Gouvernement : pourquoi la démission de Collomb peut provoquer un remaniement d'ampleur
Entre Matignon et l'Elysée, le téléphone a chauffé ce week-end. Au-delà de la place Beauvau, plusieurs ministères pourraient changer de chefs dans les prochaines heures. La composition du nouveau gouvernement devrait être connue avant le prochain Conseil des ministres, mercredi 10 octobre.
Début septembre, l'exécutif avait mis une semaine pour trouver un successeur à Nicolas Hulot à la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire. Le remplacement de Gérard Collomb à l'Intérieur prend autant de temps. Six jours après sa démission, son fauteuil place Beauvau attend en effet toujours preneur. Sauf que cette fois, d'autres ministres devraient être priés de laisser leur place, "et il y en a bien besoin", persifle une députée de la majorité à franceinfo. Voici les raisons qui poussent l'exécutif à opter pour un remaniement de grande ampleur.
Pour redonner du souffle à Emmanuel Macron
Ce n'est pas un scoop : Emmanuel Macron traverse une phase compliquée. L'affaire Benalla, une cote de popularité qui n'en finit plus de chuter, sans oublier ces trois ministres (Nicolas Hulot à l'Ecologie puis Laura Flessel aux Sports et Gérard Collomb à l'Intérieur) qui ont pris tout le monde de court en démissionnant... "Cette fois, le chef de l'Etat n'a pas d'autre choix que de réagir, analyse pour franceinfo le politologue Bruno Cautrès. Mais là, il ne peut pas se contenter d'un remaniement technique."
Emmanuel Macron semble avoir compris que certains de ses choix du début ne fonctionnent pas aussi bien que prévu.
Bruno Cautrès, politologueà franceinfo
Au sein même des rangs de la majorité, on reconnaît qu'il y a besoin de changement. Sous couvert d'anonymat, une députée LREM admet à franceinfo qu'il s'est passé "trop de choses pour faire semblant de n'avoir rien vu. On est en train d'accumuler les petits tracas pas très agréables".
Servons-nous de ce moment pour en sortir un peu grandis.
une députée LREMà franceinfo
Richard Ferrand ne dit pas autre chose. Dans les colonnes du JDD, le nouveau président de l'Assemblée nationale se dit favorable à un remodelage plus large que le simple remplacement poste pour poste du locataire de la place Beauvau, dont les fonctions sont actuellement assurées par Edouard Philippe. "Il faut un nouveau souffle", fait ainsi observer l'ancien patron des députés LREM. Si le chef de l'Etat opte pour le remaniement en profondeur, Edouard Philippe devrait remettre la démission de son gouvernement. Aussitôt renommé à la tête d'un "gouvernement Philippe III", ce dernier pourrait alors solliciter de l'Assemblée un vote sur une déclaration de politique générale. C'est exactement ce qu'avaient fait Jean-Pierre Raffarin en 2004 et François Fillon en 2010.
Pour préparer les prochaines élections
Un remaniement d'ampleur "n'est pas quelque chose que l'on peut dégainer plusieurs fois dans un quinquennat, insiste Bruno Cautrès. C'est comme un coup de fusil, il faut y recourir une fois, au bon moment." Et, pour le politologue, "c'est le bon moment" pour le chef de l'Etat. "Le timing est opportun car il lancerait le tunnel électoral à venir." En l'occurrence, les élections européennes en mai 2019, puis les municipales en 2020.
Le timing est bon. Ni trop tôt, ni trop tard.
Bruno Cautrèsà franceinfo
Apporter du sang neuf avec des scrutins cruciaux donnerait ainsi "l'impression d'envoyer un signal à l'électorat d'une inflexion", précise Bruno Cautrès : "En clair, ça signifie 'j'ai compris que je devais retisser certains liens avec les Français.'" De son côté, la députée En marche ! résume la situation en moins de mots : "Ce serait comme un nouveau départ."
Pour veiller aux équilibres politiques
Même si l’expression est bannie en macronie, le président de la République doit également "prendre garde aux équilibres politiques", poursuit Bruno Cautrès. "Après les critiques exprimées par François Bayrou cet été, une place plus grande devrait notamment être faite au MoDem, le parti allié de LREM", croit savoir Le Monde. Le score obtenu par le député centriste du Loir-et-Cher Marc Fesneau lors de l’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale mi-septembre "avait sonné comme un coup de semonce pour l’exécutif". Il avait obtenu 86 voix alors que le MoDem ne compte "que" 46 élus.
De quoi renforcer l'idée d'un remaniement plus large. Bruno Cautrès penche ainsi pour "une stratégie de centre-gauche". Le nom de Bruno Julliard circule d'ailleurs pour remplacer Françoise Nyssen à la Culture. Celui qui vient de claquer la porte de la mairie de Paris "a le double mérite d’être jeune et issu de la gauche (...). Il en faut bien", s’amuse dans les colonnes du Parisien un député En marche ! qui vient de… la droite.
Ce n'est pas tout : Emmanuel Macron va aussi devoir "ménager les radicaux de gauche qui conservent de l’influence, notamment au Sénat". "La réforme des institutions s’annonce difficile et leurs voix pourraient compter en cas d’opposition frontale du parti Les Républicains et notamment de Gérard Larcher, le président du Sénat", écrit Le Monde. Au palais Bourbon, "on entend des choses, notamment concernant celui ou celle qui remplacera Collomb à l'Intérieur", sourit la députée LREM interrogée par franceinfo.
Castex, Molins, Castaner... Tous les noms qui circulent me conviennent.
Une députée LREMà franceinfo
Tout l'enjeu sera proposer des noms "qui tiennent la route", "qui ont le niveau du poste", explique Bruno Cautrès. Un parlementaire de la majorité s’inquiétait dans les colonnes du Monde du "peu de poids politique des éventuels arrivants alors que c’est l’un des principaux travers du gouvernement actuel".
On a un projet de loi de finances qui nous attend. Il faut du costaud.
Une députée LREMà franceinfo
"Le pire serait de nommer des gens qui ont au fond d'eux des ambitions municipales, à l'image de Collomb, s'agace la parlementaire LREM. On ne va quand même pas remanier tous les quatre matins." A défaut de savoir quels seront les nouveaux visages, la date butoir du remaniement est connue, à en croire la ministre de la Justice, Nicole Belloubet. Celui-ci aura lieu avant le prochain Conseil des ministres, mercredi 10 octobre.
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