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Avis de tempête à l’UMP après les révélations du Monde

L'ancien Premier ministre François Fillon a porté plainte samedi pour diffamation après les révélations des deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. François Fillon et le secrétaire général de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet, visés dans cette affaire, démentent les propos qui leurs sont prêtés, mais cet épisode a réveillé la guerre à l'UMP.
Article rédigé par Rémi Brancato
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Nicolas Sarkozy, ici avec François Fillon, lors d'une réunion publique en avril 2012. Après les révélations du Monde cette semaine, la rivalité entre les deux hommes revient au devant de la scène © Maxppp)

Malgré les démentis, Fabrice Lhomme, l'un des deux auteurs de cette enquête, maintient. Oui, François Fillon a bien demandé au secrétaire général de l'Elysée d'intervenir auprès de la justice pour nuire à Nicolas Sarkozy. Le journaliste du Monde l'a réaffirmé samedi sur France info. "Il y a bien eu cette discussion entre Fillon et Jouyet et oui, Fillon a bien dit à Jouyet qu’il fallait intervenir pour empêcher Sarkozy de revenir et, effectivement ,Jean-Pierre Jouyet a rendu compte ensuite à François Hollande qui lui a répondu que l’Elysée n’interviendrait pas ", a-t-il réaffirmé. "Il me parait évident que cette affaire peut avoir des conséquences néfastes pour François Fillon, parce qu’elle vient évidemment renforcer les soupçons des sarkozystes, qui depuis longtemps sont persuadés que François Fillon œuvre en sous-main contre leur chef ", poursuit le journaliste.

François Fillon, démission ?

Et les sarkosystes en sont désormais encore plus persuadés. Sébastien Huygues, député UMP du Nord juge très graves les informations du Monde si elles se vérifient. "On est véritablement dans le degré zéro de la politique et dans ce qu’à la fois nos militants, mais au-delà aussi nos concitoyens, détestent ", estime ce proche de Nicolas Sarkozy. François Fillon est donc fragilisé dans son parti, dont il est pourtant  l'un des trois co-présidents par intérim. Et à trois semaines de l’élection du futur patron, la sarkozyste Valérie Debord demande même sa démission. "Si ce que dit Le Monde est vrai, François Fillon ne peut évidemment pas rester à la tête de la direction provisoire du parti. Tout simplement parce que l’objectif de ce triumvirat, c’est d’organiser l’élection à la tête de notre parti politique. Or, s’il est vrai qu’il a tout fait pour empêcher Nicolas Sarkozy de se présenter, on voit bien qu’il y a là une incapacité d’avoir un scrutin juste et sincère ," réagit l’ancienne députée, qui estime nécessaire de passer à "une phase d’explications " vis-à-vis des adhérents de l’UMP.

 

François Fillon victime de "boules puantes" ?

Du côté de François Fillon, on évoque une manipulation. Et c'est un très proche de l'ancien Premier ministre qui est venu le dire à la presse samedi après-midi. Le député Jérome Chartier n'entend pas se laisser intimider par les demandes de démission : "Ça serait bien incroyable que François Fillon puisse songer à démissionner alors même qu’il a démenti avoir tenu des propos qui selon tous les participants à ce déjeuner n’ont jamais eu lieu. J’ai le sentiment que François Fillon gêne depuis plusieurs mois, qu’il est victime de boules puantes à répétition. Je ne sais a d’où elles viennent mais elles ont toujours un destinataire ". Jérome Chartier confirme aussi le dépôt d'une plainte pour diffamation contre les journalistes du Monde par François Fillon. Il demande aussi la publication de leur enregistrement présumé d'entretien avec Jean-Pierre Jouyet. Contacté samedi soir, Fabrice Lhomme nous a dit refuser de céder aux injonctions des hommes politiques et il maintient les propos prêtés au secrétaire général de l'Elysée. François Fillon aurait donc suggéré à l'Elysée de taper sur Nicolas Sarkozy.

 

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Une "rivalité extrême" au sein de l'UMP

Pour Stéphane Rozès, directeur de la société CAP conseil analyse et perspective, ce n’est qu’un épisode de plus dans la rivalité des deux hommes. "Les relations n’étaient déjà pas d’une chaleur extrême. Il arrivait que le Premier ministre et le président de la République n’échangent pas pendant de longs temps. La réalité c’est que tout le pouvoir avait été transféré à l’Elysée et on sait que Nicolas Sarkozy parlait de François Fillon comme d’un collaborateur. Culturellement, psychologiquement, et même politiquement  ils ne sont pas sur la même ligne et donc ce sont des relations à minima, glaciales et cet épisode est un épisode qui montre la rivalité extrême à l’intérieur de l’UMP ", analyse le politologue.

 

C’est donc l'image de François Fillon qui s'en trouve ternie, mais Nicolas Sarkozy aura du mal à passer pour une victime, poursuit Stéphane Rozès : "Si véritablement les faits étaient avérés, ça veut donc dire que Nicolas Sarkozy semble tétaniser les autres leaders de droite. Le fait que Nicolas Sarkozy arrive même à inquiéter à ce point ses adversaires, alors qu’il pourrait y avoir un débat apaisé, ne serait pas non plus une bonne chose pour lui. En fait, celui qui en tirerait profit, ce serait Alain Juppé ".

Le PS silencieux...

 

A gauche, on ne semble pas non plus vouloir tirer profit de cette nouvelle guerre au sein de l'UMP. Les téléphones des responsables socialistes sollicités samedi sont restés sur répondeur. Du côté de l'Elysée, on refuse même de commenter les propos prêtés à Jean-Pierre Jouyet, même si beaucoup de responsables politiques somment le secrétaire général de l'Elysée de s'expliquer.

Et tandis que l'Elysée se mure dans le silence, la présidente du Front national jette l'opprobre sur l'"UMPS". "Cette affaire est symbolique. Elle se symbolise dans la personne de M. Jouyet, aujourd'hui secrétaire général de l'Elysée dans un gouvernement socialiste, hier sous-ministre de François Fillon. Ce sont les mêmes (...).  Tous ces gens-là travaillent ensemble ", a dénoncé Mme Le Pen. "Ce sont les trois +M+: magouille, manœuvre, mensonge, c'est le fondement de la vie politique dans notre pays depuis de nombreuses années, les mêmes méthodes à droite et à gauche ", a-t-elle déclaré.

De son côté, le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, a dénoncé des querelles politiciennes bien éloignées des Français. "Tous ces gens se connaissent très bien, c'est un monde qui vit en cercle fermé, qui est totalement coupé de la société. Il faut nous tourner vers la France, il faut arrêter de regarder cette petite lucarne politicienne qui dégoûte les Français, qui ne nous intéresse pas et qui n'apportera aucune solution au pays. Parce que tous ces gens se battent pour le pouvoir mais au fond, il vont aller faire les mêmes politiques les uns après les autres ", a-t-il réagi sur France info.  

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