Le président a égréné diverses mesures comme celle de déchoir de leur nationalité certains criminels d'origine étrangère
S'exprimant vendredi, Nicolas Sarkozy a souhaité en outre que l'on "évalue les droits et prestations" des étrangers en situation irrégulière.
Le chef de l'Etat s'exprimait à l'occasion de l'installation du nouveau préfet de l'Isère, Eric Le Douaron, nommé à la suite des graves violences survenues mi-juillet dans un quartier populaire de Grenoble.
Les annonces de Nicolas Sarkozy
Première mesure annoncée: le chef de l'Etat a demandé que la nationalité française puisse "être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte" à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de tout autre "dépositaire de l'autorité publique".
Ensuite, il a proposé que dès la rentrée parlementaire les peines planchers, qui visent actuellement les seuls récidivistes, puissent désormais s'appliquer "à toutes les formes aggravées c'est-à-dire notamment les violences sur des personnes dépositaires d'une autorité publique". Une annonce dont le Syndicat Alliance police
(deuxième syndicat de gardiens de la paix) s'est félicité.
"L'instauration d'une peine de prison incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes sera discutée au Parlement dès la rentrée", a aussi annoncé le locataire de l'Elysée.
Martial - il a parlé de "guerre nationale" contre les "voyous" - le chef de l'Etat a aussi clairement établi un parallèle entre la délinquance et les difficultés d'intégration de certains immigrés.
"Nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration insuffisamment régulées qui ont abouti à un échec de l'intégration. Nous sommes si fiers de notre système d'intégration, peut-être faut il se réveiller pour voir ce qu'il a produit. Il a marché, il ne marche plus", a lancé le chef de l'Etat.
Soulignant qu'en 2009 "le taux de chômage des étrangers non communautaires a atteint 24 %", soit plus de deux fois la moyenne nationale, il a souhaité "que l'on évalue les droits et les prestations auxquelles ont aujourd'hui accès les étrangers en situation irrégulière".
Lors d'une rencontre à huis clos au commissariat, Nicolas Sarkozy a promis 38 policiers supplémentaires d'ici le 1er septembre, et du "matériel approprié pour faire face à ce grand banditisme qui sévit sur l'agglomération grenobloise", a déclaré le secrétaire départemental du syndicat de police SGP-FO (Syndicat des gardiens de la paix-Force ouvrière), Daniel Chomette.
Le nouveau préfet de l'Isère Eric Le Douaron a confirmé "le renfort d'une quarantaine de personnels à destination de la sécurité publique et de la police judiciaire" en Isère, auquel "il convient d'ajouter la création d'un GIR départemental ainsi qu'un inspecteur des impôts affecté à la sûreté départementale à compter du 1er septembre". Les groupes d'interventions régionaux (GIR) sont destinés à lutter contre l'économie souterraine dans les grandes agglomérations.
Réactions
- La Ligue des droits de l'homme (LDH) a accusé Nicolas Sarkozy d'agiter "les refrains des années 30" sur les étrangers après le discours présidentiel sur l'insécurité. "On est dans la manière la plus insupportable d'attiser la haine en désignant ces étrangers qui viennent manger notre pain", a dénoncé son président Michel
Tubiana.
-L'Union syndicale des magistrats: La déchéance de la nationalité française "pose des problèmesc éthiques et constitutionnels. Sur quels critères va-t-on pouvoir déchoir quelqu'un de la nationalité française ? Quel est le rapport entre la déchéance de la nationalité et la lutte contre la délinquance ?". "C'est un nouvel effet d'annonce. A chaque nouveau fait divers, une nouvelle loi. On connaît, c'est un rideau de fumée législatif qui cache la dramatique diminution des moyens de la police".
- Le syndicat Alliance police nationale: "La protection des policiers et des gendarmes, souvent derniers représentants de l'Etat présents dans des quartiers difficiles et la lutte contre toutes les formes d'incivilités et de violences touchant les forces de sécurité garantes de la paix et de la tranquillité publiques, sont d'une importance capitale".
- Benoît Hamon, porte-parole du PS, a dénoncé le "discours usé" de Nicolas Sarkozy sur la sécurité à Grenoble, jugeant "particulièrement graves" les annonces du chef de l'Etat sur la déchéance de la nationalité pour certains criminels d'origine étrangère. "Nicolas Sarkozy monte la voix crescendo à mesure que la violence augmente. Or, il devrait se demander comment cela se fait que la violence continue à augmenter" alors qu'il a "les pleins pouvoirs depuis 2002 dans la lutte contre la violence et l'insécurité."
- Le député-maire PS de Grenoble, Michel Destot, a jugé qu'il était "dangereux de faire aujourd'hui l'amalgame entre délinquance et immigration, en parlant de 'déchéance de nationalité'". "Je m'oppose à cette idée selon laquelle il y aurait plusieurs catégories de citoyens français. Cette stratégie de la tension contribue malheureusement un peu plus au délitement du lien social dans notre pays." Le maire s'est toutefois réjoui "d'avoir été enfin entendu" après l'annonce "de moyens supplémentaires pour la Police nationale et de la mise en place en Isère d'un Groupe d'Intervention Régional (GIR)".
- Ségolène Royal, présidente PS de Poitou-Charente: "L'intervention (...) du président Sarkozy marque une nouvelle étape dangereuse et indigne, dans une surenchère populiste et xénophobe".
- Noël Mamère, député-maire Verts de Bègles, a déclaré: "M. Le Pen et sa fille n'ont plus besoin de parler, la copie parle à leur place. On a le sentiment que le président de la République ne sait plus quoi inventer pour reconquérir son électorat perdu". Cette "dixième déclaration de guerre" marque "l'échec d'une politique commencée en 2002". "On a affaire à un président paniqué face à une affaire d'Etat dangereuse pour lui"
(Woerth/Bettencourt). "Il souffle sur les braises d'un pays qui n'a pas besoin qu'on lui invente de nouveaux boucs émissaires (...) On se demande où il va s'arrêter".
- Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche): "Pas touche à la nationalité, M. Sarkozy ! La nationalité acquise ne doit pas être remise en cause pour des raisons de droit commun sauf à créer une catégorie nouvelle de sous-français conditionnels". "Seul le régime du maréchal Pétain a eu recours à la remise en cause de la nationalité comme politique d'ensemble. La déchéance de la nationalité française est une mesure inefficace, stupide et anti-républicaine".
- Jean-Pierre Brard, député PC: ""Aujourd'hui, ce président démagogue a définitivement franchi le seuil de l'acceptable (..). Désormais, c'est tous les jours que ce président déclare 'la guerre': aux jeunes, aux gitans, aux étrangers ou, aujourd'hui, aux 'Français d'une certaine catégorie'.
- François Bayrou (Mouvement démocrate): "Les déclarations à grand spectacle mises en scène et toujours répétées ne font avancer en rien la cause de la sécurité", a-t-il estimé. Les Français savent bien que la délinquance qui les touche et qui progresse (...) ne relèvent pas de lois d'exception." "Elles relèvent d'un Etat présent, proche, qui se fait respecter et qui donne l'exemple". "Elles relèvent d'un retour du sens civique, d'une prévention efficace, de sanctions rapides, dissuasives, éducatives quand on le peut encore, d'un retour de l'Etat partout où se sont installées les zones de non droit", selon le député centriste.
- L'UMP: "Loin de toute polémique, l'UMP tient à souligner que jamais un gouvernement n'a obtenu d'aussi bons résultatx en matière de lutte contre la délinquance. (...) Depuis 2002, les indicateurs sont tous à la baisse". "Il est indéniable que cette violence dans les quartiers, notamment à La Villeneuve en Isère constitue la réponse desdélinquants à la détermination et aux coups de butoir assénés à l'organisation du crime par les policiers et les gendarmes".
- Jacques Myard, député UMP: Cette mesure de déchoir les Français d'origine étrangère délinquants "qui existe déjà dans notre droit mais qui est quasiment tombée en désuétude est une mesure de bon sens (...). Il y a longtemps que cette mesure aurait dû être systématiquement appliquée. Elle est même le gage par sa dissuasion d'une condition essentielle de l'intégration et de l'assimilation".
- Bruno Gollnisch, vice-président du FN: "Loin de toute polémique, l'UMP tient à souligner que jamais un gouvernement n'a obtenu d'aussi bons résultatx en matière de lutte contre la délinquance. (...) Depuis 2002, les indicateurs sont tous à la baisse". "Il est indéniable que cette violence dans les quartiers, notamment à La Villeneuve en Isère constitue la réponse des délinquants à la détermination et aux coups de butoir assénés à
l'organisation du crime par les policiers et les gendarmes".
Eric Le Douaron, nouveau préfet de l'Isère
Vendredi à Grenoble, Nicolas Sarkozy a installé officiellement le préfet de l'Isère Eric Le Douaron. Le chef de l'Etat avait annoncé cette nomination le 21 juillet à la suite des graves violences survenues dans un quartier populaire de la ville.
L'éviction du préfet Albert Dupuy, en poste depuis décembre 2008, a suscité l'émoi du corps préfectoral et d'une partie de la classe politique, le député-maire PS de Grenoble Michel Destot la jugeant "injuste". Son successeur, un ex-haut gradé de la police, qui a pris ses fonctions jeudi, intervient dans un contexte de nette reprise en main du thème de la sécurité par le chef de l'Etat.
Ce dernier a présidé mercredi à l'Elysée une réunion sur les comportements hors-la-loi de certains Roms et gens du voyage, suivie d'une série d'annonces sévères. Le 21 juillet, le président avait associé les récentes violences dans la vallée du Cher, liées à la mort d'un jeune gitan, à celles de Grenoble, consécutives à la mort d'un malfaiteur dans une course-poursuite avec la police, en évoquant sa volonté de "livrer" une "véritable guerre" à la criminalité.
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