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Le Venezuela lance de nouveaux billets pour lutter contre l'inflation : "C'est juste un changement comptable"

Pour l'économiste Philippe Waechter, la suppression de cinq zéros sur les nouveaux billets de banque ne suffira pas à rassurer les investisseurs internationaux et ralentir l'inflation.

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Hugo Cailloux
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Un homme compte des billets de 1 000 bolivars, sur un marché de Caracas (Venezuela), le 20 juin 2018. (FEDERICO PARRA / AFP)

Le gouvernement vénézuélien tente de sortir de l'impasse. Avec l'entrée en vigueur, lundi 20 août, des nouveaux billets de banque au Venezuela, le président Nicolas Maduro tente de faire face à une profonde crise économique. Car le tableau est sombre dans ce pays d'Amérique latine, autrefois riche grâce aux revenus du pétrole. En juillet dernier, les prix ont augmenté de 82 700%, obligeant les consommateurs à débourser d'importantes liasses de billets pour se payer des denrées de consommation courante.

Résultat ? La crise économique a poussé 2,3 millions de Vénézuéliens à fuir le pays, selon les Nations unies. Et les principaux partis d'opposition ont appelé à la grève à compter du mardi 21 août contre le plan de relance du gouvernement. De son côté, Nicolas Maduro affirme que ces cinq zéros en moins sur chaque billet seront le point de départ d'un "grand changement". Cela sera-t-il suffisant ? Franceinfo a interrogé Philippe Waechter, chef économiste à Ostrum Asset Management, pour comprendre la situation.

Franceinfo : Comment explique-t-on cette flambée des prix au Venezuela ?

Philippe Waechter : Jusqu'à mi-2014, les prix du pétrole étaient élevés et assuraient au Venezuela des ressources conséquentes. Puis le prix de cette matière première s'est effondré, et le pays s'est retrouvé sans ressources. Le Venezuela ne pouvait plus acheter de produits à l'étranger ni les produire lui-même. Lorsque l'offre dans le pays chute alors que dans le même temps la demande reste élevée, les prix augmentent. L'Etat a tenté d'alimenter la demande en injectant de l'argent dans l'économie, mais en l'absence de recettes à mettre en face, on a une situation très instable.

Que vont changer concrètement les cinq zéros en moins sur les billets ?

Pas grand-chose. C'est juste un changement comptable, comme passer de l'ancien au nouveau franc. Quand vous payez deux millions de bolivars pour payer un café, on est dans l'irrationnel. Là, on rend les chiffres plus abordables. Ça rend les choses plus simples pour tout un chacun.

Cela pourrait provoquer un choc psychologique chez les investisseurs étrangers qui voudraient investir dans cette économie, mais j'en doute. Nicolas Maduro a un déficit de crédibilité absolument considérable.

Est-ce qu'il y a des précédents ?

On est dans un cas un peu unique, vraiment dans l'excès. On se souvient par exemple du Mexique au début des années 1980, où il y a eu une vraie crise, mais on n'atteignait pas les sommets du Venezuela. L'environnement économique au Venezuela ne semble plus gérable. Le pays doit ramener les investisseurs étrangers en s'engageant vis-à-vis des institutions mondiales, comme le FMI, mais Nicolas Maduro a dit qu'il ne voulait pas travailler avec lui. Il faut qu'il prenne son bâton de pèlerin et aille convaincre ces investisseurs internationaux.

C'est un programme très lourd, et très long. Il faut que le gouvernement change d'attitude et s'engage vis-à-vis du reste du monde, parce que sinon, dans moins d'un an, on enlèvera des zéros aux billets une nouvelle fois.

Philippe Waechter

à franceinfo

Ce qu'on avait constaté avec l'hyperinflation en Allemagne en 1923, c'est qu'on a supprimé un certain nombre de zéros comme au Venezuela, mais on a également pris des mesures pour provoquer un choc psychologique important. Pendant l'hyperinflation, la Reichsbank émettait trop de monnaie, et il n'y avait plus de production, comme au Venezuela aujourd’hui. Du coup, les Allemands ne voulaient plus détenir la monnaie, ce qui provoquait l'inflation. Le premier engagement du Venezuela doit être de créer moins de monnaie, et de s’engager dans la durée à le faire. Tous les acteurs de l’économie doivent percevoir un changement.

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