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Cinéma : « Les Confins du monde », un film de Guillaume Nicloux avec Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix et Gérard Depardieu, au cinéma le 5 décembre

Indochine, 1945. Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul le rescapé d'un massacre. Aveuglé par sa vengeance, Robert s'engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses croyances.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Les Confins du monde, un film de Guillaume Nicloux au cinéma le 5 décembre (Les Confins du monde)

Extrait de l'entretien avec le réalisateur Guillaume Nicloux

Les Confins du Monde se déroule juste après la Seconde Guerre mondiale alors que le conflit en Indochine se durcit. C’est un moment de transition flottant où les forces en présence semblent indéterminées...

1945 et 1946 sont deux années assez opaques, empreintes de zones d’ombre, peu photographiées et filmées. Si l’on admet qu’il n’existe pas de vérité historique objective mais seulement des interprétations, alors c’est une période très stimulante, propice à l’imaginaire. Sans tomber dans l’uchronie, c’est le sentiment d’une vérité fantasmée qui m’a intéressé, non la représentation d’une histoire officielle.

Les Confins du monde, un film de Guillaume Nicloux au cinéma le 5 décembre (Les Confins du monde)

Pourtant l’action démarre de façon très factuelle et authentique, c’est le coup de force du 9 mars 1945...

Lorsque de Gaulle a voulu récupérer l’Indochine, le Japon, qui occupait le Tonkin, a violemment riposté. Attaquant les garnisons françaises le même jour à la même heure, ils ont massacré des milliers de soldats, de femmes et d’enfants, afin d’affirmer leur emprise. Malgré ces attaques, de Gaulle a maintenu ses positions et envoyé des troupes en renfort. Coup du sort, les Japonais ont subi Hiroshima et se sont retirés. Les Français ont essayé de reprendre la main, mais les indépendantistes vietnamiens ont entretemps gagné en confiance et se sont lancés dans la reconquête de leur pays. C’est dans ces conditions que démarre le film. Un soldat, Robert Tassen, échappe au massacre, réintègre un corps militaire et tente de retrouver Vo Binh, un lieutenant d’Ho Chi Minh, responsable de la mort de son frère.

On a très vite l’impression d’échapper au film de guerre traditionnel et de découvrir une œuvre plus complexe avec à la fois des images très crues de trophées, de blessures, de visions fantomatiques et un univers sonore obsessionnel...

Ce début de guerre était très archaïque, très physique au sens organique. La jungle du Nord-Vietnam impose un climat radical où la végétation accentue l’étouffement, et cet environnement agressif place les individus dans une obligation de survie alors que ces mêmes individus n’ont jamais été aussi proches de la mort. Une mort dépendant d’un ennemi qui n’apparaît jamais, dont l’invisibilité vietminh amplifie la paranoïa. Ce principe de vie fantomatique souligne d’une certaine manière la problématique guerrière. Est-on, sur le champ de bataille, face à un mort encore vivant ou un vivant presque mort ?

Vous établissez un lien assez fort entre une certaine trivialité, un certain réalisme (le quotidien des soldats, leur camaraderie) et une forme d’onirisme qui viendrait plutôt du pays dans lequel ils sont projetés, qui les submerge, qu’ils ne peuvent pas comprendre et auquel ils resteront toujours étrangers...

On sent bien, en arrivant dans un pays où l’influence coloniale a marqué durablement, que nous restons encore des opposants et ce malgré les générations qui nous séparent. L’acte de colonisation peut être traité de crime contre l’humanité, l’occupation sous la contrainte en est un. C’est ainsi que l’armée allemande a procédé en France en 1939. Nous sommes fiers de nos résistants mais, après-guerre, les gouvernements successifs ont continué à reproduire les mêmes agissements envers d’autres pays. Les ravages du colonialisme au Vietnam sont indéniables parce que la façon dont les dirigeants de la fin de la IIIe République ont traité ce peuple est abominable.

Mais la dénonciation du colonialisme n’est pas le propos du film, il est plutôt du côté de la quête existentielle... aviez-vous dès le départ envie de montrer la guerre par le prisme d’un conflit intérieur, en opposant vengeance et amour impossible ?

Le maillage des deux s’est fait progressivement, d’une façon insidieuse. Je souhaitais que le personnage se détourne de son obstination, mais que ce détournement soit provoqué par une autre obstination, toute aussi forte. Et que le conflit des deux plonge Tassen dans un abîme inextricable et destructeur. La période décrite livre un cadre historique qu’il est important de préciser mais c’est le destin humain qui m’intéresse. La façon dont l’enfermement amoureux et la vengeance dictent les pulsions. Robert se livre à une guerre interne, celle qui n’obéit pas à la raison mais au chaos intime.

Les Confins du monde, un film de Guillaume Nicloux au cinéma le 5 décembre (Les Confins du monde)

 Le seul à vouloir tenter de l’aider c’est Saintonge, interprété par Gérard Depardieu... chacune de ses apparitions est assez frappante : tout d’un coup il surgit, il est là, on peut le voir comme le narrateur mais aussi comme le témoin spectral de cette histoire...

 Cet homme a pris le parti d’être un simple observateur, quelqu’un qui côtoie militaires français et autorité indochinoise, force envahissante et résistants, quelqu’un qui comprend le combat séculaire des Vietnamiens pour reprendre leur indépendance.

Plus d’informations sur le site de Ad Vitam

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