponse de l'intéressé : "Vous, vous appelez ça la pêche aux votes parce que vous êtes méprisants et parce que dès qu'un politique s'adresse aux gens, vous aimez les insulter. Moi, j'appelle ça expliquer ce que l'on veut faire."

A franceinfo, pourtant, un élu du conseil régional confirme que la nouvelle majorité de droite utilise bien les subventions comme une arme politique dans une stratégie clientéliste assumée : "J'ai vu un collaborateur de Laurent Wauquiez nous expliquer qu'il ne servait à rien de donner des subventions à certains territoires qui ne basculeraient jamais au niveau des voix, car c'étaient des terres trop à gauche."

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