Guadeloupe: l'hommage à Jacques Bino
La Guadeloupe s'est recueillie dimanche pour les obsèques du militant CGT Jacques Bino, tué la semaine dernièreLa Guadeloupe s'est recueillie dimanche pour les obsèques du militant CGT Jacques Bino, tué la semaine dernière
3000 personnes ont participé à la cérémonie dans sa ville natale de Petit Canal (30 km de Pointe-à-Pitre) en présence de personnalités locales et, notamment, de l'ex-candidate PS à la présidentielle, Ségolène Royal.
Le corps de ce fonctionnaire aux impôts était exposé dans son cercueil ouvert, avec, à ses côtés, son épouse et son fils de 8 ans.
Démonstration de force du LKP
Pour le Collectif contre l'exploitation (LKP), à l'origine de la grève générale en Guadeloupe depuis plus d'un mois, le rassemblement, ponctué de nombreux chants créoles, a été l'occasion d'une démonstration de force. "Nous sommes dans la tristesse et dans la colère. L'heure est toujours à la mobilisation, il nous faut continuer pour avoir de meilleures conditions de vie et de meilleurs salaires", a notamment déclaré son leader, Elie Domota.
"Face à la mobilisation, qu'avons-nous obtenu en Guadeloupe ?", a-t-il demandé. "Pas grand chose", a-t-il répondu sous un tonnerre d'applaudissements. Un ami d'enfance du défunt, Joël Mathurin, a déclaré: "Arrêter le mouvement maintenant serait du temps gâché".
A la fin de la cérémonie, le corps a été transporté entre deux haies de fleurs et de drapeaux des syndicats. Devant le cercueil, un homme portait une plaque de marbre avec la mention gravée: "Jacques Bino, 1960-2009 - la vie nous entraîne dans des combats, pour créer un meilleur avenir, parfois sans crier gare, nous tirons notre révérence et reste une trace - combat du LKP du 20 janvier 2009 [date du début de la grève, NDLR] au ..."
La présence de Ségolène Royal
Arrivée samedi, l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle, Ségolène Royal, a participé à la cérémonie.
Elle avait rencontré dimanche matin le leader du LKP, Elie Domota. Elle a demandé au premier ministre, François Fillon, d'assister lui-même aux négociations sociales et au
patronat de mettre sur la table dès aujourd'hui 200 euros d'augmentation des
salaires, comme le réclame le LKP. Elle a reproché à "ceux qui nous gouvernent" de rester "enfermés dans leurs palais dorés". "Souvenons-nous de la Révolution française !", a-t-elle mis en garde. "Quand des parents n'arrivent plus à donner à manger à leurs
enfants, en général, ça va mal finir", a dit la leader socialiste, mettant le gouvernement en garde contre toute "stratégie de pourrissement".
"Je serais en responsabilité, je puis vous assurer qu'il y aurait un ministre en permanence nuit et jour pour accompagner les négociations", a-t-elle assuré. Dans "aucune autre région" française, les choses se seraient "passées" de la sorte, a-t-elle ajouté.
Elle a aussi dénoncé le patronat local. "Ce qui manque c'est le geste des gros patrons qui se sont enrichis pendant des années sur le système néo-colonial", a affirmé Mme Royal. Elle a ainsi ciblé "deux gros patrons qui contrôlent la quasi-totalité des importations et de la grande distribution" mais sans vouloir les nommer.
La présence de l'ancienne candidate présidentielle aux obsèques de Jacques Bino de la présidente PS du Conseil régional de Poitou-Charentes a été dénoncée par l'UMP qui l'a accusée de "récupération politicienne".
"Je demande à chacun, à Mme Royal comme aux autres, de garder son sang froid et de laisser les partenaires sociaux discuter" en Guadeloupe, a déclaré lundi François Fillon lors d'une conférence de presse au Salon de l'Agriculture. "Ils sont à même de le faire, ils ont les éléments pour trouver une solution. C'est entre leurs mains que la situation repose", a-t-il ajouté. "Je fais toujours attention aux conseils de Mme Royal, mais aujourd'hui l'intérêt général c'est de faire en sorte que la discussion ait enfin lieu" entre patronat et syndicats guadeloupéens. "Il n'y aura pas de miracle ni apporté par Mme Royal, ni apporté par François Fillon", a-t-il poursuivi.
Polémique autour des propos de Mme Royal
Pour le secrétaire général du Medef Guadeloupe, Jean-Luc Lubin, Ségolène Royal "est très, très mal placée pour venir mettre de l'huile sur le feu". "Aujourd'hui, on a besoin de sérénité dans ce pays et non pas de politiciens arrivistes, qui viennent nous donner des leçons" et "nous dire ce qui est bon, ce qui n'est pas bon", a-t-il ajouté. "Maintenant, cela commence à suffire cette affaire là, maintenant si elle n'a rien à dire, qu'elle se casse", a ajouté le responsable patronal.
La députée PS des Deux-Sèvres Delphine Batho, proche de Mme Royal, a dénoncé "la violence inouïe" de la déclaration du MEDEF guadeloupéen. "Après l'UMP, c'est donc au tour du syndicat des profiteurs de littéralement 'péter les plombs'. Mais ne lui en déplaise, le MEDEF n'est pas propriétaire" de l'île, a ajouté la parlementaire, évoquant "les quelques patrons qui asphyxient la Guadeloupe".
La mort de Jacques Bino
L'enquête sur la mort du syndicaliste est toujours en cours. Une personne a été interpellée samedi puis relâchée.
Jacques Bino, membre du de la CGT Guadeloupe et du LKP, revenait en voiture d'un piquet de grève. Il a été atteint à la poitrine d'une balle "tirée par la fenêtre ouverte du passager", a affirmé mercredi le procureur de Pointe-à-Pitre. Il se trouvait alors à proximité d'un barrage. Les enquêteurs n'excluent pas que les jeunes qui tenaient le barrage aient pris sa voiture pour un véhicule de police banalisé. "Ils ont utilisé des balles à sanglier, c'est fait pour tuer", a dit le directeur de la police nationale Frédéric Péchenard à des journalistes.
Le procureur a souligné que les trois projectiles de chasse tirés contre le véhicule n'étaient "pas des balles perdues", ajoutant qu'au moment des faits, il n'y avait pas de forces de l'ordre positionnées à proximité. Trois policiers qui accompagnaient des pompiers venus porter secours à la victime ont été légèrement blessés.
Le leader du LKP, Elie Domota, a émis des doutes sur ce qu'il a qualifié de "version
officielle" de la mort de Jacques Bino.
De son côté, le premier ministre, François Fillon, a déclaré jeudi qu'il s'agissait d'un "crime commis par des délinquants".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.