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Présidentielle : cinq annonces de candidatures dont Hollande pourrait s'inspirer (ou pas)

Pour imaginer à quoi pourrait ressembler une éventuelle déclaration de candidature de la part du président sortant, franceinfo a retrouvé les annonces d'anciens chefs de l'Etat candidats à un nouveau mandat.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
  (IAN LANGSDON / POOL)

Le président fait durer le suspense. Quelle que soit sa décision, François Hollande doit se prononcer sur son avenir avant le 15 décembre et annoncer s'il souhaite briguer un second mandat ou s'il renonce. Pour imaginer à quoi pourrait ressembler son éventuelle déclaration de candidature, franceinfo a visionné à nouveau les annonces des anciens chefs de l'Etat prétendants à leur réélection, et demandé l'avis de plusieurs spécialistes en communication politique.

1965 : la stratégie de l'homme providentiel du général de Gaulle

L'année 1965 coïncide avec la première élection présidentielle au suffrage universel direct, une nouveauté voulue par le général de Gaulle lui-même et validée largement par les Français lors d'un référendum en 1962. Aux antipodes de la situation actuelle de François Hollande, le président sortant est sûr de sa réélection, et attend le 4 novembre, soit un mois avant l'échéance, pour se déclarer.

Sur la forme, l'allocution télévisée est classique. Sur le fond, le message du général aux électeurs ne leur présente que deux alternatives : le reconduire à la tête de l'Etat ou voir la République s'écrouler. "Moi ou le chaos", raille l'opposition après cette intervention qui ne propose aucune perspective concrète. Une nonchalance qu'il paiera dans les urnes en étant mis en ballottage au premier tour par François Mitterrand. Il faudra cet affront pour que le général de Gaulle se ressaisisse et fasse enfin campagne, dans l'entre-deux-tours.

1981 : la solennité de Giscard d'Estaing

Un mur neutre, sans lambris dorés. Le chef de l'Etat aux côtés de son épouse légèrement en retrait, derrière un bureau sur lequel trône un bouquet de fleurs. Le décorum de cette annonce, qui paraît aujourd'hui complètement désuet, était à l'époque l'illustration de la modernité revendiquée par Valéry Giscard d'Estaing. "La forme de l'annonce était en parfaite continuité avec le style de ce président, qui a été le premier à mettre sa famille en avant", Philippe J. Maarek, professeur de communication politique à l'Université Paris Est - UPEC, auteur de Communication et Marketing de l’Homme Politique (LexisNexis, 2014).

Dans son intervention, Valéry Giscard d'Estaing se présente comme la seule solution possible pour faire gagner son camp, alors qu'il est concurrencé par une candidature de Jacques Chirac. "Toutes les informations indiquent de manière évidente qu'aucun autre candidat ne pourrait l'emporter contre la gauche", assure-t-il, mettant en garde contre une "décadence politique et économique" en cas d'échec.

Toutes proportions gardées, François Hollande peut tirer deux inspirations de cette déclaration. La première consiste dans la nécessité pour lui d'apparaître comme le seul recours possible face à la droite. La seconde se trouve dans cette tirade de Valéry Giscard d'Estaing : "Cette campagne, je ne l'accueille pas comme une épreuve mais comme une délivrance. Mon devoir d'Etat et la réserve nécessaire à ma fonction m'ont interdit de m'exprimer en toute liberté. Enfin je vais pouvoir vous dire d'homme à homme ce que j'ai dans l'esprit et sur le cœur." Une phrase qui pourrait résonner de façon particulière aux oreilles de François Hollande, quelques semaines après la parution du livre Un président ne devrait pas dire ça, dans lequel il se confiait largement.

1988 : la dramatisation de François Mitterrand

Invité sur Antenne 2 le 22 mars, un mois seulement avec le premier tour, François Mitterrand répond par un simple et sec "oui" à la question de savoir s'il sera à nouveau candidat. Dans la suite de l'interview, le président soupçonne la droite –Jacques Chirac occupe alors le poste de Premier ministre – de vouloir la mainmise sur les institutions du pays. "Je veux que la France soit unie et elle ne le sera pas si elle est prise en main par des esprits intolérants, par des partis qui veulent tout, par des clans ou par des bandes", lâche-t-il.

"Il a dramatisé l'enjeu afin de créer une intensité, alors que sa candidature ne faisait plus de doute", analyse Arnaud Mercier, professeur à l'université Panthéon-Assas. Depuis plusieurs semaines, les appels de personnalités en faveur de "Tonton" se multipliaient. Au début de l'année, une efficace campagne de communication – la célèbre "Génération Mitterrand" – avait été lancée par Jacques Séguéla.  "Un teaser incroyablement efficace", se remémore Slate.

Difficile, pour François Hollande, de s'inspirer de la stratégie de son illustre prédécesseur en 1988. Si ce dernier avait réussi à susciter une attente dans la société, le président sortant, lui, est discrédité jusque dans son propre camp. Et les appels à mettre fin au "Hollande-bashing" ne sont pour l'heure guère efficaces.

2002 : la surprise surjouée de Jacques Chirac

A moins de trois mois de l'élection, tout le monde pressent que le président sortant, Jacques Chirac, et son Premier ministre de cohabitation, Lionel Jospin, seront candidats. Mais pendant de longs mois, les deux hommes se regardent en chiens de faïence. Pressé par certains de ses proches, Chirac choisit d'accélérer son entrée en campagne. C'est lors d'un déplacement à Avignon, le 11 février, qu'il officialise son choix, dans une mise en scène savamment orchestrée.

"Depuis quelques jours, je ne peux pas faire un pas sans qu'on me pose la question. Le président va-t-il déclarer sa candidature ?", questionne la maire de la ville, Marie-Josée Roig, devant un parterre de militants venus assister à une table ronde sur la création d'entreprises. A ses côtés, le président sortant réagit avec un rire faussement surpris, avant de répondre. "Vous m'avez posé une question directe et franche, eh bien j'y répondrai dans le même esprit : oui je suis candidat, et j'ai voulu le dire au milieu des Français", affirme-t-il, sous les applaudissements.

"Avec cette annonce que personne n’attendait, Chirac a coupé l'herbe sous le pied de Jospin en le forçant à accélérer sa propre déclaration de candidature", constate Philippe J. Maarek. La séquence, réussie, pourrait donner des idées à François Hollande, qui serait à même de privilégier la province plutôt que les dorures élyséennes ou un plateau télévisé.

2012 : le "devoir" de Nicolas Sarkozy

Personne, ou presque, ne se souvient du moment où Nicolas Sarkozy a officialisé sa candidature à la présidentielle de 2012. C'est sur le plateau du JT de TF1, le 15 février, qu'il fait son annonce. Une décision prise "par devoir", explique-t-il, en raison de "la situation de la France, de l'Europe et du monde, qui subissent depuis trois ans une succession de crises sans précédent". Il poursuit : "Ne pas solliciter la confiance des Français, ce serait comme un abandon de poste. Est-ce qu'on peut imaginer le capitaine d'un navire en pleine tempête dire 'Non, je suis fatigué, je renonce, j'arrête ?'"

"Nicolas Sarkozy n'a pas cru nécessaire de mettre particulièrement en scène cette annonce qu’il a faite lors d’un banal journal télévisé du soir", souligne Philippe J. Maarek. Sans doute parce que c'était "un secret de Polichinelle", complète Arnaud Mercier. La forme plutôt banale choisie par Nicolas Sarkozy semble peu correspondre à la quête de légitimité nécessaire à François Hollande.

2017 : la "France profonde" pour François Hollande ?

Avant de déterminer où et comment François Hollande doit se déclarer, le chef de l'Etat doit d'abord penser au contenu de son message. "L'enjeu, ce n'est pas la déclaration en elle-même, mais d'avoir une bonne raison de vouloir se présenter, juge Arnaud Mercier. Par exemple, un bilan présentable, la volonté de vendre quelque chose de crédible..."

"La modalité de l'annonce doit être en cohérence avec le message essentiel que doit faire passer le président", abonde Stéphane Rozès, président de Cap (Conseils, analyses et perspectives) et enseignant à Sciences Po et HEC. "Il ne s'agit pas de se comparer avec les précédents historiques, car il n'y a pas de recette miracle, estime l'ancien sondeur. Il faut trouver la forme de communication qui lui permette de justifier une nouvelle candidature."

Au niveau de discrédit atteint par François Hollande, "sa seule solution serait d'essayer de renouer un contact direct avec les Français, et certainement pas de participer à une primaire avec d'autres socialistes", juge Stéphane Rozès. Mais plutôt "dans une forme solennelle face à une assemblée de Français, dans un territoire de la France profonde porteur d'une signification historique, avec une charge symbolique importante".

Que fera François Hollande de tous ces conseils ? "Personne ne peut le savoir, s'exclame un spécialiste de la communication sous couvert d'anonymat. Il n'écoute même pas ses propres conseillers. Il est trop imprévisible !" 

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