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Municipales 2020 : entre propositions chocs et nouvelle image, Benjamin Griveaux tente de combler son retard à Paris

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Benjamin Griveaux, candidat LREM à la mairie de Paris, le 27 janvier 2020 lors d'un meeting de campagne au théâtre Bobino. (MARTIN BUREAU / AFP / BAPTISTE BOYER ET PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Plombé par de mauvais sondages, le candidat officiel de LREM tente de se replacer au centre du jeu avec une surenchère d'annonces. Un pari incertain, à seulement cinq semaines du premier tour.

"Une campagne municipale, c'est du 15 janvier au 15 mars. Je le sais, j'en ai déjà fait deux !" Quand on interroge Benjamin Griveaux sur son retard dans les sondages, l'ancien conseiller municipal de Chalon-sur-Saône ne laisse percevoir aucun signe d'inquiétude. "C'est en ce moment que se noue le vote", nous glisse-t-il au pas de course, mardi 4 février, entre deux rendez-vous dans le 17e arrondissement de Paris. "Les Parisiens ne sont pas encore bien entrés dans la campagne à cause de la réforme des retraites et des grèves qui ont pris beaucoup de bande passante, mais aussi de Dati et d'Hidalgo qui n'ont pas envie d'y rentrer", complète-t-on dans son entourage.

>> ENQUETE FRANCEINFO. Pourquoi Anne Hidalgo, officiellement candidate à sa réélection à Paris, suscite-t-elle tant de haine ?

Relégué à la troisième place dans les enquêtes d'opinion, loin derrière la maire de Paris et doublé par l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, le candidat macroniste s'active pour remonter la pente, se persuadant qu'une victoire aux élections municipales est encore possible. Voilà où en est rendu, à cinq semaines du scrutin, celui qui avait démissionné du gouvernement en mars 2019 pour préparer la conquête d'un hôtel de ville promis à LREM au vu des scores énormes d'Emmanuel Macron à la présidentielle dans la capitale et du désamour des Parisiens pour la maire socialiste.

"Son entrée en campagne a été catastrophique"

Mais au fil des mois, Benjamin Griveaux n'a rien fait fructifier. "Son entrée en campagne a été catastrophique", juge sous couvert d'anonymat un ponte de la communication politique. Le timing de sa sortie du gouvernement, un an pile avant l'élection du futur maire de Paris, sa désignation par la commission nationale d'investiture de LREM à l'unanimité, perçue comme la preuve que tout était joué d'avance, des ralliements politiques mal exploités médiatiquement… "Griveaux n'a raté aucune erreur. Tout a été à côté de la plaque", tacle cet observateur avisé des joutes politiques parisiennes.

La révélation par Le Point, savamment orchestrée en juillet, juste après sa désignation, de propos insultants contre certains de ses ex-concurrents à l'investiture LREM a très vite donné le ton d'une campagne bourrée de chausse-trappes. L'interminable feuilleton de la candidature dissidente de Cédric Villani achevant de plomber la pré-campagne du prétendant officiel, rendue inaudible par les bisbilles internes au parti présidentiel.

Cédric Villani et Benjamin Griveaux lors de la campagne des législatives, en juin 2017. Aujourd'hui, les deux hommes ne s'adressent même plus la parole. (MAXPPP)

Dans cette nouvelle phase de la campagne ouverte fin janvier, l'ancien porte-parole du gouvernement a décidé de ne plus s'appesantir sur le cas du mathématicien à la lavallière. Benjamin Griveaux a bien tenté de le joindre une dernière fois au téléphone le soir de son exclusion par LREM, mais l'intéressé n'a pas daigné décrocher.

C'était une candidature dissidente, c'est maintenant celle d'un homme indépendant. Villani, c'est derrière nous.

Un membre de l'équipe de Benjamin Griveaux

à franceinfo

Sous l'impulsion de son nouveau directeur de campagne, Paul Midy, qui a pris ses fonctions mi-janvier en remplacement du député Pacôme Rupin, tête de liste dans les arrondissements de Paris Centre, Benjamin Griveaux a choisi de passer la vitesse supérieure en multipliant les annonces programmatiques – deux par semaine, selon Le Figaro. Une manière bien connue de saturer l'espace médiatique avec des mesures chocs. "L'idée n'est pas de faire du sensationnel, mais de créer du débat avec des propositions innovantes et symboliques", assure la garde rapprochée du candidat.

"Nos adversaires sont très embêtés"

Du débat, cette nouvelle stratégie en a suscité. Peut-être même un peu trop. En proposant dans Le JDD de déplacer la gare de l'Est en périphérie de Paris pour créer un "Central Park" en lieu et place des voies ferrées ainsi abandonnées au cœur de la capitale, Benjamin Griveaux a réveillé la boîte à claques. "Je propose de déplacer la gare de Lyon à Lyon, comme ça le trajet en train sera plus court", a raillé le bras droit d'Anne Hidalgo, Emmanuel Grégoire. "Benjamin Griveaux a dû trop jouer au Monopoly dans son enfance", s'est moqué Jean Rottner, le président LR de la région Grand-Est. Même les élus alsaciens estampillés majorité présidentielle s'y sont mis. "Une vraie schnaps idée, un non-sens" pour Alain Fontanel, candidat LREM à Strasbourg. "Une très mauvaise idée" selon Fabienne Keller, eurodéputée du groupe macroniste et ancienne maire de Strasbourg. La promesse n'engage de toute façon pas grand monde puisque le maire de Paris n'a aucune compétence pour décider seul de tels projets, comme l'a relevé franceinfo.

Trop compliqué, pharaonique, impossible ? "Nous ne sommes pas des notaires, nous on veut changer les choses ! C'est un super projet, alors avec de la volonté, bien sûr que ça se fera", rétorque le député LREM Sylvain Maillard, chargé de la riposte dans l'équipe Griveaux. "On ne s'attendait pas à ce que nos adversaires nous applaudissent. Mais en réalité, ils sont très embêtés car c'est une très bonne proposition qui les a mis dans l'embarras", veut croire un proche du candidat.

Avant, quand Benjamin se déplaçait, on ne lui parlait que de Cédric Villani. Maintenant, on lui parle du Central Park.

Un proche de Benjamin Griveaux

à franceinfo

Les annonces s'accumulent, mais les critiques continuent à pleuvoir. Un apport de 100 000 euros pour aider les primo-accédants à acheter un appartement ? Rien de tel pour faire grimper encore les prix de l'immobilier, taclent en chœur opposants et professionnels du secteur. Pas davantage de succès pour la création du "nouveau métier de manager de rue", dont l'intitulé trop caricaturalement "start-up nation" a fait ricaner Twitter.

"Je peux vous donner les noms, et même les 06 !"

Benjamin Griveaux peut-il encore ouvrir la bouche sans s'attirer les quolibets ? Si le candidat à la mairie de Paris en récolte autant, c'est qu'il traîne une image peu sympathique d'homme ambitieux et arrogant, y compris dans son propre camp. L'intéressé balaie avec une pointe d'amertume ces indélicatesses. "C'est alimenté par dix personnes qui parlent dans les médias de manière non sourcée et anonyme. Mais je peux vous donner les noms, et même les 06 !" lance le candidat, agacé, avant d'énumérer effectivement une poignée de patronymes.

"Je m'étonne que les gens le perçoivent aussi différemment de ce qu'il est réellement. C'est vrai qu'il porte en lui une timidité, mais il a beaucoup d'humour et d'autodérision", le défend Sylvain Maillard. Dans un discours à Bobino le 27 janvier, Benjamin Griveaux a pourtant lui-même reconnu que son déficit d'image n'était pas qu'un fantasme relayé par ses pires ennemis, mais un réel handicap pour séduire de potentiels électeurs. "Je sais à quel point Cédric [Villani] peut être attachant. Je sais qu'ils ont aimé chez lui, sans doute, ce qu'ils ne retrouvaient pas chez moi : davantage de naturel, une part de fantaisie et de sensibilité." 

Derrière mon assurance et mes bons mots, auxquels je ne sais pas toujours résister, se cachent aussi mes angoisses et mes échecs, mes épreuves, mes drames familiaux.

Benjamin Griveaux

à Bobino, le 27 janvier

Avec cette séquence émotion, Benjamin Griveaux espère gagner le capital sympathie qui lui fait tant défaut. Mais la tâche s'annonce rude tant il part de loin. Selon un sondage Odoxa pour Le Figaro paru avant le meeting à Bobino, 51% des Parisiens ont de lui une mauvaise opinion et seulement 26% une bonne opinion. Un différentiel (-25) encore pire que celui d'Anne Hidalgo (-15).

Benjamin Griveaux (D) avec Pacôme Rupin (G) au siège de La République en marche lors d'une conférence de presse, le 5 février 2020. (MAXPPP)

Benjamin Griveaux a-t-il trop attendu pour briser sa "carapace" ? "La première étape du job a été faite, mais cela arrive un peu tard. Il doit maintenant donner des gages, passer aux actes, et montrer qu'il a changé", estime le patron d'Odoxa, Gaël Sliman. Selon ce même sondage, tout n'est peut-être pas perdu pour le candidat LREM, puisque 23% des personnes interrogées disent ne pas le connaître suffisamment pour exprimer une opinion à son égard.

Il reste une dernière raison d'espérer pour Benjamin Griveaux : l'incertitude totale qui entoure cette élection municipale avec une offre politique éclatée, des possibilités d'alliances aussi multiples qu'incongrues et un mode de scrutin par arrondissements qui n'aide pas à y voir clair. Au QG du candidat, on rappelle que rien n'est encore fait : "Le jeu est totalement ouvert, il faut qu'on arrive à faire bouger les lignes. Si elles restent telles quelles, bien malin qui peut prédire qui sera élu maire le 22 mars."

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