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Pourquoi la gauche de la gauche risque d'être déçue en misant sur Taubira

Les appels à l'organisation d'une primaire ont redoublé dans les rangs de la gauche du PS au lendemain de démission de l'ex-garde des Sceaux du gouvernement. 

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Chritiane Taubira, le 27 janvier 2016, lors de son départ du ministère de la Justice, place Vendôme à Paris.  (DOMINIQUE FAGET / AFP)

Elle rêve d'être "entourée de [ses] livres en Guyane sous un dôme de lumière". Pourtant, difficile d'imaginer Christiane Taubira cloîtrée dans le silence avant la présidentielle de 2017. Si l'ancienne garde des Sceaux a déjà prévenu, dans une interview accordée à Canal+, être "absolument sûre" de ne pas participer à une primaire de la gauche, elle incarne désormais aux yeux des déçus de François Hollande une alternative, capable d'incarner la gauche de la gauche.

"Nous avons besoin de son implication forte pour le redressement politique et moral de la gauche", a ainsi estimé le frondeur Pascal Cherki. "Une candidate pour notre primaire ? ", s'est également interrogé sur Twitter l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot, co-initiateur du mouvement pour lancer une primaire. Mais est-elle la meilleure option ? Francetv info vous explique pourquoi la gauche de la gauche risque d'être déçue en misant sur Christiane Taubira.

Parce qu'elle n'affrontera pas François Hollande

Etre candidate en 2017, que ce soit dans le cadre d'une primaire, ou directement dès le premier tour, cela signifierait s'opposer à François Hollande. Une perspective peu crédible pour sa biographe Caroline Vigoureux, auteur du Mystère Taubira (éd. Plon). "Elle est très loyale. Je le vois mal affronter un président qui lui a fait confiance pendant près de quatre ans, analyse-t-elle. Au moment de quitter le gouvernement, elle n'est pas partie fâchée ou en mauvais terme comme l'ont été Aurélie Filipetti, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon." 

Un sentiment partagé par le frondeur Arnaud Leroy. "Si le carburant du rassemblement pour 2017 c'est le 'tout sauf Hollande', Christiane Taubira ne se prêtera pas à ça", estime-t-il. Le député PS des Français de l'étranger note également que si l'ex-ministre de la Justice avait voulu donner un premier coup de griffe à François Hollande, elle ne s'en serait pas privée lors de ses discours de départ de la Chancellerie.

Bien loin de couper les ponts, elle pourrait même aider le président de la République à renouer avec cette frange déçue de sa majorité. "Un ancien ministre me confiait qu'elle pourrait faire le lien entre le président de la République et cette partie de la gauche avec laquelle il s'est coupé au fur et à mesure du quinquennat, révèle Caroline Vigoureux. Elle pourrait permettre de ressouder la gauche dans la perspective de 2017." Cette théorie-là ne convainc pas Arnaud Leroy, qui estime que le fossé qui s'est creusé entre l'exécutif et elle est désormais trop profond. 

Parce qu'elle ne sait pas fédérer 

C'est l'autre écueil d'une candidature pour 2017. Christiane Taubira a le plus souvent mené seule sa carrière politique, loin des appareils partisans, rappelle le Huffington PostSon parti en Guyane – Walwari – ne pèse pas grand chose, et même si elle a représenté le Parti radical de gauche à la présidentielle de 2002, elle l'a quitté immédiatement après. "C'est une soliste imprévisible et pas une leader. Je la vois mal prendre la tête des frondeurs ou d'un autre mouvement à gauche", estime Caroline Vigoureux.

Et Arnaud Leroy de rajouter qu'elle est loin de véritablement incarner l'aile gauche du Parti socialiste : "C'est toujours étonnant, dit-il, de voir que toutes les personnes qui sortent du gouvernement deviennent les icônes de la gauche de la gauche. Christiane Taubira était au Parti radical de gauche, pas chez Jean-Luc Mélenchon. Il ne faut pas croire que demain elle va épouser les thèses de Marie-Noëlle Lienemann", l'une des figures de l'aile gauche du PS.

Le frondeur Philippe Baumel ne voit pas non plus Christiane Taubira rassembler la gauche. "Elle est issue du parti radical, qui n'est pas sur les premières marches du podium en terme d'audience dans l'opinion publique. Et c'est toute son ambiguïté. D'être à la fois dans ce parti-là, et d'incarner un positionnement à la gauche des socialistes", expose-t-il.

Au-delà du parti, sa personnalité trop clivante, révélée lors des débats houleux pour faire passer la loi sur le mariage pour tous, semble d'ores et déjà la mettre hors-jeu, puisque selon un sondage OpinionWay pour Le Figaro, réalisé au lendemain de sa démission, 82% des personnes interrogées estiment qu'elle ne ferait pas une bonne candidate en 2017.

Parce qu'elle garde un mauvais souvenir de 2002

Avant de prendre une décision aussi importante que de se lancer dans la course à la présidentielle, elle aura forcément en tête son expérience de 2002. En recueillant 2,32% des suffrages, certains socialistes l'avaient désignée responsable de la défaite de Lionel Jospin dès le premier tour et l'avaient accusée d'avoir aidé Jean-Marie Le Pen à atteindre le second. "C'est quelque chose qu'elle a assez mal vécu, confirme sa biographe. Si elle se présente sans passer par une primaire, ce serait contre François Hollande et donc prendre à nouveau le risque de ne pas avoir de candidat socialiste au second tour. C'est difficilement envisageable." 

Pour une partie de la gauche, elle incarne encore et toujours ce cauchemar, désormais analysé plus froidement par Philippe Baumel : "Son score en 2002 lui avait permis de gagner en notoriété, mais pas en terme d'électorat. Je ne vois donc pas Christiane Taubira provoquer une nouvelle cassure de la gauche qui conduirait forcément à un échec."

Aujourd'hui, plutôt qu'une candidate, les frondeurs attendent une force de proposition. Julia Cagé, économiste, instigatrice et signataire d'un appel à l'organisation d'une primaire à gauche compte sur elle. "Elle sera la bienvenue et on va la contacter pour l'inviter à participer à nos débats, promet-elle. Maintenant qu'elle a retrouvé sa liberté de parole." Philippe Baumel espère d'elle un bilan du quinquennat de François Hollande et "qu'elle aura des choses à nous dire, des idées à porter et ainsi montrer que l'on n'est pas que dans le renoncement". 

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