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"C'est uniquement par patriotisme" : à Sainte-Terre, en Gironde, le maire et un habitant s'écharpent pour un drapeau

Christophe, un Sainte-Terrois, a accroché à sa fenêtre un drapeau de la France libre. Le maire du village, Guy Marty, lui a demandé de le retirer.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le drapeau de la France libre accroché par un habitant de Sainte-Terre (Gironde). (DR)

La bannière de la discorde. "De la mairie, on ne voit que ça. J'ai eu des réflexions", regrette Guy Marty, 72 ans. Maire de Sainte-Terre (Gironde) depuis vingt-huit ans, ce socialiste est parti en guerre contre l'un de ses administrés, coupable d'avoir accroché à sa fenêtre un drapeau de la France libre. "Ce n'est pas le drapeau français à ce que je sache. Si chacun commence à mettre sur sa façade le drapeau de sa couleur politique, ça devient ubuesque. (...) Pourquoi un autre voisin ne pourrait pas mettre un drapeau islamiste ou portugais ?" peste-t-il auprès de franceinfo.

Ce serait ponctuel, cela ne dérangerait pas. Mais en permanence, ça commençait à devenir dérangeant dans une commune paisible.

Guy Marty

à franceinfo

Le 7 mai, il prend ainsi la plume pour demander à cet habitant de baisser le pavillon, qualifié de "signe ostentatoire (...) gênant""C'était pour l'appeler à réfléchir et à peut-être l'enlever, qu'il devienne plus discret", précise l'édile, en soulignant que le drapeau empiète sur l'espace public.

"Aux Etats-Unis, ils n'ont pas honte"

Raté. "J'aurais pu fermer ma gueule, enlever le drapeau et me coucher mais ce n'est pas mon genre", retrace Christophe, interrogé par franceinfo. Ce cuisinier de 48 ans raconte être allé voir la gendarmerie. "Je suis resté une bonne demi-heure, ils n'ont rien trouvé qui m'interdise de mettre ce drapeau", affirme ce militant de l'UPR, le parti politique de François Asselineau.

La lettre demandant le retrait du drapeau, envoyée le 7 mai 2018 par le maire de Sainte-Terre (Gironde). (DR)

L'oriflamme reste donc à la fenêtre. Christophe lance également un groupe Facebook intitulé "Aimer la France et son drapeau est un délit ?" sur lequel les internautes sont invités à écrire au maire de Sainte-Terre. "Aux Etats-Unis, ils n'ont pas honte d'aimer leur pays. Je m'étonnais de ne pas voir plus de drapeau en France. C'est uniquement par patriotisme, parce que j'aime mon pays, expose cet arrière-petit-fils de résistant pour justifier son geste. Mais en ces temps difficiles, on est vite traité de fachos, les points Godwin arrivent à vitesse grand V".

"Pourquoi la France libre ?"

Ces "temps difficiles", c'est "cette période où le drapeau européen est un peu partout", développe ce partisan du Frexit, la sortie de la France de l'Union européenne pour "récupérer un peu de souveraineté"

Mettez dans l'article que j'invite tout le monde à mettre un drapeau à sa fenêtre. Il faut arrêter avec la diabolisation du patriotisme.

Christophe

à franceinfo

En face, le maire, qui note en passant que le drapeau européen au fronton de sa mairie a été cassé il y a quelques mois, n'a pas tout à fait la même lecture des choses : "Cela inquiète une partie de mes administrés. Pourquoi la France libre ?"  

Quelle est la connotation ? Nous ne sommes plus en guerre, les Allemands ne sont plus là.

Guy Marty

à franceinfo

"Est-ce qu'il sous-entend qu'ils ont été remplacés par d'autres occupants ? Moi je milite pour le vivre ensemble", développe Guy Marty. L'édile ajoute que la première fois qu'il a vu Christophe dans son bureau, c'était il y a six mois parce qu'un "monsieur de couleur" l'accusait d'avoir tenu des "propos un peu racistes".

Une affaire qui remonte jusqu'à la place Beauvau

L'homme au drapeau rejette tout racisme ou xénophobie, même s'il "ne voit pas le problème" du slogan "la France aux Français" que certains croient lire dans son drapeau. "Français de souche ou Français de branche, cela reste un Français, je ne vois pas le problème. Je ne serais pas à l'UPR si j'étais raciste", se défend celui qui suit sur Facebook des pages de la fachosphère comme Fdesouche, The E, celle d'un membre du parti d'Henri de Lesquen ou encore d'un journaliste proche d'Egalité et Réconciliation.

Dans cette bataille du drapeau, le maire n'a pas dit son dernier mot. "Ce matin, j'ai avisé la sous-préfecture, qui s'est tournée vers le ministère de l'Intérieur pour connaître la marche à suivre", détaille Guy Marty. L'édile se réserve également le droit de porter plainte pour les menaces reçues par e-mails et par téléphone depuis le début de l'affaire :

Les 'On vous fera la peau', je ne prends pas ça à la légère.

Guy Marty

à franceinfo

De son côté, Christophe attend les autorités de pied ferme. "Si la gendarmerie est obligée de décrocher mon drapeau, je filmerai la scène, ça ne sera pas piqué des hannetons", savoure-t-il déjà. Le maire, lui, se serait bien passé de toute cette publicité : "S'il avait mis un simple drapeau français, je ne serai même pas en train de vous parler."

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