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La France "a sans doute sous-estimé l'aspiration" des Tunisiens "à la liberté", a-t-il dit devant les journalistes

Au cours de la troisième conférence de presse de son quinquennat à l'Elysée, le chef de l'Etat a expliqué que la France devait "tenir compte du poids de l'histoire" dans le cadre de ses relations avec des pays comme la Tunisie.Avant d'évoquer ce dossier, il a longuement détaillé la feuille de route de la présidence française du G20.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Nicolas Sarkozy a adressé ses voeux à la presse, lundi 24 janvier, à l'Elysée. (Eric Feferberg)

Au cours de la troisième conférence de presse de son quinquennat à l'Elysée, le chef de l'Etat a expliqué que la France devait "tenir compte du poids de l'histoire" dans le cadre de ses relations avec des pays comme la Tunisie.

Avant d'évoquer ce dossier, il a longuement détaillé la feuille de route de la présidence française du G20.

"Si le G20 veut rester légitime, il doit demeurer efficace", a-t-il notamment déclaré en ouvrant sa conférence de presse. Il faut engager des "chantiers de fond" pour obtenir des "résultats concrets" à montrer "à une opinion publique de plus en plus impatiente". Il a notamment proposé une taxe sur les transactions financières.

La présidence française du G20
Nicolas Sarkozy
a annoncé la tenue, à la veille du sommet de Deauville, d'un forum sur l'internet avec les principaux opérateurs du secteur des pays du G8. Il ne s'agit "en aucun cas" de brider la Toile, a-t-il précisé.

Il a par ailleurs annoncé que "la France est favorable à une taxe sur les transactions financières". "La France considère que cette taxe est morale compte tenu de la crise financière que nous venons de traverser, utile pour dissuader la spéculation et efficace pour trouver de nouvelles ressources pour le développement", a-t-il dit. "Je sais bien que cette taxe a de grands ennemis, de grands adversaires sur son chemin, nous essaierons de les convaincre", a-t-il poursuivi.

Dans le même temps, il a proposé l'instauration d'un "code de conduite en matière de gestion de flux de capitaux". Le Fonds monétaire international (FMI) devra alors être réformé pour qu'il exerce une surveillance du secteur. La France veut "élargir" le rôle du FMI en modifiant "éventuellement" ses statuts, a déclaré le président français.

Il a également déclaré qu'un "sommet social" serait organisé à la veille du sommet du G2 et que la France allait proposer l'instauration d'un "socle de protection sociale universel". "Pas un modèle social unique, cela n'a pas de sens, mais un socle", a-t-il poursuivi, plaidant pour "donner davantage de poids à l'Organisation internationale du travail dans la gouvernance mondiale". "La France ne se résigne pas à ce que les huit conventions de l'Organisation internationale du travail sur les droits fondamentaux du travail ne soient pas ratifiées par tous les membres du G20", a expliqué Nicolas Sarkozy.

Interrogé sur ce "socle", il a évoqué la nécessité de ne pas faire travailler les enfants ni les prisonniers, et l'égalité hommes-femmes.

Concernant la volatilité des cours des matières premières, il a proposé "une régulation" de ces cours. Il s'agirait de créer "une base de données sur les matières premières agricoles pour prévenir les crises alimentaires". "Demander qu'un intervenant sur le marché des matières bloque une partie de la somme qui représente le coût de la quantité de matières premières agricoles qu'il achète, est-ce que c'est anormal? Est-ce que ça tue le marché?", a-t-il poursuivi. "Est-ce que c'est sensé qu'on puisse acheter des stocks considérables de matières premières sans prendre le moindre risque? Sans bloquer la moindre somme, sans engager la moindre livraison?", a-t-il demandé.

En matière monétaire, il a expliqué que la France ne veut pas remettre en cause le "rôle éminent" du dollar ni instaurer un "contrôle des capitaux" dans le cadre de la réforme du système monétaire international, dont elle a fait une priorité de sa présidence du G20. "L'émergence de nouvelles puissances économiques conduira inéluctablement à l'émergence de nouvelles monnaies internationales", a-t-il ajouté. Il s'est aussi réjoui de ce que les pressions inflationnistes en Chine conduisent les autorités de ce pays à envisager l'appréciation du yuan.

"Le G20 sino-américain n'existe pas, nous sommes dans un monde multilatéral", a-t-il dit.

Le chef de l'Etat a souligné que la présidence française du G20 a déjà "eu une satisfaction": celle que "tous les sujets" qu'elle a mis sur la table" ont été reconnus comme valables.

Nicolas Sarkozy s'exprimait devant un slogan intitulé: "G20-G8: France 2011, nouveau monde, nouvelles idées".

La Tunisie
Le président français s'est ensuite exprimé sur la Tunisie où "un peuple frère a décidé de reprendre en main son destin". On n'a "pas toujours le recul nécessaire" pour "mesurer les frustrations" d'un autre pays, a-t-il dit, à propos des réactions de la diplomatie française vis-à-vis des évènements en Tunisie, expliquant que la France "avait sans doute sous-estimé l'aspiration de nos amis tunisiens à la liberté". Derrière l'amélioration économique, il y avait "une souffrance dont nous n'avions pas pris la juste mesure", "une révolte morale que nourrissait une insupportable corruption", a-t-il poursuivi.

"Le peuple français est solidaire du peuple tunisien", a-t-il dit, affirmant qu'une "ère nouvelle" s'ouvrait pour les relations entre les deux pays. Il a déclaré que des "mesures" seront prochainement proposées aux autorités tunisiennes. Des mesures à "mettre en oeuvre au plus vite". Parmi elles: la "recherche systématique des richesses pillées" par les anciennes autorités tunisiennes.

Dans la gestion des relations avec la Tunisie et la Côte d'Ivoire, la France doit "tenir compte du poids de l'histoire". "On ne peut pas parler d'un pays avec la même liberté" quand on sait que ce pays a connu, il y a 50-60 ans, les "blessures" de la colonisation. Il faut donc garder "une certaine réserve", a poursuivi Nicolas Sarkozy. "Je ne veux pas que la France soit assimilée à un pays qui a gardé des réflexes coloniaux", a-t-il insisté.

Concernant les propos de la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui avait proposé au régime de Ben Ali l'aide de la police française, il a expliqué: "J'essaye de me tenir éloigné des polémiques", excluant ainsi la démission de Mme Alliot-Marie, demandée par l'opposition. Il a également rappelé que la France avait largement ouvert ses frontières "pour accueillir toute l'opposition démocratique tunisienne".

Il a par ailleurs refusé toute "polémique" quand on lui a demandé pourquoi le gouvernement n'avait pas réagi à l'annonce de 78 victimes tombées lors des manifestations avant la chute du régime Ben Ali.

Interrogé sur l'éventualité de la montée d'un mouvement islamiste en Tunisie, il a répondu: "il faut faire confiance à cette jeune démocratie tunisienne".

Les otages français tués au Niger
La décision de poursuivre les preneurs d'otages était "la seule décision à prendre", a déclaré Nicolas Sarkozy. Si l'on n'avait pas tenté d'arrêter les terroristes, "que m'auriez-vous dit ?". On aurait évoqué une "complicité lâche, passive avec les terroristes", a déclaré le président de la République. Il a souligné que "nos soldats n'ont pas tiré les premiers" lors de la poursuite.

Avec le terrorisme, il n'y a "que la fermeté", a-t-il dit. "Chaque fois que les démocraties se sont aplaties, elles l'ont payé très cher", a-t-il commenté.

Les autres otages
Interrogé sur le récent message d'Oussama Ben Laden menaçant la France et la situation des otages français, il a répondu laconiquement: "On parlera de tout ça quand ils seront rentrés à la maison". Il a précisé que les otages enlevés dans le nord du Niger et les journalistes de France 3 retenus en Afghanistan étaient "en vie".

Politique intérieure
A un journaliste qui lui demandait si le G20 pourrait se passer de l'actuel directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy a répondu: "Vous commencez l'année en pleine forme !". Et de poursuivre: "Et si en ce début d'année, l'on raisonnait sur les idées sans personnaliser à outrance...". Il a précisé qu'il était favorable à ce que l'on élargisse le rôle du FMI.

Hommage à Lucas Mebrouk Dolega
Avant de commencer à parler du G20, il avait rendu hommage au photographe franco-allemand Lucas Mebrouk Dolega, mortellement blessé alors qu'il couvrait les manifestations en Tunisie pour l'agence EPA. Il a également rappelé que Paris oeuvrait activement pour obtenir la libération des deux journalistes de France 3 retenus en Afghanistan, Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, et de tous les otages français détenus dans le monde.

Réactions


Parti socialiste

Le porte-parole du PS, Benoît Hamon a dénoncé "un exercice qui a comme principale objectif la scène politique intérieure française". "Le président essaye de se racheter d'une attitude que personne n'a comprise. La France s'est totalement ratée sur la Tunisie", a-t-il affirmé. "Le gouvernement français a fait le choix de soutenir Ben Ali au moment où celui-ci réprimait la révolution par des tirs à balles réelles" a-t-il poursuivi fustigeant "le défaut d'anticipation" des autorités françaises qui, "à force d'écouter M. Ben Ali, ignoraient totalement la réalité tunisienne".

"Si Nicolas Sarkozy s'était plus intéressé à ce qui se passait du côté de la Ligue des droits de l'Homme, dans la société civile, il n'aurait pas sous-estimé la situation", a poursuivi M. Hamon. "Nicolas Sarkozy a soutenu jusqu'au bout le régime tunisien, la France aura été le plus fidèle allié de Ben Ali, c'est ce qui explique qu'elle n'a absolument pas vu venir cette révolte", selon le porte-parole socialiste.

Le nunuméro deux du PS, Harlem Désir a lui qualifié la conférence de presse de Nicolas Sarkozy d'"exercice d'autopromotion", formant le voeu que "le président des promesses non tenues pour la France" ne devienne pas "le président des promesses non tenues pour le monde".

UMP
Jean-François Copé
, le secrétaire général de l'Union pour la majortié, a salué lundi "le cap ambitieux" fixé par Nicolas Sarkozy pour la présidence française des G8 et G20, jugeant les pistes ouvertes "innovantes, réalistes et crédibles", notamment en matière de régulation et de gouvernance mondiale.

L'UMP "soutient totalement la volonté de faire de la régulation des marchés dérivés de matières premières une priorité", notamment pour les matières premières agricoles soumises à "de fortes spéculations" qui "aggravent le problème de la faim dans le monde", a déclaré M. Copé.

"En donnant de telles priorités à sa présidence du G20 et du G8, la France montre combien elle tient un rôle moteur dans la réforme de la gouvernance mondiale. L'UMP prendra toute sa part à cette réflexion majeure", a conclu son secrétaire général.

FN
Marine Le Pen,
présidente du Front national a fustigé la ligne tracée par le chef de l'Etat. "Très clairement Nicolas Sarkozy a assumé la logique mondialiste : il nous a expliqué comment il allait contribuer à renforcer le gouvernement mondial sous la haute autorité d'un certain nombre d'organismes antidémocratiques, technocrates, grâce à toute une série de réunions, de sommets, de colloques, de séminaires, de forums...".

"Pas une seule fois le président de la République n'a prononcé le mot euro", ce qui signifie qu'"il admet que l'euro était un non sens total" et "il n'a pas dit un mot sur la régulation des flux migratoires mondiaux" alors "qu'il s'agit là du problème du 21e siècle" a souligné la n°1 du FN.

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