Visite du pape en Birmanie : le pape François "aura fort à faire pour ne pas s'aliéner cette population et les dirigeants"
Pour le directeur de recherche associé à l'IRIS, Olivier Guillard, "le moindre faux pas pourrait se retourner contre la minorité catholique, déjà assez mal en point".
Le pape François se lance, lundi 27 novembre, dans deux visites diplomatiques en Birmanie et au Bangladesh. Un déplacement attendu, mais compliqué pour le souverain pontife qui doit notamment s'exprimer sur les violences que subissent les Rohingyas, minorité musulmane de Birmanie qui fuit en masse vers le Bangladesh voisin. Pour Olivier Guillard, directeur de recherche associé à l'IRIS, "le pape aura fort à faire pour ne pas s'aliéner cette population et les dirigeants" birmans.
franceinfo : Comment le souverain pontife peut-il être accueilli demain en Birmanie ? Le cardinal de Rangoun [capitale de la Birmanie] a conseillé au pape de ne pas employer le mot Rohingya.
Olivier Guillard : Le déplacement du souverain pontife est délicat : il n'est pas forcément le bienvenu pour tout le monde. C'est un pays majoritairement bouddhiste, avec une tendance à la résurgence nationaliste. La minorité catholique représente moins d'un million de personnes. La majorité de la population est derrière ses dirigeants politiques, militaires. Le pape aura fort à faire pour ne pas s'aliéner cette population et les dirigeants. Le moindre faux pas pourrait se retourner contre cette minorité catholique, déjà assez mal en point. Sur l'emploi du mot Rohingya, il n'est pas un dignitaire étranger à qui on ne conseille pas de se montrer attentif à l'utilisation de ce mot-ci, et parler de 'membres de la minorité musulmane'. Il est à parier qu'il suivra ce conseil.
On peut imaginer qu'il utilisera le mot de Rohingya lorsqu'il se rendra à Dacca, au Bangladesh jeudi, où là, il doit rencontrer un groupe de réfugiés ?
Il est possible que le pape le fasse à ce moment-ci. Quand il se rendra dans la capitale du Bangladesh, dont la configuration ethnique, religieuse, politique, est très différente de la Birmanie. Mais là non plus, il ne sera pas en terrain conquis. 96% de la population n'est pas de foi chrétienne. Le message, à chaque fois, de la communauté internationale, et ce sera le cas cette fois aussi pour une partie des Bangladais, c'est un message souvent ingérent. Donc un message qui n'est pas toujours extrêmement bien reçu, surtout lorsqu'il vient de l'occident. Donc il se gardera bien, là aussi, d'être provocant. Il est nécessaire, pour que cette crise humanitaire considérable se résolve, que les relations entre Bangladesh et Birmanie soient apaisées. Le pape ne viendra pas faire de la provocation là non plus.
Quel peut être l'impact de cette visite papale, quand on sait que plusieurs ONG catholiques, notamment Caritas, sont très actives dans les camps de réfugiés au Bangladesh ?
Cette visite n'a pas été décidée il y a deux semaines ; la Birmanie et le Vatican n'ont établi de relations diplomatiques qu'au mois de mai, lorsque Aung San Suu Kyi s'était rendue sur place [au Vatican]. Donc cette visite papale était planifiée bien avant cette crise. Elle n'a pas été annulée. Le pape a préféré maintenir le principe de cette visite. Les autorités birmanes se sont également dit qu'il était relativement opportun, également que le souverain pontife, après que ce pic de crise soit passé, vienne en Birmanie pour essayer de rapporter une image un peu plus favorable dans le concert des nations. Et surtout essayer d'apporter un message de réconciliation possible, via les mots apaisants du souverain pontife.
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