La première année d'Emmanuel Macron à l'Élysée marque "le retour à une forme de présidence gaullienne" pour l'historien Jean Garrigues
L'universitaire estime que c'est une "caricature" de parler de "président des riches", car le "projet global" d'Emmanuel Macron n'est pas "simplement de rigueur et de résorption de l'endettement de la France".
Un an après l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, Jean Garrigues, historien spécialiste de l'histoire politique française, enseignant à l'université de Lyon et à Sciences-Po, a noté dimanche 6 mai sur franceinfo "le retour à une forme de de présidence gaullienne".
franceinfo : Quels seraient les premiers termes qui vous viendraient à l'esprit pour décrire la première année au pouvoir d'Emmanuel Macron ?
Jean Guarrigues : Sans être très original, on pourrait reprendre le titre du projet d'Emmanuel Macron qui s'appelait "Révolution". De manière assez symbolique, ce titre résume beaucoup de choses : il résume une véritable révolution dans la fin de la binarité traditionnelle de la vie politique, qui a éclaté avec l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Avec l'arrivée, dans la foulée, au moment des législatives, de tout un personnel nouveau à l'Assemblée, que ça soit d'ailleurs dans La République en marche, et dans les autres partis politiques. Mais le terme de "Révolution", c'est aussi un retour à une forme de de présidence gaullienne, une présidence d'autorité, de solennité, de distance, qui étaient vraiment les attributs que le Général de Gaulle avait voulu imposer à ce type de présidence sous la Vème République. Des attributs que François Mitterrand avait, lui aussi, bien intégrés. On peut dire qu'Emmanuel Macron opère en ce sens une révolution, par une sorte de renouveau de la présidence gaullienne.
Un certain nombre de signes, de mesures, font même parler aujourd'hui de "président des riches". Je crois que c'est une caricature.
Jean Garriguesà franceinfo
Effondrement, voire disparition, des grands partis traditionnels, et nouvelle offre politique, Big Bang par le centre : on a souvent résumé ainsi l'élection d'Emmanuel Macron. Est-ce qu'on distingue mieux aujourd'hui si le macronisme est de gauche ou de droite ?
On serait tenté de dire que la première année d'Emmanuel Macron penche plus à droite qu'à gauche. Un certain nombre de signes, de mesures, font même parler aujourd'hui de "président des riches". Je crois que c'est une caricature. D'abord parce qu'Emmanuel Macron s'est toujours revendiqué d'une culture de gauche, même s'il n'a jamais été un militant de gauche, et, deuxièmement, parce qu'on ne peut pas lire ce qu'est la politique d'Emmanuel Macron aujourd'hui en la séparant totalement de son projet, et son projet global n'est évidemment pas un projet simplement de rigueur et de résorption de l'endettement de la France, c'est un projet de reconstruction de l'écosystème socio-économique français. Ce n'est pas, à mon sens, simplement un projet de droite : c'est un projet de droite et de gauche qui consiste à adapter le modèle de l'État social, le modèle de l'État-providence, aux contraintes de la mondialisation.
Une grande majorité des députés la République en marche viennent de ce qu'on a appelé, peut-être abusivement, la "société civile". Quel bilan tirer de cette démarche ?
Le renouvellement sociologique est encore en marche, justement. Mais je pense qu'il faut quand même regarder les choses positives et voir qu'un nouveau personnel, avec de nouveaux réflexes, une sorte de virginité et d'enthousiasme, se dégage de ces nouveaux politiques. Pas simplement chez La République en marche mais dans toutes les familles, que ce soit chez les socialistes, chez La France insoumise, chez les Républicains. Il y a une nouvelle génération qui arrive, qui est sans doute moins polluée par les réflexes de caste qui étaient ceux des précédents. C'est essentiel d'avoir ce regard neuf, cette fraîcheur par rapport aux enjeux, l'idée que la carrière politique n'est pas une carrière mais un engagement. C'est quelque chose de nouveau et la dynamique ne s'arrêtera pas à ce quinquennat.
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