Denis Baupin mis en cause pour harcèlement sexuel : ce que l'on sait des accusations
Mediapart et France Inter révèlent les témoignages de plusieurs élues écologistes, qui accusent le vice-président de l'Assemblée nationale de harcèlement sexuel. Aucune plainte n'a cependant été déposée.
Le vice-président de l'Assemblée nationale dans la tourmente. Après des semaines d'enquête, Mediapart et France Inter révèlent, lundi 9 mai, plusieurs témoignages d'élues écologistes, qui mettent en cause publiquement le député Denis Baupin pour harcèlement et agressions sexuels. Par ailleurs, Denis Baupin est, depuis 2015, le mari d'Emmanuelle Cosse, la ministre du Logement. Francetv info vous résume ce que l'on sait de ces accusations.
De quoi est-il accusé, et par qui ?
Quatre élues EELV ou ex-EELV – Sandrine Rousseau, Isabelle Attard, Annie Lahmer et Elen Debost – livrent leur témoignage à visage découvert. Lors d'une réunion du parti écologiste en 2011, Sandrine Rousseau, aujourd'hui porte-parole d'EELV, quitte la tribune pour aller aux toilettes. Elle rapporte la suite à Mediapart : "Dans le couloir qui longe la salle, Denis Baupin est venu. Il m’a plaquée contre le mur en me tenant par la poitrine, et a cherché à m’embrasser. Je l’ai repoussé violemment."
Députée du Calvados, Isabelle Attard, qui a quitté EELV en décembre 2013 pour désaccords politiques, abonde. Elle affirme avoir reçu des dizaines de SMS de Denis Baupin de juin 2012 à décembre 2013 : "C’était du harcèlement quasi quotidien de SMS provocateurs, salaces. C’était par exemple : 'J’aime bien quand tu croises tes jambes comme ça.' C’était même crûment, dans des réunions ou des déjeuners de travail, le fait de me proposer d’être mon amant. Au début, c’est dit sur le ton de la rigolade. Et puis, cela devient vite très lassant, pénible…"
Elue EELV au Mans, Elen Debost affirme avoir dû faire face à "plusieurs mois de SMS d’incitation sexuelle de M. Baupin". "Au total, j’ai reçu une centaine de messages. Du type : 'Je suis dans un train et j’aimerais te sodomiser en cuissardes”. Ou encore : 'J’ai envie de voir ton cul'."
Conseillère régionale en Ile-de-France, Annie Lahmer déclare, elle, que Denis Baupin lui envoyait des SMS "même la nuit". Se trouvant un soir seule dans un bureau au siège du parti, elle affirme que Denis Baupin s'est mis à lui "courir après autour du bureau". Elle part immédiatement. Le lendemain, il la menace : "Toi, tu n’auras jamais de poste au sein du parti !"
Quatre autres femmes, qui ont préféré garder l'anonymat, livrent également des témoignages à charge. Selon "des sources concordantes au sein du groupe écologiste" à l'Assemblée, Denis Baupin aurait également "pincé les fesses" d'une collaboratrice dans un ascenseur du Palais Bourbon.
De quand datent les faits ?
Les faits rapportés par France Inter et Mediapart s'étalent de 1998 à 2014. Porte-parole des Verts de 1998 à 2002, Denis Baupin a été élu maire-adjoint à Paris en 2001, puis député de Paris et vice-président de l'Assemblée nationale à partir de 2012.
Pourquoi les victimes parlent-elles maintenant ?
Ce qui a servi de catalyseur ? Selon France Inter, c'est avant tout une photo, publiée le 8 mars à l'occasion de la Journée des droits des femmes, et montrant Denis Baupin ainsi que plusieurs autres députés avec du rouge à lèvres, "engagés contre les violences faites aux femmes".
#mettezdurouge contre les violences faites aux femmes. Des députés s'engagent #8mars https://t.co/nN6PtOl22P pic.twitter.com/XGoVOKnzaY
— Denis_Baupin (@Denis_Baupin) 8 mars 2016
Que risque pénalement Denis Baupin ?
L'agression sexuelle est un délit, dont la peine encourue est de cinq ans de prison et de 75 000 euros d'amende. Mais la victime doit déposer plainte, et dans un délai maximum de trois ans. Selon Mediapart et France Inter, aucune des élues accusant Denis Baupin n'a porté plainte. Or, si certains faits sont prescrits, d'autres, les plus récents, ne le seraient pas.
L'une des élues écologistes, Annie Lahmer, explique à Mediapart ne pas avoir porté plainte de crainte de perdre son travail, "voire d’être sur la 'blacklist' des collaboratrices qui dénoncent du harcèlement sexuel et dont on dit qu’elles ne retrouvent plus jamais de poste en politique". "A l’époque, j’étais vulnérable, poursuit-elle. J’avais besoin de mon boulot, j’étais maman seule avec mes deux petites filles, ma vie était compliquée…"
Comment réagit-il ?
Denis Baupin, qui a quitté EELV mi-avril, a refusé de répondre à Mediapart et France Inter. Il les a systématiquement renvoyés vers ses avocats, lesquels ont menacé les deux médias si l'enquête était publiée.
Mais, à la suite de la tempête politique suscitée par ces révélations, il a présenté lundi sa démission du poste de vice-président de l'Assemblée, réclamée par le président PS Claude Bartolone. De nombreuses voix lui avaient demandé de quitter ses fonctions, à commencer par le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts, David Cormand. Toutefois, Denis Baupin "conteste" tout harcèlement sexuel et "envisage" de porter plainte pour diffamation, selon son avocat.
Comment réagissent les autres élus écologistes ?
Dans les rangs d'Europe Ecologie-Les Verts, la gêne domine. Pourquoi la secrétaire nationale des Verts, puis d'EELV, Cécile Duflot, n'a-t-elle pas agi, malgré les signalements ? "Rien n'était avéré. Les langues ne se délient pas facilement sur ces sujets. Il y avait une zone de flou sur ces comportements, justifie auprès de Mediapart celle qui est redevenue députée après avoir quitté le gouvernement en 2014. Il y avait aussi des liens amicaux profonds avec ses proches qui compliquaient énormément la situation. Quand on en parlait, certains disaient d’ailleurs qu’il ne fallait pas l’accabler parce qu’il avait pris conscience de ses actes et se soignait. Mais comment imaginer la vérité ?"
Sur BFMTV, le député écologiste Noël Mamère a fait part de son "malaise", de son "accablement" et de sa "honte". "Je suis plutôt fier que les femmes, qui sont toutes membres d'EELV, se soient enfin décidées à parler", a-t-il ajouté.
De son côté, le conseiller de Paris EELV Yves Contassot a déclaré sur RMC "être au courant [que Denis Baupin] avait un comportement assez lourdingue". Et ajouté que l'ex-secrétaire nationale du parti Emmanuelle Cosse avait "stoppé le débat".
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