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Présidentielle : quand les candidats brossent les chasseurs dans le sens du poil

Tous les cinq ans, les chasseurs tentent de faire entendre leurs revendications. François Fillon et Emmanuel Macron sont allés à leur rencontre, à Paris, mardi. Comment ont-ils été perçus ? Reportage.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
François Fillon reçu par l'assemblée générale des chasseurs, le 14 mars 2017 à Paris. Derrière lui, le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Cela fait partie des incontournables d’une campagne présidentielle : une visite devant la Fédération nationale des chasseurs qui, avec plus d’un million de membres, assure être "un excellent relais de la ruralité". Mardi 14 mars, à Paris, deux candidats seulement se sont déplacés en personne, les autres avaient envoyé leurs représentants. Et l'accueil n'est pas toujours celui auquel on pourrait s'attendre... 

"Dans cette campagne où les balles volent bas, il ne me déplaît pas d'être aux côtés de vrais chasseurs." Le propos est signé François Fillon. Il est le premier candidat à prendre la parole devant les quelque 250 représentants de la Fédération nationale des chasseurs, réunis pour auditionner les candidats à la présidentielle dans un hôtel de la capitale. La majorité des participants sont les présidents des fédérations départementales. Une assemblée presque exclusivement masculine, et avec pas mal de cheveux blancs. "Cette passion ne mérite pas d’être caricaturée. Je ne suis pas chasseur, mais je me sens parfaitement à l’aise avec vous. Vous êtes les représentants du bénévolat et de la ruralité", poursuit François Fillon, accompagné de Gérard Larcher, président du Sénat, fin connaisseur (et pratiquant) de la chasse.

Fillon défend la chasse à l'ortolan

Le candidat de la droite se lance ensuite dans un discours assez technique, reprenant point par point les doléances des chasseurs. Il s’indigne ainsi des difficultés rencontrées par les partisans de la chasse à l’ortolan, ou du tétras dans les Pyrénées, "alors que dans le même temps, la barge à queue noire s'éteint dans l’indifférence quasi-générale, me dit-on, je ne suis pas un spécialiste", reconnaît l’ancien Premier ministre. "Il a été bien briefé", souffle un chasseur dans la salle. 

Autre préoccupation des chasseurs : leur ministère de tutelle, actuellement celui de l’Environnement. François Fillon propose d’"explorer la piste d’un ministère des ressources naturelles ou territoires ruraux" – tout en rappelant son engagement de ne pas dépasser 15 ministères. Vingt minutes de discours, puis il s'en va. Le candidat ne prend pas le temps de répondre aux questions. Une partie du public se lève pour l’applaudir. A peine quelques minutes plus tard tombe l’annonce de sa mise en examen.

La prestation de l’ancien Premier ministre est plutôt appréciée… même si les affaires font une nouvelle fois irruption dans la campagne. "La chasse n’est pas un sujet fondamental pour les candidats, estime ce représentant des Landes. Fillon est bien conseillé et je trouve que cela rejoint pas mal de ses convictions." Le président de la fédération de Moselle, par ailleurs encarté chez Les Républicains, assure, lui, que "c’est un homme de la ruralité, au contraire de ses adversaires qui sont la caricature des Parisiens". "Fillon ? Il est très bien, estime un chasseur de Haute-Vienne. Le problème, c’est qu’il est mis en examen."

Deuxième candidat à se présenter devant les chasseurs, Emmanuel Macron. Avant son intervention, beaucoup sont dubitatifs quant à l’ancien ministre de l’Economie. Alain Belloy, président de la fédération d’Indre-et-Loire, s’interroge : "Emmanuel Macron, on ne connaît pas trop ses positions sur la chasse. Il a Ségolène [Royal] derrière lui, croit-il savoir, on ne peut pas dire qu’elle nous a beaucoup apporté." Plusieurs représentants semblent aussi un peu lassés par l’exercice : "Ils nous brossent dans le sens du poil quand ils viennent nous voir. Mais on n’est pas dupe."

Macron, l'homme "qui a su parler" à l'assistance

Le fondateur d’En marche ! a bien préparé son intervention. Selon les informations de franceinfo, il a rencontré la fédération à quatre reprises depuis qu'il est candidat. "C’est une surprise, on ne l’attendait pas beaucoup sur ces thématiques-là, s'étonne Thierry Coste, lobbyiste en chef de la Fédération des chasseurs. On rencontre tout le monde, mais lui a été très disponible." Comme à son habitude, Emmanuel Macron soigne son entrée, sourire aux lèvres et salutation de tous les chasseurs siégeant à la tribune. Lui aussi commence par un plaidoyer en faveur de la chasse, assurant qu’il "connaît ça de très près". "Je viens d’une terre que j’appelle encore picarde, où il y a beaucoup de chasseurs. Je ne méconnais pas la chasse : c’est une activité culturelle, environnementale, économique, c’est un mode de vie, pas seulement un loisir."

A l’opposé du discours assez technique et sur-mesure du candidat de la droite, Emmanuel Macron se lance dans un discours plus large sur la ruralité, expliquant qu’il veut être le "candidat des territoires" : "On y arrivera que si on réconcilie les métropoles, les villes de taille moyenne et la ruralité." Il assure aussi que "ceux qui opposent environnement et chasse ont un combat de retard", un bon moyen de mettre l’assistance de son côté. Le candidat d'En marche ! parle chasses présidentielles (il veut les rouvrir), viande de gibier, normes ou armes à feu. Et reconnaît sans ambage qu’il ne pourra pas satisfaire toutes les demandes des chasseurs. "Je pourrais vous dire qu’on va rouvrir la directive oiseaux [qui encadre cette chasse au niveau européen], mais je vous mentirais : on n’y arrivera pas. Plutôt que de vous raconter des craques, je préfère vous dire : celle-là ne bougera pas."

Une franchise plutôt bien reçue dans la salle, d’autant plus qu'Emmanuel Macron, lui, semble avoir tout son temps pour répondre aux questions. "C’est courageux de sa part, note le président de la fédération de Meurthe-et-Moselle, Roméo Rieder. Et il ne promet pas ce qu’il ne peut pas tenir." Interrogé sur une éventuelle alliance avec les écologistes –véritable chiffon rouge chez les chasseurs– et leur programme, Macron répond, cinglant : "Je me suis arrêté à la ligne sur le nucléaire et ça m’a suffi." Macron ne souhaite pas non plus "rouvrir le sujet" du bien-être animal, pas plus que celui des chasses traditionnelles. "Il faut laisser respirer les gens, arrêter d’emmerder les Français. Vu l’état du pays, j’ai beaucoup d’autres choses à faire." Un chasseur de la Meuse se dit "agréablement surpris". "On est tous des provinciaux ici, on ne vit pas à Paris, mais il a su nous parler. Il n’est pas doctrinaire, mais pragmatique. Ça fait du bien d’entendre ça." 

"Le rapprochement de Le Pen avec Brigitte Bardot m’a beaucoup étonné"

Vient ensuite le tour du FN. Marine Le Pen ne s’est pas déplacée, et le parti a changé trois fois de représentant. Il a finalement envoyé Paul-Henry Hansen-Catta, conseiller régional dans les Hauts-de-France. Dans un entretien au Figaro, Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs, estime que "le FN capte aujourd’hui 40% du vote chasseurs", qui est "très protestataire et anti-européen". Mais dans la salle, difficile de trouver un soutien revendiqué du parti de Marine Le Pen. Les positions en faveur des droits des animaux de plusieurs de ses lieutenants, que ce soit Florian Philippot ou Sophie Montel, ont beaucoup de mal à passer. "Le rapprochement de Marine Le Pen avec Brigitte Bardot m’a beaucoup étonné, explique Dominique Montfilliatre, agriculteur céréalier et président de la fédération de Normandie. Avant, le FN était plutôt sensible à notre cause." "Le FN a créé un collectif sur le bien-être animal. Jusqu’où ça peut aller ? s’interroge ce chasseur des Landes. A mon avis, c’est opportuniste, pour récupérer des voix".

A l’image des Français, beaucoup de chasseurs interrogés par franceinfo sont encore très hésitants sur leur vote. Il y a bien un candidat qui fait quasiment l’unanimité, mais contre lui : Benoît Hamon. Il est vilipendé pour avoir signé un accord avec l'écologiste Yannick Jadot. "Les chasseurs sont comme tout le monde, estime ce représentant du Cantal, ils peuvent voter pour tous les partis, sauf pour les Verts intégristes. Mais aujourd’hui, je ne sais pas pour qui voter." Un de ses collègues de l’Eure est encore plus fataliste : "On espérait beaucoup de Sarkozy, il a fait le Grenelle de l’environnement et le Grenelle de la chasse qui ne nous ont pas été très favorables. Pourtant, je l’avais entendu en 2006, on était plein d’espérance. Aujourd’hui, on ne se fait plus d’illusion."

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