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A Fréjus, la presse nationale exclue des conseils de quartier

Alors qu'il effectuait un reportage à Fréjus, six mois après les élections municipales, notre reporter s'est vu interdire par la mairie l'accès à une réunion de conseil de quartier, pourtant publique. Finalement autorisé à rester par le président de séance, il a dû batailler contre les consignes du maire FN David Rachline, qui fait une différence entre la presse locale et la presse nationale.
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (David Rachline, le maire FN de Fréjus, a tenté d'interdire à un de nos reporters l'accès à une réunion de conseil de quartier, pourtant publique. © Christophe Morin / IP3)

Sur le seuil de la villa Aurélienne, ce lundi 22 septembre aux alentours de 18h, Fabrice Curti, adjoint à la Jeunesse et aux Sports de la ville de Fréjus, accueille les habitants. C’est dans ce coquet centre culturel, sur les hauteurs de la ville, que doit se tenir le conseil des quartiers Gallieni, Valescure et Magdeleine. Le journaliste de France Info se présente à l’élu, lui explique réaliser un reportage sur les six premiers mois de mandat du nouveau maire frontiste David Rachline, avec lequel il a un rendez-vous le lendemain, et qu’il est venu assister au conseil. Poignée de main, sourire poli.

"La presse locale est autorisée, pas la presse nationale "

Le reporter discute avec quelques Fréjussiens venus assister à la réunion. Mais trouve ensuite porte close quand il veut pénétrer dans la salle où a lieu le conseil. Posté devant l’entrée, un responsable du centre culturel explique, en regardant ses chaussures, qu’il vient de recevoir une consigne. Le cabinet du maire ne veut pas que le journaliste de France Info entre. Le reporter décroche alors son téléphone, appelle le chef de cabinet, qui lui confirme que non. Il ne peut pas entrer, ce n’est pas ouvert à la presse. Il s’agit d’une réunion publique, rétorque le reporter, un confrère photographe est d’ailleurs à l’intérieur. "La presse locale est autorisée, pas la presse nationale ", répond le collaborateur du maire.

Le journaliste autorisé à rester... par le président du conseil de quartier

La porte n’étant pas fermée à clé, le journaliste finit par entrer dans la salle. Et assiste aux débats. Demande d’installation d’un ralentisseur dans telle rue, d’élaguer un arbre qui touche un câble téléphonique devant telle résidence ou encore d’interdire les sirènes d’ambulances à tel carrefour. Réunion de proximité on ne peut plus banale, entre des habitants et leurs élus. Mais au bout d’une dizaine de minutes, Fabrice Curti vient voir notre reporter au fond de la salle et lui demande de partir "s’il vous plaît, je viens d’avoir le maire au téléphone."   Face au refus du journaliste, l’adjoint frontiste appelle en renfort un policier municipal présent à la réunion. Le reporter prend alors l’assistance à témoin, lui expose la situation. Le président du conseil de quartier – élu par les habitants lors de la dernière Assemblée générale – tranche : le journaliste peut rester, à condition qu’il n’enregistre pas les débats.

"Ca ne risque pas de faire un peu scandale ? "

Retour aux questions de voirie. Mais dix minutes plus tard, nouvel assaut, cette fois de l’adjoint à la Sécurité Patrick Renard. Il répète à notre journaliste la consigne du maire, l’air toutefois un peu gêné.  Les deux hommes sortent, pour tenter, à nouveau,  de s’expliquer. L’élu municipal rappelle encore une fois la mairie, en s’inquiétant "mais ça risque de faire un peu scandale non ? ".  Les deux hommes regagnent la réunion.  

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Vient alors le moment du renouvellement du bureau. Les adjoints frontistes distribuent la nouvelle "charte des conseils de quartier" de la ville de Fréjus.  Elle stipule que les présidents de ces conseils ne seront plus élus par les habitants, mais "nommés par M. le Maire" parmi un collège de quatre "personnalités représentatives", "désignées en fonction de leurs compétences et leur implication dans le quartier" . Un habitant s’en alarme auprès d’un adjoint. Il se voit répondre qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir, le maire entérinera en fait le choix des habitants.

"Le maire validera... ou ne validera pas "

"Le maire validera… ou ne validera pas ", corrige toutefois le lendemain David Rachline. Interrogé sur cette nouvelle conception de la démocratie participative, l’édile frontiste explique :  "Nous croyons qu’un certain nombre de personnalités ont des compétences et une expérience qui doit leur permettre de représenter au mieux les Fréjussiens. " Quant aux motifs qui l’ont poussé à tenter de faire exclure le reporter de France Info ? C’est pour  "respecter la démocratie locale, éviter les observations qui mettraient mal à l’aise les habitants de la ville ". La presse locale est acceptée aux conseils de quartier, pas la presse nationale, "c’est une décision du maire que je vous annonce. "  Qu’importe s’il a écrit noir sur blanc dans la nouvelle charte, que les "séances des conseils de quartier sont publiques."

Le maire seul autorisé à parler à la presse nationale

Pourquoi tant de contorsions ? Peut-être parce que David Rachline ne veut pas que ses adjoints apparaissent dans les médias. Il décline pour eux les demandes d’interview. Or à ce conseil de quartier, seuls ses adjoints étaient présents. A la fin de l’entretien avec le journaliste de France Info, hors micro, le maire de Fréjus lui propose d’ailleurs de venir à un autre conseil de quartier, le soir même, auquel lui assistera. Faisant fi, subitement, du "respect de la démocratie locale. "

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