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Sommet sur la pédophilie : "Il y a un peu de concret mais rien sur notre statut", regrette une victime

Alors que les défenseurs des victimes n'ont pas caché leur déception après le discours conclusif du pape François dimanche 24 février au sommet du Vatican sur la pédophilie, Olivier Savignac, victime d’un prêtre, se dit satisfait sur franceinfo même s'il déplore qu'il n'y ait rien de concret sur le "statut des victimes".

Article rédigé par franceinfo
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Olivier Savignac, à droite, abusé par un prêtre à côté de François Devaux, à gauche, président de l'association La parole libérée, le 20 février 2019, au Sommet du Vatican. (VINCENZO PINTO / AFP)

Après quatre jours de discussion autour de la pédophilie dans l'Eglise, le discours final du pape François était très attendu dimanche 24 février. S'il a déçu de nombreuses victimes et leurs défenseurs, Olivier Savignac, victime des actes d'un prêtre, invité de franceinfo, a trouvé que les mots du pape étaient "très forts". Il a comparé les victimes d'agressions sexuelles aux "êtres humains" soumis "au sacrifice de rites païens."  Mais pour cette victime française, qui a assisté au sommet, au Vatican, le pape a oublié de parler du "statut des victimes". "On n'est qu'au début du chemin."

Franceinfo : Les victimes, des "êtres humains" soumis "au sacrifice de rites païens". Est-ce que ce sont les mots que vous attendiez ?

Olivier Savignac : Oui, je pense que ce sont des mots qui condamnent fermement sur le plan de la morale et de l'éthique chrétienne aussi parce qu'il [le Pape] va même plus loin en comparant de pareils actes et leurs agresseurs à la main du diable, à Satan. Je crois que les termes sont très forts. Je crois que la feuille de route sur le plan moral est précise. Maintenant, bien sûr, et je comprends l'ensemble des associations de victimes, se pose la question des actes concrets. Que va faire l'Église aujourd'hui face à un tel scandale ? Est-ce qu'elle va vouloir continuer à éteindre l'incendie comme c'est le cas en ce moment ou est-ce qu'elle va vouloir devenir pionnière dans une lutte qu'elle doit prendre à bras-le-corps parce qu'elle n'a plus le choix ?

Estimez-vous qu'il y a du concret qui ressort au final de ces quatre jours de sommet ?

Il y a un peu de concret. Quand on parle de création d'équipes mobiles, d'experts pour des pays qui n'ont aucune connaissance en la matière, ou d'un vade-mecum sur les démarches à établir face à de tels cas, je suis d'accord. Maintenant, il faut aller plus loin et je pense que son discours au pape, c'était d'abord de remettre au centre les victimes. Et là, qu'en est-il des victimes sur les axes concrets ? Il n'en est rien puisqu'on ne parle pas de statut de victime. Je crois que l'Église pourrait tout à fait créer un statut de victime avec un accompagnement, une prise en charge qui peut être externalisée en lien avec des professionnels, parce que dans chaque pays, il y a des instances, des institutions qui sont expertes en la matière. Moi ce que j'attendais, ce que nous attendions, c'était la question de la réparation : indemnisation financière, réparation physique et pour ceux qui sont toujours dans l'Église, la réparation liturgique, c'est-à-dire réintégrer ces personnes au corps de l'Église à travers une messe de réparation. Ça ce sont des choses que l'Église pourrait mettre en place dès à présent et force est de constater que pour l'instant, il n'y a aucune orientation donnée là-dessus.

"Le pape et l'Église avaient rendez-vous avec leur conscience et je crois qu'ils viennent de rater le rendez-vous" a déclaré le président de La parole libérée, une association de victimes. Partagez-vous son point de vue ?

Je crois qu'il y a une partie de vrai dans ces propos mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui parce qu'en termes de prise de conscience, je crois que l'Église s'est offerte aux yeux du monde, publiquement, à travers tous les actes qu'elle a couverts. Et je crois qu'elle a reconnu publiquement et de manière transparente le fait que oui, elle avait fauté complètement et qu'elle avait été complice de crimes. Donc la prise de conscience, elle est quand même là parce que ce n'est pas rien qu'une institution aux yeux du monde se livre à de pareils aveux. Je crois que ça, c'est déjà un progrès. Ensuite, c'est une prise de conscience à plusieurs échelles. Et je crois que c'est à l'échelle mondiale qu'il faut voir. Concrètement, l'Afrique, l'Asie ne se sentent pas encore concernées. Et là, ça va prendre des années. Je crois que ce sommet était important parce que c'est un début, une introduction pour que ces pays, ces continents aussi soient conscients de ce qui se passe chez eux parce que l'Afrique n'est pas épargnée, bien au contraire. L'Asie ne l'est pas non plus alors que là-bas, il y a d'énormes communautés chrétiennes. Je crois qu'on n'est qu'au début de longs chemins. Ça a éclaté dans l'hémisphère nord, enfin dans les pays du nord surtout en Europe, aux États-Unis et en Australie. Ces scandales vont continuer. En Italie pour l'instant, c'est vraiment une langue sourde. Rien ne transparaît. En Espagne, ça commence tout juste à se réveiller. On n'est qu'au début du chemin.

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