Emmanuel Macron, un "ami" de la finance ?
De la commission Jacques Attali au mouvement En marche, en passant par le gouvernement Valls, qui est vraiment Emmanuel Macron ? Et quel lien a-t-il avec le monde de la finance ? franceinfo a mené l'enquête.
De la commission Jacques Attali au mouvement En marche, en passant par le gouvernement Valls, qui est vraiment Emmanuel Macron ? Et quel lien a-t-il avec le monde de la finance ? Une enquête de Jacques Monin.
L'homme de lettres
Emmanuel Macron, lorsqu’il était en classe préparatoire au lycée Henri IV à Paris, n'était pas un féru d’économie et de finance. Voici le portrait qu'en dresse une de ses anciennes camarades de classe, Christine Monin : "C'était quelqu'un qu'on remarquait pour son amour sincère et réel de la langue, de la poésie, de la culture. Il avait cette tignasse blonde, un peu échevelé, ses yeux clairs, habillé souvent en noir. On avait étudié Ruy Blas de Victor Hugo. Il était volontaire pour le lire à voix haute. Il avait cette voix chaude… Je le voyais un peu en auteur dramatique, en poète maudit."
On l'imaginait plus en futur ministre de la Culture. Il ne brillait pas particulièrement en économie.
L'homme d'affaires
C'est en 2007, à la commission Jacques Attali pour la libération de la croissance, que tout commence vraiment. Emmanuel Macron en est alors le rapporteur général adjoint. Il en profite pour se constituer un solide carnet d’adresses. Par la suite, il utilisera ce réseau à la banque Rothschild. Yves de Kerdrel, un ex-membre de la commission, l'avait observé : "On voyait bien le futur banquier d'affaires qui avait compris qu'il y avait des personnalités, le président de Nestlé Monde, Peter Brabeck, Xavier Fontanet, président d'Essilor, Claude Bébéar, l'ancien président d'AXA, Philippe Tillous Borde, le président de Sofiprotéol. Il était comme un poisson dans l'eau. Il cherchait vraiment à se rapprocher des membres de la commission Attali. Il allait bien plus loin que son simple rôle officiel qui était celui d'être un rapporteur général adjoint."
Un "savoir-faire" qu'il mettra ensuite à profit chez Rothschild, explique Jean-Baptiste de Froment, un autre ancien camarade de promotion d’Emmanuel Macron : "Pour être un grand banquier à Rothschild, pas besoin de faire des tableurs Excel toute la journée et de maîtriser toutes les techniques financières. Il a bien compris que ça ne servait à rien d'être trop technique, et qu'il fallait plutôt se concentrer sur l'aspect rhétorique, communicationnel, inspirer confiance, séduire… Il est totalement caméléon là-dessus. Il peut changer de couleur, d'aspect, de discours en fonction de l'interlocuteur, c'est sa grande force." Cette force lui permet de ramener un gros client chez Rothschild : le PDG de Nestlé (ancien membre de la Commission Attali), qui rachète une filiale du laboratoire Pfizer. Une transaction à 9 milliards d’euros.
Il peut changer de couleur, d'aspect, de discours en fonction de l'interlocuteur, c'est sa grande force
L'homme politique
Coupe-t-il pour autant les ponts avec le milieu de la finance lorsqu’il se lance en politique ? Pas vraiment. C'est Christian Dargnat, un ex-directeur général de la BNP, qui devient le financier du mouvement En Marche, la machine politique au service d'Emmanuel Macron. Il vient d’être rejoint par Bernard Mourad, un ancien bras droit de Patrick Drahi qui fait carrière chez Morgan Stanley. Mais pour Mathieu Laine, un conseiller en stratégie proche de l’ancien ministre, il ne faut pas en tirer de conclusion hâtive : "C'est pas parce qu'il y a un garçon qui fait un peu de levée de fonds, qui vient du monde de la banque, qu'on peut caricaturer les choses. Il a été suffisamment dans le système pour voir ce qui marchait et ce qui ne marchait pas."
Emmanuel Macron se prénomme Éric Souleiman...
Un exemple précis montre l’ambiguïté d'Emmanuel Macron vis à vis des milieux bancaires. Juste après son départ de chez Rothschild, il a en effet plaidé pour séparer les banques de détails des banques qui spéculent afin de protéger l’argent des déposants. Il l’a écrit en 2012, dans un ouvrage collectif qui était supervisé par l’historien Patrick Weill. Mais Marc Endeweled, auteur du livre L'ambigu Monsieur Macron (Flammarion), nous raconte que cela a été fait très discrètement : "Sous pseudo, Emmanuel Macron se prénomme Éric Souleiman. Un de ses articles fait la promotion de la séparation stricte des banques. C'est assez étonnant parce que là, il se positionne plutôt à la gauche du PS, et une fois à l'Élysée, il laissera faire "la courroie de transmission" des banques, c'est à dire Bercy."
D'un côté, Emmanuel Macron dénonce donc discrètement les excès de la financiarisation, mais de l'autre, il ne dit pas qu’il veut la réformer. Attendons donc qu'il passe du stade du diagnostic, à celui des propositions, pour voir s'il sort de l’ambiguïté à ce sujet...
Une enquête de Jacques Monin, diffusée le samedi 22 octobre 2016 à 13h20 dans Secrets d’Info sur France Inter.
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