Ecoutes de Sarkozy : la contre-attaque bancale de Thierry Herzog
En démentant tout trafic d'influence auprès de la Cour de cassation et en dénonçant les écoutes des conversations de l'ancien président, son avocat se prend les pieds dans le tapis.
Après les révélations de Mediapart, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ripostent. Deux jours après la publication par le site d'information de transcriptions de plusieurs écoutes judiciaires de l'ancien président, l'avocat de Nicolas Sarkozy a annoncé, jeudi 20 mars, qu'il déposerait une plainte pour violation du secret de l'instruction.
Thierry Herzog a également rendu publique mercredi soir une lettre adressée au procureur de la République de Paris. Dans cette missive, l'avocat conteste la légalité des écoutes effectuées sur les lignes téléphoniques de son client. La "retranscription de ces écoutes" entre lui et Nicolas Sarkozy "est totalement illégale et irrégulière", écrit l'avocat. Mais il oublie un détail fâcheux. Francetv info vous explique pourquoi.
Comment l'avocat se défend-il ?
Thierry Herzog assure avoir obtenu de façon parfaitement légale des informations issues de la Cour de cassation. Un rapport et des conclusions auxquels les différents protagonistes d'une affaire ont normalement accès.
"Cette première retranscription [d'écoutes versées au dossier] aurait été justifiée à compter du 28 janvier 2014 à 12h24, au motif que j'aurais informé mon client de la 'teneur du mémoire du rapporteur de la Cour de cassation dans l'affaire Bettencourt", explique Thierry Herzog. Or, il affirme avoir reçu le rapport du rapporteur le 24 janvier 2014 à 16h06. "Ce rapport m’avait été adressé, par courriel, par mon avocat (…), Me Patrice Spinosi", poursuit Thierry Herzog.
"J'ai la preuve que le 28 janvier, lorsque j'informe mon client de la teneur du rapport qui vient de m'être communiqué, j'en ai connaissance officiellement depuis la veille par mon avocat à la Cour de cassation qui me l'a transmis tout à fait régulièrement. Je ne fais que mon métier", persiste l'avocat, interrogé jeudi matin sur Europe 1. Pour Thierry Herzog, cette information remet en cause la légalité des écoutes téléphoniques car celles-ci ont été réalisées sur la base de "faits inexacts". Et l'avocat demande au procureur de "rendre publics [les] éléments désormais contenus à la procédure qui font litière de ces allégations mensongères".
Une allusion aux propos retranscrits par Mediapart laissant penser que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont tenté d'obtenir des informations au sujet de l'affaire Bettencourt auprès d'un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, en échange d'une promesse d'intervention en faveur de celui-ci. Or, les écoutes téléphoniques ne peuvent être retranscrites et versées dans le dossier à la charge de Nicolas Sarkozy et de son avocat que "si elles laissent supposer la commission éventuelle d’une infraction", rapporte Le Monde.fr.
Pourquoi sa défense est-elle fragile ?
Thierry Herzog a raison sur un point : il est tout à fait légal qu'il ait eu en sa possession le rapport du rapporteur de la Cour de cassation. De même, la procédure prévoit qu'il ait accès aux conclusions de l'avocat général. Mais l'avocat de Nicolas Sarkozy oublie de mentionner l'avis confidentiel du rapporteur de la Cour de cassation. Or, comme son nom l'indique, cet avis doit rester confidentiel.
Comme le relate Mediapart, "l'écoute [du 30 janvier] laisse apparaître que 'Gilbert' [Azibert] a eu accès à l'avis confidentiel du rapporteur à ses collègues, qui ne doit pas être publié". "L’avocat précise à l’ancien président que l’avis de l’avocat général leur a été communiqué à titre exceptionnel et qu’il ne faut rien en dire pour le moment", écrit aussi le site. De fait, cet avis confidentiel n'est, en théorie, accessible "qu'aux seuls 38 magistrats du siège de la chambre criminelle (...) et il est frappé du secret du délibéré", explique L'Express, qui précise que Gilbert Azibert n'est magistrat ni du siège ni de la chambre criminelle. Il n'a donc pas pu avoir accès à ce document. Le Monde.fr évoque la piste d'un déjeuner de Gilbert Azibert "avec l’avocat général Claude Mathon, dont Thierry Herzog fait état dans les écoutes le 29 janvier", démenti depuis par Claude Mathon.
Thierry Herzog n'évoque donc dans son courrier que les documents qu'il était en droit de posséder, mais il se garde bien de citer cet avis confidentiel. S'il est avéré que l'avocat de Nicolas Sarkozy en a eu connaissance, il y aurait bien eu violation du secret de l'instruction. "La riposte de Thierry Herzog tombe donc à plat", conclut L'Express.fr.
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