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Grenoble ou "l’autre gauche" à tâtons ?

Au niveau national, celle qu’on appelle "l’autre gauche" critique François Hollande. A Grenoble, elle dirige. Depuis six mois, une coalition vert-rouge-citoyens est au pouvoir dans le chef lieu de l’Isère. Au-delà des changements symboliques, elle a mis des coups d’arrêts à de nombreux projets. L’opposition socialiste l’accuse déjà d’immobilisme et même d’amateurisme.
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
  (Eric Piolle, le maire écolo de Grenoble, ici pendant le scrutin. © PHOTOPQR/LE DAUPHINE ; MARC GREINER)

Le nouveau maire écologiste de Grenoble ne pollue pas sa ville. Premier magistrat d’une commune de 160.000 habitants, l’ex-cadre chez Hewlett-Packard continue à arriver à vélo – et en retard – à ses rendez-vous, débarquant casque et panier de bicyclette sous le bras. Dès son élection à la tête de la mairie, dirigée depuis 19 ans par le socialiste Michel Destot, Eric Piolle a voulu montrer un nouveau visage. Plus de démocratie participative. Les conseils municipaux sont désormais retransmis en direct sur Internet, des sessions de formation au budget sont organisées pour les habitants. Plus d’éthique. Il a quitté son mandat de conseiller régional et baissé de 25% les indemnités des élus – baisse toutefois en partie compensée par une aide à la garde d’enfants. Plus d’innovation. Avec la création de nouvelles délégations, à l’open data et aux logiciels libres ou encore à l’alimentation locale et biologique.

Une ZAC de 1.000 logements stoppée

Et moins de béton. La mesure la plus symbolique est sans doute l’arrêt du projet d’aménagement urbain de la ZAC Esplanade. Porté par la majorité précédente, il prévoyait la construction de 1.000 logements avec une tour de 100 m de haut, à l’entrée de la ville. Retoqué. Le nouveau Plan local d’urbanisme prévoit des immeubles moins hauts, avec une part accrue de logements sociaux, et des antennes relais plus éloignées des écoles. Ce qui crée des inquiétudes. Notaire à Grenoble, Fabrice Richy, craint de voir passer, avec ces nouvelles règles, le nombre de nouveaux logements de 1.000 à 600 sur le site de l’Esplanade. "Une ville sans grue, c’est généralement une ville qui se meurt ", redoute-t-il.

"Il y avait overdose de projets urbains "

D’autant que la ZAC Esplanade n’est pas le seul projet d’aménagement urbain mis en stand-by . La nouvelle municipalité a aussi stoppé les travaux prévus dans le stade de l’équipe de rugby. Celle-ci joue donc cette saison au tout récent Stade des Alpes, jugé sous-utilisé depuis la chute des footballeurs grenoblois en division amateur. "Il y avait overdose de projets urbains , se réjouit Marie-Jo, enseignante à la retraite, il fallait faire un jeûn" . Le maire a aussi amorcé la reprise en main du Palais des Sports, qu’il estimait mal géré. La ville ne paiera plus non plus pour accueillir le Tour de France, comme ce fut le cas cet été. "Il y a beaucoup de choses arrêtées, rien de lancé ", s’alarme Jérôme Safar, le candidat socialiste défait en mars dernier. "C’est six mois perdus, alors qu’à 100 km, la métropole lyonnaise ne perd pas de temps. On n’est pas là pour avoir de l’amateurisme à tous les étages. "

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Alors, trop verts les écologistes ? Dans la nouvelle équipe on trouve des élus passés par des partis, EELV ou Parti de gauche. D’autres issus de mouvements citoyens. Beaucoup n’ont pas d’expérience de la politique. Et le revendiquent. "Ca dérange les politiciens de carrière que des citoyens avec de l’expérience professionnelle ou associative soient là, non pas pour ‘être’ maire ou adjoint, mais pour ‘faire’ , assène Eric Piolle. Et pas forcément pour couper des rubans avec du béton ". Et le nouveau maire de citer des projets d’économies d’énergie ou d’habitat participatif.

Pas d'arme pour la police municipale

Changement de braquet aussi en matière de sécurité. On ne dit d’ailleurs plus sécurité, mais "tranquillité publique", nouvelle dénomination de la délégation en charge de la police municipale. "La sécurité, c’est la compétence de l’Etat ", explique le maire. Les armes achetées par l’équipe sortante n’ont donc pas été distribuées aux fonctionnaires municipaux. Ce qu’ils semblent regretter. "On avait l’impression de se professionnaliser , soupire Arnaud Duc, délégué FO. C’est un petit pas en arrière. " Armés, les policiers municipaux devaient se déployer dans les quartiers sud de la ville, plus sensibles. Ils n’y vont donc pas. Ils continuent en revanche d’utiliser les caméras de vidéo-surveillance de la ville. Une cinquantaine qu’Eric Piolle candidat avait promis de démonter, et même, sur le ton de la boutade, de revendre à Christian Estrosi, le maire UMP de Nice. Les caméras sont toujours là.

"Il y a une dimension d’opposition au gouvernement, en particulier à ses politiques austéritaires. "

Et elles ne sont pas les seules à observer la ville. "Au-delà de l’enjeu local ", assure Elisa Martin, première adjointe issue du Parti de gauche, "nous sommes là pour démontrer qu’une autre gauche est possible. Il y a une dimension d’opposition au gouvernement, en particulier à ses politiques austéritaires. " Le pouvoir socialiste tente de contenir le déficit ? La coalition verte-rouge grenobloise emprunte 13 millions d’euros cette année - en partie pour régler les factures des prédécesseurs assure-t-elle. Manuel Valls abandonne l’encadrement des loyers au niveau national ? La métropole grenobloise se porte candidate pour tester la mesure.

Maire anti-paradis fiscaux... et actionnaire d'une société à Singapour

Démonstration réussie ? C’est évidemment trop tôt pour le dire. D’autant que la CGT est récemment venue mettre son grain de sel. Une assemblée générale organisée dans le hall de l’hôtel de ville le 23 septembre a dénoncé "122 non-renouvellements de contrats" du personnel municipal. La mairie rétorque qu’il y a eu 144 embauches en parallèle. Glissant au passage que les élections professionnelles de début décembre ne sont peut-être pas étrangères à cette agitation.

Autre anicroche, cette fois aux tirades contre les paradis fiscaux du maire. La droite locale se plaît à rappeler qu’Eric Piolle est actionnaire, même symbolique à 0,3%, de Raise Partner, une entreprise basée à Singapour qui vend des logiciels d’analyse de risque financier à des sociétés sises à Jersey ou Guernesey. Taxé de double discours, l’édile écologiste explique qu’il faut faire évoluer le système de l’intérieur. Mais la polémique a déjà quelque peu pollué ses premiers pas de maire.  

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