Municipales : l'ombre de Cahuzac plane sur Villeneuve-sur-Lot
Très actif l'an dernier lors de la législative partielle, l'ancien ministre se fait discret. Mais il reste un personnage incontournable de la scène politique locale.
"Reviens Cahu, ils sont devenus fous." En une de La Feuille, un journal satirique local, Jérôme Cahuzac observe avec satisfaction le "chaos" politique qui s'est emparé de son fief de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) pour les élections municipales. Cinq, sans doute six listes, vont se disputer les 23 et 30 mars le siège de maire, qu'il a occupé pendant plus de dix ans (2001-2012).
Si ce titre est une blague, l'homme continue de hanter la scène politique locale et montre le bout de son nez à intervalles réguliers. Conseiller municipal, José Unanué l'a croisé en novembre, à la sortie de son cabinet. "Il s'est arrêté pour me dire bonjour, me demander comment j'allais et si je repartais pour les municipales, raconte-t-il. Il s'intéresse de près à la campagne. Il m'a dit qu'il se sentait encore concerné par la vie des Villeneuvois." Sa dernière apparition publique remonte au 14 décembre, sur le marché.
"Il n'accepte pas que la gauche puisse lui survivre"
Torpillé l'an dernier par l'ancien ministre et ses proches, le candidat socialiste malheureux de la législative partielle, Bernard Barral, mesure mieux que quiconque le pouvoir de nuisance de Jérôme Cahuzac dans la bastide. "Il a réussi à faire dire à un certain nombre de Villeneuvois qu’il fallait que le père soit là pour que les enfants ne s’étripent pas entre eux, et ça c’est un peu emmerdant", confie-t-il, avant de poursuivre : "Il n'accepte toujours pas que la gauche de Villeneuve-sur-Lot puisse lui survivre. Il a fait dire qu'il veut dégommer trois personnes en Lot-et-Garonne : Patrick Cassany [maire de Villeneuve], Matthias Fekl [premier secrétaire fédéral] et Pierre Cavani [président du conseil général], parce qu'ils crachent dans la soupe."
De fait, lorsqu'il distille ses confidences dans la presse locale, comme ici à La Dépêche du Midi, l'ancien ministre ne cache pas son amertume contre les élus du coin, accusés de l'avoir lâché. Certains, comme Bernard Barral, voient dans la liste sans étiquette de Jean-Paul Caubet et Alain Soubiran, deux anciens colistiers de Cahuzac, une manœuvre contre le maire sortant pilotée par l'ancien ministre. "C'était la stratégie dont il m'avait parlé au moment des législatives. Créer un candidat pour affaiblir au maximum la liste Cassany et contribuer à faire gagner une autre liste", abonde Benoît Dupuy, conseiller municipal sortant et candidat sur la liste du maire.
"Il ne faut pas mêler Jérôme Cahuzac à cette élection"
Les intéressés démentent. "Il ne faut pas mêler Jérôme Cahuzac à cette élection municipale", balaye Alain Soubiran, qui accuse quand même, au passage, le maire d'avoir "tourné le dos à Jérôme Cahuzac". "Je l'ai informé de ma candidature, il ne m'a rien dit du tout", assure celui qui militait pour que l'ancien ministre se présente à la législative partielle.
Surtout, il n'y a aucune preuve de son intervention, contrairement à l'an dernier où il abreuvait de mails, de textos et de coups de téléphone militants et élus de la région. Cahuzac, qui est toujours conseiller municipal, a vidé son bureau à la mairie et vendu sa maison de Pujols. Il ne répond pas aux journalistes. "J'étais persuadé qu'il allait intervenir, mais pour l'instant, je n'en ai pas la preuve", reconnaît Benoît Dupuy. Déchirée l'an dernier entre pro et anti-Cahuzac, la section PS n'est plus divisée. Le maire sortant l'a emporté 39 à 16 lors des primaires et seuls deux militants, dont Alain Soubiran lui-même, font dissidence.
"Il est à Paris, il se reconstruit"
Les proches de l'ancien ministre calment aussi le jeu, même s'ils racontent que l'ancien homme fort "a l'impression que tout le monde l'a lâché". Président du club hippique, Jean-Guy Gillet était l'un des participants de la réunion du 10 mai 2013. Ce soir-là, Jérôme Cahuzac dîne avec quelques proches et les consulte sur l'opportunité de se présenter ou non à la législative partielle. Le lendemain, il est sur le marché pour tester sa popularité. "Il a hésité, on le poussait à y aller", raconte-t-il.
Mais rien de tout cela cette année, assure Jean-Guy Gillet. "Il est à Paris, il se reconstruit", raconte-t-il. Sa venue sur le marché en décembre ? "Il est Villeneuvois d'adoption, il aime retrouver cette ambiance", élude-t-il. Surtout, Jean-Guy Gillet estime que "la sagesse appelle à voter Cassany". Comme quelques militants PS, il espère cependant que son champion pourra un jour faire son retour, une fois ses ennuis judiciaires réglés.
Un observateur de la politique locale, qui connaît bien l'homme, tempère. "Il m'a toujours dit qu'il ne reviendrait pas à la mairie, que c'était la fin d'un cycle, confie-t-il. Cette élection nous permettra à tous de vraiment tourner la page." Avant de remonter la vitre de son 4x4 et de prendre congé de José Unanué, Jérôme Cahuzac a glissé : "Je vais prendre du recul."
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