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On vous explique ce qu'est l'"exit tax", cet impôt sur les plus-values dont Macron ne veut plus

Le président a déclaré au magazine "Forbes" qu'il comptait mettre un terme à cet impôt mis en place sous Nicolas Sarkozy en 2011 avec pour objectif de freiner l'exil fiscal, notamment pour la Belgique.

Article rédigé par franceinfo
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Le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, à Paris, le 23 avril 2018. (MANUEL COHEN / MANUEL COHEN)

Finie l'"exit tax" ? Emmanuel Macron a annoncé vouloir supprimer cet impôt, qui s'applique sur les plus-values lorsqu'un résident quitte la France, dès 2019, dans une interview au magazine américain Forbes, publiée le 1er mai. Le but de l'"exit tax" : freiner l'exil fiscal. Le chef de l'Etat estime qu'elle envoie un "message négatif" aux entrepreneurs, plusieurs représentants d'opposition dénoncent une mesure en faveur des plus riches. Franceinfo vous explique les enjeux de cette annonce.

L'"exit tax", c'est quoi ?

Cette imposition, instaurée sous la présidence de Nicolas Sarkozy et qui s'applique depuis mars 2011, a pour but de freiner l'exil fiscal, "principalement vers la Belgique", explique à franceinfo Mathieu Le Tacon, avocat fiscaliste. Car notre voisin n'impose pas les plus-values. Conséquence : "De nombreux entrepreneurs français ont pris l'habitude de quitter l'Hexagone afin de revendre leur société depuis Bruxelles", soulignait Le Figaro en 2012. 

Concrètement, l'"exit tax" vise depuis 2014 les contribuables qui ont résidé en France six ans au cours des dix dernières années et qui détiennent au moins 800 000 euros de patrimoine en actions ou en obligations ou au moins 50% du capital d'une entreprise. Il s'agit de taxer à hauteur de 34,5% la "plus-value latente" de ces contribuables. Une "plus-value latente" est la différence entre la valeur d'acquisition des titres et celle constatée à la veille de transférer son domicile fiscal. Particularité de cette taxe : si elle est bien mise en recouvrement par les services fiscaux français, le contribuable bénéficie d'un sursis, l'"exit tax" n'est prélevée qu'au moment de la vente de ses biens à l'étranger. S'il ne les vend pas, il ne sera pas assujetti à cet impôt.

Par exemple, un chef d'entreprise crée une société qui vaut 100 000 euros. Au moment de son départ en Belgique, celle-ci vaut désormais 400 000 euros. S'il vend ses actions, il sera alors taxé sur la plus-value, soit 300 000 euros. 

Pourquoi Emmanuel Macron veut-il la supprimer ?

Le président de la République considère que cet impôt envoie un "message négatif aux entrepreneurs, plus qu'aux investisseurs", car cela signifie qu'"au-delà d'un certain seuil, vous êtes pénalisé si vous quittez la France""C'est une grave erreur pour nos start-up parce que nombre d'entre elles, quand elles considéraient la France moins attractive, décidaient de lancer leurs projets en partant de zéro à l'étranger dans le but d'éviter cet impôt", ajoute Emmanuel Macron, dans une interview à Forbes (en anglais).

Le message que je veux envoyer aux investisseurs étrangers est que nous baissons l'impôt sur les sociétés, nous simplifions tout, apportons plus de flexibilité sur le marché du travail, accélérons la transformation de l'économie française.

Emmanuel Macron

à "Forbes"

Cet impôt n'est "pas particulièrement bénéfique pour les finances publiques", il est "tout petit", souligne aussi le chef de l'Etat.

Etait-elle efficace ?

En 2012, Valérie Pécresse, alors ministre du Budget, attendait un rendement annuel de 200 millions d'euros pour les caisses de l'Etat. Finalement, l'"exit tax" a été chiffré à 53 millions en 2012 et 62 millions en 2013. L'an dernier, ce chiffre était en "légère hausse", l'an dernier, avec 70 millions d'euros récoltés, notent Les Echos. Une "dimension symbolique (...) évidente", donc selon Boursier.com, mais un rendement "très faible" et "anecdotique".

Mathieu Le Tacon, avocat fiscaliste, va dans le même sens. Il souligne également le "caractère contre-productif" de ce mécanisme fiscal. "Nous constatons un effet inverse à celui recherché : les gens, notamment les jeunes entrepreneurs, partaient de plus en plus tôt parce que leurs entreprises commençaient à prendre de la valeur. Du coup, l''exit tax' devenait un non-sujet", explique-t-il à franceinfo.

Au lieu d'empêcher les gens de partir, cela les incitait à partir rapidement pour se 'mettre à l'abris'.

Mathieu Le Tacon, avocat fiscaliste

à franceinfo

Et l'avocat dénonce également un "mauvais signal" envoyé aux entrepreneurs. "Cela donne l'impression que la France est frileuse et qu'on met des barrières pour empêcher les gens de partir, comme si on n'avait pas confiance dans l'attractivité de la France", estime Mathieu Le Tacon.

Pourquoi sa suppression fait polémique ?

Selon le chef du service économie de RTL, la méthode choisie et le timing (alors que des mouvements sociaux sont en cours à la SNCF et chez Air France et au lendemain du 1er-Mai) par Emmanuel Macron risque de choquer : "Alors que l'image de 'président des riches et des élites' lui colle à la peau, expliquer dans une interview en anglais qu'il va supprimer un nouvel impôt payé par une petite poignée de riches semble totalement surréaliste et déconnecté des préoccupations des Français."

Depuis l'annonce de la suppression de l'"exit tax", les critiques pleuvent à gauche. "Même l'évasion fiscale n'est plus découragée", déplore ainsi Olivier Faure, premier secrétaire du PS.

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