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Menu sans viande dans les cantines scolaires : la polémique en cinq actes

Pour aller plus vite et pour se conformer au "nouveau protocole sanitaire" contre le Covid-19, la municipalité écologiste propose aux écoliers un menu sans viande. La droite et le gouvernement estiment qu'il s'agit d'une décision "idéologique"... avant que la majorité ne se déchire sur le sujet.

Article rédigé par franceinfo
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Des employées de la ville servent les repas aux enfants dans une ecole primaire de Valence, le 1er septembre 2020. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS)

En ces temps de carême, pas de viande au menu, mais des œufs et du poisson. Dirigée, depuis les municipales de juin 2020, par l'écologiste Grégory Doucet, la ville de Lyon a annoncé qu'elle allait imposer un "menu unique sans viande" dans les cantines scolaires à partir du lundi 22 février. Il s'agit, explique-t-elle, d'"accélérer le service" pour mieux se plier aux exigences du nouveau protocole sanitaire contre le Covid-19. De quoi susciter un tollé à droite et au sein du gouvernement, qui dénoncent une mesure "idéologique"... avant que la majorité ne se divise elle-même. Retour en cinq actes sur cette passe d'armes.

1La mairie supprime la viande des menus

Dans un courriel daté du 15 février adressé aux élus d'arrondissement et faisant le point sur les mesures sanitaires dans les écoles, l'adjointe chargée de l'Education Stéphanie Léger annonce la mise en place d'un "menu unique sans viande pour pouvoir servir plus rapidement les élèves et fluidifier les repas". Ce menu sera servi à compter du lundi 22 février et au moins jusqu'aux vacances de Pâques.

"Le nouveau protocole sanitaire impose une distanciation de deux mètres dans la restauration scolaire. Le menu unique va nous permettre d'accélérer le service et ainsi nous permettre d'accueillir tous les enfants."

Stéphanie Léger

à l'AFP

L'adjointe souligne aussi que "ce n'est pas un menu végétarien" puisque du poisson ou des œufs continueront d'être servis dans les 206 écoles de la ville. "Pour correspondre au goût du plus grand nombre, on a décidé d'enlever la viande", précise l'élue interrogée par l'AFP. 

Durant la campagne des municipales, le nouveau maire Grégory Doucet avait pris l'engagement de proposer un menu végétarien au choix tous les jours de la semaine dans les écoles. La mesure pourrait être mise en place "courant 2022", selon Stéphanie Léger. Les rapports du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ) ont montré le poids de la consommation de viande dans l'empreinte carbone et donc dans le réchauffement climatique. 

2La droite dénonce un choix "sectaire"

La droite lyonnaise saisit la balle au bond pour dénoncer un choix "idéologique". "Cette manière d'asséner un choix, sans aucune alternative possible, est proprement inadmissible", s'indigne Etienne Blanc dans un communiqué. Le président du groupe Droite, centre et indépendants, candidat malheureux à la mairie l'an dernier, dénonce sur Twitter "un passage en force choquant et sectaire en période de crise économique, alors que des familles ont besoin d’aide alimentaire".

Elue Les Républicains dans le 3e arrondissement de Lyon, Béatrice de Montille estime que "dans la ville de la gastronomie, la majorité écologiste profite de la crise sanitaire pour faire passer des mesures idéologiques sans aucune concertation".

Président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau franchit un pas supplémentaire et parle de "tentation totalitaire d'un courant de pensée qui veut imposer ses options à tous par la contrainte".

 

3Le gouvernement saisit le préfet

Samedi 20 février, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin reprend la polémique en dénonçant sur Twitter une "idéologie scandaleuse". "En plus de l'insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français, on voit bien que la politique moraliste et élitiste des 'Verts' exclut les classes populaires. De nombreux enfants n'ont souvent que la cantine pour manger de la viande", écrit-il sur Twitter.

Le lendemain, dimanche 21 février, le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, annonce qu'il saisit le préfet du Rhône à propos des menus sans viande dans les cantines scolaires lyonnaises. "Arrêtons de mettre de l'idéologie dans l'assiette de nos enfants !" s'exclame-t-il sur Twitter. Et d'ajouter : "Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie. J'ai saisi le préfet du Rhône."

Son collègue des Comptes publics, Olivier Dussopt, fustige également un choix "anti-social et doctrinaire". "Je suis toujours pour qu'on laisse le choix aux élèves. Il ne faut pas que ce soit une décision idéologique", déclare enfin le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, interrogé dimanche 21 février dans "Le Grand Jury" sur RTL, Le Figaro et LCI.

4 Le maire de Lyon répond aux critiques

Dimanche 21 février, Grégory Doucet répond sur Twitter au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Il fait valoir que ce menu sans viande a été mis en place pour des "raisons sanitaires". Il souligne aussi que le gouvernement n'avait pas reproché à Gérard Collomb, proche d'Emmanuel Macron et alors maire de Lyon, d'avoir pris les mêmes mesures lors de la première vague. "Alors que nous garantissons un repas équilibré à tous nos écoliers, des milliers d'étudiants attendent vos mesures. N'hésitez pas à prêter un regard pour eux", remarque-t-il enfin, en publiant des images d'une longue file d'étudiants attendant pour une distribution de vivres.

5La majorité se divise

Lundi 22 février, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, prend le contre-pied de son collègue Gérald Darmanin. "Je regrette beaucoup que sur ce sujet, on retombe dans un débat préhistorique", déclare-t-elle en marge d'un déplacement en Charente-Maritime dans une cantine scolaire. Elle déplore "des clichés éculés, du type 'l'alimentation végétarienne serait une alimentation déséquilibrée', alors qu'on sait que la viande peut être remplacée par du poisson, des oeufs, des légumineuses qui apportent toutes les protéines nécessaires".

Ce qui suscite la réplique du député et porte-parole de La République en marche Jean-Baptiste Moreau. Cet agriculteur de profession de la Creuse affirme que des "nutriments essentiels pour les enfants" sont présents dans la viande. Et il critique les propos de la ministre.

Le vice-président de l'Assemblée nationale, Hugues Renson, également député de La République en marche, intervient alors pour s'opposer à son collègue. "La viande française vaut mieux que les polémiques stériles d’un porte-parole d'En marche qui semblait moins véhément avec Gérard Collomb lorsque ce dernier avait pris la même mesure... Le dogmatisme, c’est considérer qu’une femme est déloyale lorsqu’elle défend ses convictions", tance-t-il sur Twitter.

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