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Les nationalistes corses à la conquête de la mairie de Bastia

REPORTAGE | En Corse, déjà au pouvoir dans plusieurs dizaines de communes, les nationalistes apparaissent pour la première fois en mesure de remporter des grandes villes. C'est le cas à Porto Vecchio, mais surtout à Bastia. La deuxième ville de l'Ile de beauté pourrait échapper à la famille Zuccarelli, qui la détient depuis plus de 45 ans, au profit du candidat nationaliste modéré Gilles Simeoni.
Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
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Sur le boulevard Paoli, à Bastia, les permanences s'alignent comme les terrasses de café sur la place voisine. Cinq des sept candidats aux prochaines municipales y tiennent leur local de campagne. Au 41, la droite, au 40 la liste divers gauche, au 29, Jean Zuccarelli. Et devant l'entrée du n°37, un drapeau corse flotte au vent. C'est la permanence de Gilles Simeoni, le candidat nationaliste qui mène la liste Inseme per Bastia (Ensemble pour Bastia).

A l'intérieur, l'ambiance est décontractée. On plaisante autour d'un café et de quelques canistrelli, ces petits gâteaux secs corses. Une décontraction teintée d'assurance après la publication d'un dernier sondage favorable à Gilles Simeoni. Selon celui-ci, le candidat nationaliste l'emporterait au second tour en cas de quadrangulaire, de triangulaire et même de duel face à son principal adversaire, Jean Zuccarelli (PRG-PC), fils du maire sortant.

Le clan Zuccarelli détient la mairie depuis 1968

Remporter la deuxième ville de Corse serait une première historique pour le camp nationaliste. Et une revanche pour Gilles Simeoni dont la famille a tenté plusieurs fois de de ravir la mairie au clan Zuccarelli, qui la détient depuis 1968. Son père, Edmond, leader nationaliste, avait défié en vain le grand-père Zuccarelli en 1983. Gilles avait, lui, échoué au second tour en 2008.

Même s'il dit "ne pas trop prêter attention aux derniers sondages ", Gilles Simeoni sait que la victoire est aujourd'hui à sa portée. "Depuis des années, les Zuccarelli ont toujours dit non : non au statut particulier, non à la langue corse, non à la démocratie, non à la transparence. Aujourd'hui, ils sont esseulés car les gens veulent dire oui ", explique l'avocat de 47 ans, qui a notamment défendu Yvan Colonna, condamné pour l'assassinat du préfet Erignac.

Cette possibilité d'une victoire nationaliste crispe le débat politique depuis plusieurs jours, en particulier dans l'équipe de Jean Zuccarelli. Le 3 mars dernier, lors d'une conférence de presse, lui et son équipe se sont livrés à une attaque en règle contre "le Simeonisme, une idéologie qui prend sa source dans le rejet de la France et le rejet de l'autre " comparable à "l'Italie mussolinienne " ou au Front national. Et le candidat radical d'appeler à la constitution d'un "Front républicain dès le premier tour ".

"Venir nous traiter de racistes, de dangers pour la République, cela montre que Jean Zuccarelli perd son sang froid. Il sait qu'il court à la défaite et mise sur une stratégie de la tension. Nous, nous restons sur le seul terrain qui vaille, celui du respect du débat démocratique ", répond Gilles Simeoni.

Mais cette attaque contre le candidat nationaliste est aussi et surtout une manière pour Jean Zuccarelli d'appeler à l'union, alors que son propre camp est divisé pour ces élections municipales. Il doit en effet faire face à une liste dissidente menée par l'ancien PRG François Tatti.

L'ancien successeur devenu dissident

Un temps présenté comme le successeur désigné d'Emile Zuccarelli, dont il était adjoint et reste conseiller municipal, François Tatti a finalement été évincé par le Parti radical de la course à la mairie, avant de se rebiffer et de constituer une liste concurrente avec la socialiste Emmanuelle de Gentili.

Crédités de 12 % dans un récent sondage (contre 34 % pour Jean Zuccarelli), les deux candidats de gauche n'ont pas hésité à demander, avec malice, le retrait pur et simple de la liste de leur adversaire.

"Le système en place est archaïque, c'est un système où le pouvoir est confisqué par une seule famille. Il est temps d'arrêter de prendre les électeurs corses pour des moutons. Ce sont des citoyens et nous avons besoin de ces citoyens pour faire avancer notre île ", explique François Tatti.

Bien qu'appartenant à la même famille politique, François Tatti et Emmanuelle de Gentili se disent en "rupture totale " avec Jean Zuccarelli pour cette élection, contrairement aux autres candidats qui "sont des adversaires, mais [avec qui] il n'y a pas de confrontations directes ".

"Je combats les méthodes clientélistes "

Même réaction de la part de Jean-Louis Milani, candidat UMP-UDI. Quand on lui demande qui est son adversaire n°1 pour les municipales, il explique que "s'il y en a un qui est constant dans son opposition aux Zuccarelli, c'est bien [lui]".

"Je n'ai jamais dévié de cette ligne-là, je combats les méthodes clientélistes en cours pour l'attribution des logements sociaux. Je pourrais également citer l'emploi, et même les attributions de concessions de cimetière. C'est déplorable ", s'énerve le candidat de droite.

"Derrière leur assurance de façade, tout le monde sait que le clan Zuccarelli est très inquiet , confie un opposant. Pour l'instant, il n'y a que les vitres de la citadelle qui tremblent. On verra si les murs tiennent le choc. "

Les candidats annoncés

*Jean Zuccarelli (PRG-PC)

  • Gilles Simeoni (Inseme per Bastia)
    François Tatti (divers gauche soutenue par EELV)
    Jean-Louis Milani (UMP-UDI), Sylvain Fanti (divers droite)
    Eric Simoni (Corsica Libera)
    Jean-François Baccarelli (Alliance écologiste indépendante).

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