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"Acheter français", le slogan qui ne coûte pas cher

Nicolas Sarkozy doit vanter les mérites du "Made in France", mardi en Haute-Savoie. Mais d'autres candidats à la présidentielle en ont déjà fait leur cheval de bataille.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Acheter français ? 64 % des personnes interrogées par le Crédoc se disent prêtes à payer un peu plus cher pour privilégier la production nationale.  (ALAIN JOCARD / AFP PHOTO)

"Garantir l'origine nationale d'un produit", "aider les produits français à mieux se faire repérer par les consommateurs", "favoriser le maintien des savoir-faire en France"... Nicolas Sarkozy se rend en Haute-Savoie, mardi 13 décembre, pour développer le thème du "Made in France". Le chef de l'Etat visitera notamment une usine de fabrication de skis du groupe Rossignol, qui a annoncé il y a un an une relocalisation d'une partie de sa production au pied du mont Blanc.

Un déplacement en tant que président de la République, certes, mais aussi en tant que candidat, qui ne veut pas se faire distancer sur ce terrain par ses concurrents.

• Un slogan pour plusieurs candidats

Ces derniers jours, le "produire français" et "acheter français" s'est en effet invité à gogo dans la pré-campagne. Dans sa déclaration de candidature, mercredi 7 décembre, François Bayrou en a fait son axe principal, invitant les Français à un "pacte national" autour de cette idée. "Il faut redonner envie d'acheter français, c'est une démarche civique", estime le président du Mouvement démocrate.

Ironie du calendrier, François Hollande visitait le même jour une usine de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) ayant relocalisé sa production, initialement implantée en Chine. Car le candidat socialiste prône, lui aussi, "la réindustrialisation de la France" et "le patriotisme industriel"

Du coup, Marine Le Pen crie au vol. Car dès la mi-novembre, elle plaidait en faveur d'une "loi Achetons français", incitant à "acheter prioritairement des produits français", et appelait à "valoriser partout le 'made in France', parce que la France est remplie de talents".

• Un slogan emprunté au Parti communiste

"Fabriquer français" : le slogan ne date pas d'aujourd'hui. Comme le rappelle Rue89, il connaît ses premières heures de gloire au sortir de la Seconde Guerre mondiale du côté du Parti communiste français. Mais c'est surtout à la fin des années 1970 qu'il devient l'une des formules phares du PCF. "Fabriquons français" (1977), "Made in France ! D'accord" ou encore "Produisons français !" (1981) sont alors autant de slogans qui figurent sur les tracts communistes.

L'économiste Philippe Herzog et le candidat PCF à la présidentielle Georges Marchais, le 14 avril 1981. (INA)
"Produisons Français, avec des Français", ajoute le Front national au début des années 2000 sur une affiche de campagne. Une formule reprise mot pour mot lors des élections européennes de 2009 par un autre mouvement d'extrême droite, le Parti de la France, présidé par l'ancien frontiste Carl Lang.

• Un slogan désuet dans un monde globalisé

Si le slogan semble aujourd'hui faire consensus, certains doutent cependant de sa pertinence d'un point de vue économique. Candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui plaide pourtant lui aussi pour la "réindustrialisation" de la France, n'hésite pas à le qualifier de "vaste plaisanterie" : "Quand vous montez dans une Renault, il y a deux chances sur trois pour que vous montiez dans une voiture construite à l'étranger."

Et à l'inverse, on peut aussi acheter une voiture japonaise, la Toyota Yaris, construite à Valenciennes (Nord). Quant au hamburger du géant américain McDonald's, n'est-il pas fabriqué à partir d'ingrédients pour la plupart produits en France ? Et l'Airbus A380, dont l'assemblage final est réalisé à Toulouse, ne compte-t-il pas trois millions de pièces détachées issues de 77 pays ?

Nicolas Sarkozy prononce un discours à l'usine d'assemblage de l'A380 à Blagnac, près de Toulouse, le 13 janvier 2011. (LIONEL BONAVENTURE / AFP PHOTO)
Autre problème, que soulève l'économiste Olivier Bouba-Olga dans le magazine Terra Eco : "Fabriquer des ordinateurs en France nous coûterait dix fois plus cher que de les acheter à des pays plus efficaces et plus spécialisés." De plus, "pour produire en France, on importe des biens intermédiaires. Si vous les taxez, vous taxez aussi la production française"

"On exporte 25 % de notre produit intérieur brut. Si vous freinez les importations, vous vous exposez à des représailles, et les emplois français du secteur exportateur seront gênés", souligne également l'économiste Bernard Guillochon.

Journaliste économique aux Echos, Dominique Seux estime dans sa chronique quotidienne sur France Inter que "le mieux, c’est quand même que chacun achète les meilleurs produits au meilleur prix. Que les Allemands ou les Chinois achètent nos produits, et que nous achetions les leurs.(...)". Dominique Seux relève également que "les échanges commerciaux sont plutôt un facteur de stabilité entre les pays".

• Un slogan opportuniste en temps de crise

Reste qu'en temps de crise, les sociologues constatent unanimement une tentation du repli sur soi. La puissance croissante du Front national dans les sondages en est l'un des multiples symptômes. Une étude du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée en mai dernier (PDF), indique que 64 % des Français se disent prêts à payer plus cher des produits industriels fabriqués en France. Le Crédoc souligne surtout que cinq ans auparavant, ils n'étaient que 44 %.

Une tendance que les candidats à la présidentielle cherchent aujourd'hui à mettre à profit. Les électeurs y seront-ils sensibles ? Et surtout, qui les convaincra le plus sur ce terrain, si tous prônent un discours similaire ?

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