Affaire Karachi : "C'est une victoire, parce que sans la détermination des familles, ce procès ne pourrait pas se tenir", affirme l'avocat des familles de victimes
Le procès du volet financier de l'affaire s'ouvre lundi. Maître Olivier Morice salue sa tenue, mais dénonce les "pressions" de l'État pour "faire en sorte qu'on ne puisse pas avancer dans la recherche de la vérité".
"C'est une victoire, parce que sans la détermination des familles, ce procès ne pourrait pas se tenir", a affirmé lundi 7 octobre sur franceinfo Maître Olivier Morice, avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, alors que s'ouvre le procès du volet financier de l'affaire. Six hommes sont jugés à partir de lundi 7 jusqu'au jeudi 31 octobre au tribunal correctionnel de Paris pour des soupçons de commissions occultes en marge de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.
L'attentat de Karachi au Pakistan, en 2002, a causé la mort de onze employés français de la Direction de la construction navale et blessé douze personnes. Ce procès ne dira pas si l'arrêt du versement des commissions, décidé par Jacques Chirac après son élection, est lié ou non à l'attaque à la voiture piégée survenue sept ans plus tard.
franceinfo : Édouard Balladur, Premier ministre à l'époque de cette campagne présidentielle, et son ancien ministre de la Défense François Léotard viennent d'être renvoyés devant la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à juger les membres du gouvernement pour des actes commis dans l'exercice de leurs fonctions. Est-ce dommage ?
Me Olivier Morice : C'est dommage mais depuis très longtemps les juristes dénoncent l'existence de cette Cour de justice de la République qui n'a plus aucune signification, aucun sens. Monsieur Balladur aurait pu être avec Monsieur Léotard dans l'enceinte du tribunal correctionnel sans que ce soit scandaleux. Les familles des victimes sont déterminées aujourd'hui parce que lorsque nous avons déposé cette plainte qui a conduit à l'ouverture de ce procès, le procureur de la République de Paris nous a répondu que les faits étaient prescrits sans même avoir pris connaissance du contenu de notre plainte. C'est vous dire les pressions qui ont été celles de l'Etat pour faire en sorte qu'on ne puisse avancer dans la recherche de la vérité.
Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste, a parlé d'un handicap institutionnel dans la procédure d'enquête. Il n'y avait parfois, dit-il, aucun enquêteur pour réaliser le travail. L'ouverture de ce procès est donc une victoire pour vous ?
Oui, c'est une victoire parce qu'encore une fois, sans la détermination des familles, ce procès ne pourrait pas se tenir. Ce qui, en même temps, est révélateur du fait qu'il y a une anomalie dans le fait que le ministère public, qui est chargé de porter l'action publique, de rechercher la vérité, dans une affaire aussi sensible que celle-là, a failli pendant des années et qu'il a fallu l'obstination des familles des victimes pour qu'enfin le premier procès se tienne.
17 ans ont passé depuis l'attentat et Édouard Balladur a 90 ans, il y a une course contre la montre qui est enclenchée ?
Je crois qu'Edouard Balladur a encore toutes ses facultés pour pouvoir répondre à la justice. Je crois que les obstacles sont levés pour que la justice puisse agir rapidement. Vous savez, les familles sont déterminées mais elles sont aussi en colère parce que ce scandale d'État démontre tout de même que la recherche de cette vérité n'a pas été mise en oeuvre et que certains services de l'État ont empêché les juges d'avoir accès à des documents très importants. Malgré cela, avec cette détermination, nous sommes décidés devant le tribunal à aller jusqu'au bout et à faire en sorte qu'on entende les voix des parties civiles devant le tribunal, qu'elles puissent dire combien l'État leur a menti et combien l'État a été scandaleux depuis que l'ancien président de la République Jacques Chirac, le 13 mai 2002, leur a fait la promesse que la vérité éclaterait au grand jour et que ceux qui ont tué leurs proches seraient un jour jugés.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.