Après un siècle de socialisme, Limoges a changé de cap
Des commerçants choyés
"Avant, on faisait face à un mur ". Voilà ce qu’expliquent beaucoup de commerçants du centre-ville de Limoges. Le "mur", c'était l’ancien maire socialiste, Alain Rodet, en poste depuis 1990, qui ne voulait pas céder sur les ouvertures dominicales. La loi autorise le premier magistrat d’une ville à accorder cinq dimanches par an. L’an passé, les commerçants limougeauds étaient allés jusqu’à manifester devant la mairie, certains les fesses à l’air, pour réclamer un deuxième dimanche ouvert avant les fêtes de fin d’année.
Depuis l’élection du nouveau maire UMP Emile-Roger Lombertie, les cinq dimanches leur ont été accordés. Trois avant les fêtes et deux pendant les soldes d’été. "Le stationnement est aussi devenu gratuit le samedi, ce qui apporte du passage" , se félicite Maïté Charrière, trésorière de l’association Limoges-Commerce. "Mais plus de flux ne veut pas forcément dire plus de clients ", nuance la vendeuse de chemises. Et puis la gratuité pousse aussi certains automobilistes à laisser leur voiture stationnée durant tout le week-end, ce qui est contre-productif. La municipalité réfléchit donc à un nouveau système.
Marginaux et prostitués "chassés"
Les arrêtés municipaux ont été pris au cœur de l’été. Le premier interdit dans le centre-ville "les occupations abusives et prolongées des rues […] lorsqu’elles constituent des entraves à la circulation des personnes". Le second prohibe la présence sur certains axes des "personnes se livrant à la prostitution". Des arrêtés visiblement appliqués. Dans l’attente d’un client sur le Champ de juillet, Héléna explique que les policiers, municipaux et nationaux, lui font régulièrement quitter les lieux. "On va plus loin, vers l’autoroute ", regrette-t-elle. "Elles se retrouvent dans des lieux plus isolés, où elles savent moins comment appeler à l’aide en cas d’agression* ", constate également Joane Chabassier, présidente du planning familial de Limoges. Elle fait partie du collectif "Vivre ensemble", créé pour dénoncer ces arrêtés, mais qui reste pour le moment encore assez discret.
Une partie des Limougeauds approuve en effet ces nouvelles dispositions. "Ces gens-là ne me dérangent pas dans la mesure où ils ne m’attaquent pas ", commence Suzanne, médecin de 62 ans, à propos des marginaux qui avaient tendance à se regrouper, souvent avec leurs chiens, place de la République. "Mais ça n’est pas toujours agréable et j’ai même félicité cet été les policiers qui avaient réussi à les disperser ". Entouré de quatre policiers municipaux sur cette même place de la République, Fabien vient d’ailleurs de se faire verbaliser. "11 euros pour avoir lâché la laisse de ma chienne, alors que je donnais une cigarette à un ami", raconte-t-il. C’est environ le quarantième PV qu’on lui dresse depuis deux mois. "Ils n’arrêtent pas, ils font la chasse aux petits gens comme nous", peste-t-il. "Ça a dissuadé pas mal de monde. Mais le maire ne fait que déplacer le problème et ne le règle pas". Antoine, étudiant en géographie plutôt favorable au changement de municipalité, n’approuve pas non plus. "En gros c’est : t’es pauvre, t’as une mauvaise image et on te met en dehors du centre-ville".
Les activités périscolaires à payer
A la rentrée 2013, Limoges la socialiste avait joué les élèves modèles. La ville appliquait dès la première année la réforme des rythmes scolaires. Les nouvelles activités proposées aux élèves après la classe étaient gratuites. Ce qui a changé cette année, les parents doivent payer. Entre 30 centimes et 1 euro de l’heure. Soit jusqu’à 240 euros par an et par élève. Emile-Roger Lombertie, qui était psychiatre avant de se lancer à la conquête de la ville, s’explique. "Il est du devoir des parents de s’occuper de leurs enfants et de les prendre en charge. J’ai une vision personnelle de la famille qui est différente de celle du kolkhoze ".
Là aussi un collectif s’est constitué, apparemment plus actif que celui contre les arrêtés. A la sortie d’une réunion qui a regroupé une centaine de personnes, Vincent Enrico, père de deux enfants, fustige "la stratégie globale d’un maire de droite, réactionnaire ". "Il y a beaucoup d’inégalités à l’école, poursuit-il, et c’est un fait que les enfants y sont mieux que dans la rue" . Sous la pression des parents d’élèves, le maire vient de renoncer à faire payer le temps d’étude prévu après la classe. Les autres activités, elles, restent payantes.
- le prénom a été modifié
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