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Emmanuel Macron à Marseille : la FSU des Bouches-du-Rhône "entre la déception et la colère", après ses annonces sur les écoles

Caroline Chevet, secrétaire départementale de la FSU 13 est déçue car  les "moyens chiffrés ne sont pas venuset en colère "à cause des insinuations" du chef de l'Etat "qui semble penser que les enseignants, dans les quartiers les plus difficiles, ne viendraient plus en classe" 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Emmanuel Macron en visite dans une école à Marseille le 2 septembre 2021. (DANIEL COLE / POOL)

Le discours d'Emmanuel Macron jeudi 2 septembre à Marseille sur sa volonté d'inventer "l'école du futur" dans cette ville, a provoqué de "la déception et de la colère" chez les enseignants, selon Caroline Chevet, secrétaire départementale de la FSU 13. "On aurait aimé avoir des annonces chiffrées pour la rénovation des écoles, ainsi qu'un calendrier précis", regrette-t-elle sur jeudi franceinfo. 

Le chef de l'Etat a également annoncé la mise en place d'une expérimentation pour permettre aux directeurs d'école de choisir directement leur équipe pédagogique, "une réponse complètement à côté de la plaque" selon Caroline Chevet. 

franceinfo : Quelle est votre réaction au discours d'Emmanuel Macron sur la situation des écoles à Marseille ?

Caroline Chevet : Nous sommes entre la déception et la colère. Déception car on attendait des moyens substantiels pour la rénovation des écoles, des moyens chiffrés qui ne sont pas venus. Et très en colère à cause des insinuations du président de la République qui semble penser que les enseignants dans les écoles des quartiers les plus difficiles de Marseille sont responsables des difficultés, puisque, selon lui, ils ne viendraient pas en classe. On aimerait bien savoir sur quels chiffres il s'appuie. Ce sont ces mêmes enseignants qui pendant le confinement ont organisé l'aide alimentaire pour les familles de leurs élèves. Ils se démènent au quotidien. C'est insultant d'oser insinuer qu'ils seraient particulièrement absents.

Qu'avez-vous pensé de cette idée de proposer aux directeurs d'école de choisir leurs équipes pédagogiques ?

C'est une réponse qui est complètement à côté de la plaque. C'est idéologique, cela ne répond pas du tout aux besoins. Les enseignants d'école ont une culture d'échange et de travail entre pairs. Les directeurs aujourd'hui n'ont pas d'autorité hiérarchique sur leurs collègues, et les enseignants sont très attachés à cet aspect qui permet la cohésion des équipes.

Donner aux directeurs d'école de l'autorité sur leurs collègues ne résoudra certainement pas le fait que les murs des classes s'écroulent dans certaines écoles de Marseille, qu'il y a des problèmes d'étanchéité, voire parfois des choses bien plus graves.

Caroline Chevet

franceinfo

Cette annonce correspond à une volonté politique au ministère de l'Éducation Nationale, mais qui n'est pas du tout une réponse adéquate. Demander aux directeurs d'école de recruter leurs enseignants, c'est complètement en décalage avec leurs missions, les moyens et le temps dont ils disposent. Ce n'est pas une réponse.

Nous sommes choqués que le président de la République utilise la situation dramatique des écoles de Marseille pour annoncer un laboratoire, une expérimentation, alors que justement, là où les choses sont le plus difficile, il vaut mieux faire fonctionner ce qui marche bien plutôt que jouer aux apprentis sorciers

Caroline Chevet

franceinfo

Les élèves des écoles de Marseille ont le droit au même cadre éducatif que l'ensemble des élèves sur le territoire, et c'est ça la République. Les écoles de la République ne sont pas des mini-entreprises dans lesquelles on mettrait les enseignants en compétition les uns par rapport aux autres pour obtenir un poste. Ce n'est pas comme cela fonctionne l'école. Pour aider les élèves à réussir, il faut de la formation pour les enseignants, il faut pouvoir réduire le nombre d'élèves par classe, avoir des enseignants supplémentaires pour répondre à la difficulté. Et non pas simplement importer des modèles qui n'ont aucun rapport avec la culture du service public. Cette expérimentation on la refusera et on la combattra.

Le président a-t-il eu raison d'évoquer une certaine lassitude des enseignants et professeurs dans les quartiers difficiles ?

C'est un métier difficile, qui mal reconnu et mal rémunéré. Toutes les études tendent à le prouver, les enseignants français sont mal payés par rapport à leurs homologues des pays semblables de l'OCDE. Donc face à cette situation, doublée par la crise sanitaire que nous connaissons depuis un an, bien sûr que les enseignants, comme d'autres fonctionnaires du service public, comme les soignants dans les hôpitaux, sont épuisés, lassés par moment. Mais l'immense majorité d'entre eux se débattent et déploient une énergie incroyable au quotidien pour inventer les moyens de faire réussir des élèves dans des conditions inimaginables.

Accueillir des élèves dans une classe qui prend l'eau, c'est quelque chose qui est très lourd pour la motivation et qui les empêche de travailler. Il y a une volonté politique aujourd'hui de rénover les écoles de Marseille, c'est fondamental et on l'accueille favorablement, on le demande depuis très longtemps

Caroline Chevet

franceinfo

Mais il faut arrêter de confondre et de faire semblant que les problèmes sont là où ils ne sont pas. Le problème des écoles de Marseille aujourd'hui ce n'est pas le problème d'enseignants démotivés.

Qu'attendiez-vous de la part du chef de l'Etat ?

On aurait aimé avoir des annonces chiffrées pour la rénovation des écoles, ainsi qu'un calendrier précis, une programmation, une méthode. On sait à Marseille qu'il est de bon ton de venir annoncer des milliards qui n'arrivent pas toujours, ou qui n'arrivent pas là où il le faudrait. On n'est pas pour que se déversent les milliards sans contrôles.

On aurait aimé avoir l'engagement ferme que toutes les écoles qui le méritent soient rénovées. Mais aussi que l'Etat aide au financement de nouvelles écoles.

Caroline Chevet

franceinfo

A Marseille, selon nous, il manque une dizaine d'écoles, notamment dans les quartiers populaires, pour en finir avec les enfants qui prennent un bus puis un métro puis un autre bus pour rejoindre leur école parce que les équipements scolaires ne sont pas en nombres suffisants.

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