A 10 ans, Scott Stevenson a entendu dire que sa génération vivrait moins bien que celle de ses parents
Il n'en a alors rien cru mais réalise trente ans plus tard que ce pronostic était "une prophétie" du tour qu'a pris sa vie. A 39 ans, cet ouvrier de Michigan est un des 14,9 millions d'actifs américains sans emploi, selon le ministère du Travail.
Pis encore, il fait partie des 6,2 millions de chômeurs dits de longue durée, privés de travail depuis 27 semaines au moins.
A 40 ans, il a dû retourner vivre chez ses parents
En quatre ans, il a tout perdu: son emploi à l'usine payé 38.000 dollars par an puis sa maison de trois chambres, saisie. Il y a deux ans, il s'est installé à Ferndale (Michigan) dans le sous-sol du pavillon de ses parents. "Ça me rend dingue. J'ai presque 40 ans et je ne suis pas capable de me prendre en charge. Mais je n'ai pas le choix", dit-il.
En juin, après 99 semaines, ses droits aux allocations ont expiré. Il passe maintenant l'essentiel de son temps chez ses parents, à chercher sur internet un emploi qui se dérobe à lui ou à jouer sur ordinateur, n'importe quoi "qui ne coûte rien".
Les jours de beau temps, il sillonne à vélo ce quartier de modestes mais robustes maisons en brique rouge en bordure de l'I-696, autoroute dédiée à Walter Reuther, l'initiateur des grèves des années 1940 chez Ford et General Motors qui ont abouti à la reconnaissance du syndicat de l'automobile (UAW). Ce mouvement social a favorisé l'émergence de cols-bleus, cette classe moyenne prospère qui a contribué à façonner l'économie américaine après la Seconde Guerre mondiale.
Walter Reuther est mort en 1970 et avec lui, petit à petit, ce rêve américain fané par le recul de l'emploi dans la manufacture. La récession et la restructuration quasi simultanée de l'industrie automobile ont donné le coup de grâce.
Joan Stevenson, 63 ans, est déçue. Elle a voté Obama en 2008 mais juge qu'il n'a pas assez aidé les chômeurs comme son fils. "Le Parti démocrate n'est plus ce qu'il était pour nous", et ne défend plus les ouvriers contre les patrons, juge-t-elle.
A Detroit, temple d'une industrie automobile au bord de l'implosion, Scott Stevenson n'a plus guère d'espoir. Pour lui, le secteur n'embauchera pas massivement avant 10 ou 15 ans. La prospérité reviendra, peut-être, à Detroit et dans tout le Midwest, mais "ma génération aura été oubliée", dit-il.
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