Réforme de l'assurance-chômage : "Fabriquer des pauvres", "taper sur la tête des chômeurs"... Tour d'horizon des réactions à l'annonce de Gabriel Attal

Les réactions se multiplient après l'annonce, mercredi soir, de Gabriel Attal de sa volonté de réduire la durée d'indemnisation du chômage.
Article rédigé par franceinfo
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Gabriel Attal, Premier ministre, février 2024. (TERESA SUAREZ / POOL)

Le Premier ministre a expliqué, mercredi 27 mars, qu'il était favorable, notamment, à une réduction de la durée d'indemnisation de l'assurance chômage "de plusieurs mois". Depuis cette prise de parole dans le 20h de TF1, les réactions s'enchaînent.

"Diminuer l'indemnisation, nous n'y sommes pas favorables", a réagi sur franceinfo Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). "Les gens qui sont au chômage ne l'ont pas demandé. Il faut qu'ils puissent continuer à vivre", ajoute Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. Mais il rappelle qu'en France, "on a un système qui est extrêmement favorable par rapport à d'autres en Europe".

"Et est-ce qu'on peut payer ou pas ? Malheureusement, la réponse est non."

Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CPME

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Rappelant qu'il y a "encore trois millions de chômeurs indemnisés et un très grand nombre d'entreprises qui ne parviennent pas à trouver des salariés quand ils en ont besoin", le patron de la CPME estime qu'il y a "un problème". Jean-Eudes du Mesnil du Buisson "se pose la question du système actuel d'assurance chômage". Il évoque la piste de l'entrée du dispositif d'assurance chômage, "est-ce qu'il faut avoir travaillé 6 mois dans les deux dernières années ou 6 mois dans les 18 derniers mois". Le secrétaire général de la CPME "y serait assez favorable".

Jean-Eudes du Mesnil du Buisson note par ailleurs "un manque dans l'intervention" du Premier ministre. Gabriel Attal a parlé "d'augmentation des recettes, mais assez peu de baisses des dépenses et notamment de l'Etat". "S'il n'y a pas de réforme de la fonction publique, on n'arrivera pas à régler le problème" du déficit, estime le patron de la CPME.

"Une considération populiste" estime la CFE-CGE

"C'est vraiment une considération populiste, c'est le gouvernement du coin du bar, c'est absolument scandaleux", dénonce à son tour, sur franceinfo, le président du syndicat des cadres CFE-CGC, François Hommeril. "Il prétend que lorsqu'on tape plus sur la tête des chômeurs, ils retrouvent plus facilement un emploi, or c'est faux, des études le prouvent", estime François Hommeril. "C'est vraiment une considération populiste, c'est le gouvernement du coin du bar, c'est absolument scandaleux".

Selon le président de la CFE-CGC, "Gabriel Attal est en contradiction avec ce qu'il avait lui-même dit lors de la dernière réforme de l'assurance-chômage" : "Il disait qu'il fallait mieux prendre en charge quand les conditions économiques sont défavorables, ce qui est le cas actuellement, et moins prendre en charge quand elles sont meilleures. Il se contredit lui-même".

"Que veut Gabriel Attal ? Il veut qu'un technicien supérieur de 52 ans, au chômage, accepte n'importe quel emploi, la plonge ou le gardiennage d'un parking", a-t-il poursuivi. "Il veut afficher des chiffres qui n'ont aucun lien avec la réalité vécue. C'est un discours particulièrement effrayant, qui est de dire aux chômeurs qu'ils sont des parasites de la société".

"L'argumentation du gouvernement est fausse" dénonce la CGT

"Nous ne sommes absolument pas prêts à négocier sur ces bases-là", a affirmé, sur franceinfo, Victoire Bech, membre de la direction nationale de la branche chômeurs et précaires de la CGT. "La seule conséquence qu'aura une nouvelle baisse du temps d'indemnisation des chômeurs, ce sera d'appauvrir une grande partie de la population", a dénoncé Victoire Bech. "Pour résorber le déficit public, il faudrait attaquer l'assurance-chômage, ce qui est un problème pour les millions d'individus sans emploi", a-t-elle dénoncé, expliquant que "l'argumentation du gouvernement est fausse".

Selon elle, cette réforme aura pour conséquence de "contraindre de plus en plus de travailleurs d'accepter des emplois à bas coûts et de faire baisser le prix de la force de travail en général". "Si c'est ça l'accord qui est proposé, nous refuserons cet accord-là", a-t-elle terminé.

"Le gouvernement prend les choses à l'envers" alerte FO

"On va balancer des millions de personnes au RSA", a alerté, sur franceinfo, Michel Beaugas, secrétaire confédéral Force Ouvrière. Michel Beaugas rappelle que FO n'étaient déjà "pas favorables aux précédentes réformes". Il note que le Premier ministre a "déjà annoncé qu'il souhaitait diminuer de plusieurs mois l'indemnisation, donc de passer à 12 mois". "En deux ans, les demandeurs d'emploi ont perdu 50% de leur durée d'indemnisation avec les trois réformes", affirme Michel Beaugas. "C'est beaucoup, cela va les appauvrir." Le secrétaire confédéral de Force Ouvrière ajoute que, "comme on va supprimer l'ASS", allocation spécifique de solidarité, "on va balancer des millions de personnes au RSA".

La solution pour baisser le chômage, selon Michel Beaugas "c'est d'augmenter les salaires". "En augmentant les salaires de l'ensemble des salariés, avec de meilleures conditions de travail, les demandeurs d'emploi retrouveraient de l'emploi, puisque les conditions seraient correctes, et il y aurait des revenus nécessaires." Pour FO, "une fois encore, le gouvernement prend les choses à l'envers".

Le syndicat Force Ouvière "va attendre d'avoir la lettre de cadrage" du Premier ministre avant la négociation sur l'assurance-chômage. Mais selon Michel Beaugas, "cela peut être un piège". Il rappelle que des ministres "ont dit que l'Etat devait reprendre en main l'assurance-chômage". Il craint que le gouvernement mette les syndicats "en position de faire en sorte qu'on ne puisse pas trouver un accord" pour leur faire "supporter la responsabilité de l'échec". "Ce qu'ils veulent, c'est reprendre en main l'assurance-chômage et déposséder les paritaires de la gestion", ajoute Michel Beaugas.

Une idée "assez sordide" pour LFI

Pour "fabriquer des pauvres, là [Gabriel Attal] a des idées" mais quand il s'agit de "s'en prendre aux grandes fortunes, il n'aurait pas d'idées", s'étonne, sur franceinfo, Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis. Questionné sur la taxation des superprofits, Gabriel Attal a déclaré n'avoir "jamais eu de dogme sur le sujet". "On a un Premier ministre très arrogant ou du moins très déterminé quand il s'agit de s'en prendre à ceux en difficulté, par contre il n'a pas d'idées, il n'est pas fermé - nous dit-il - mais qu'on lui fasse des propositions pour s'en prendre aux superprofits", s'agace Alexis Corbière.

Pour le député, les déclarations de Gabriel Attal au sujet de l'assurance chômage sont "une provocation", "une menace de s'en prendre à ceux qui sont en difficulté". "Cela annonce clairement qu'on va raboter des droits qui ne sont pas du luxe", poursuit le député. Pour lui, la réduction de la durée du chômage cache une idée "assez sordide" parce que "fausse et idéologiquement assez détestable" qui est "qu'il faut inciter les gens à chercher du travail comme si ceux qui sont au chômage sont quand même un peu responsables de leur situation et qu'il faut les secouer".

Le gouvernement "pas à la hauteur des enjeux" d'après LR

Le gouvernement "n'est pas à la hauteur des enjeux" critique Fabien Di Filippo, député LR de Moselle. Il assure n'avoir "absolument rien contre les mesures qui permettent de favoriser le retour à l'emploi le plus rapide possible des Français". Mais il pointe "un décalage" dans ce qui a été annoncé. Le secrétaire de la Commission des finances de l'Assemblée nationale assure que "l'Etat va devoir emprunter pour équilibrer son budget plus de 180 milliards d'euros cette année", tandis que "l'assurance-chômage sera excédentaire en 2024 de quelques milliards d'euros".

Le député pointe notamment la "revalorisation de 4,6% du RSA au 1er avril". "Rien que ça, c'est un coup supplémentaire de 700 millions d'euros par an à charge des départements. On continue dans la gabegie de dépenser pour l'assistanat. C'est dissymétrique au discours et aux mots qui peuvent être utilisés par le Premier ministre." Fabien Di Filippo voit dans le discours de Gabriel Attal "beaucoup de communication, mais dans les actes, le courage n'est absolument pas là".

Des propos "scandaleux" estime le RN

Les propos de Gabriel Attal sont "scandaleux", déclare, sur franceinfo, Philippe Ballard, porte-parole du RN, député de l’Oise. "J'étais scandalisé en écoutant Gabriel Attal ce soir", poursuit Philippe Ballard qui qualifie de "mensonges" les propos du Premier ministre. Le député l'assure, "Emmanuel Macron a accru la dette en sept ans de 1 000 milliards d'euros". Face à cette situation, "il demande des efforts aux chômeurs". Pour Philippe Ballard, le gouvernement est "perdu". Il le compare au "Titanic qui sombre" alors que les agences de notation s'apprêtent à noter la France : "On va finir de couler", conclut-il.

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