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Homosexuels, divorcés… "Il y a fort à parier que les déçus du synode seront nombreux"

Le rapport d'étape du synode des évêques sur la famille présenté par le Vatican a déclenché une tempête dans l'Eglise. Pour Philippe Harrouard, le consultant de France 2 sur les questions de religion, "le ton a changé" vis-à-vis de ces questions sensibles. 

Article rédigé par Vincent Daniel - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le pape François sur la place Saint-Pierre, au Vatican, le 15 octobre 2014. (ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS)

Révolution ou confusion ? La publication des premiers travaux du synode sur la famille, une assemblée d'évêques convoquée par le pape, a provoqué un séisme, lundi 13 octobre. Ce rapport d'étape marque un changement de ton notable de l'Eglise : il évoque les "valeurs positives" du mariage civil, "les personnes homosexuelles [qui] ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne". Il aborde aussi le cas des divorcés-remariés, auxquels la communion pourrait être accordée sous conditions…

Des évolutions qui divisent profondément la communauté catholique, satisfaction d'un côté, stupeur de l'autre. Le Figaro évoque une "tempête" et un "incendie" à éteindre, citant des cardinaux qui dénoncent une "manipulation" et une "trahison" du Saint-Siège. Famille chrétienne parle de l'"embarras de Rome", quand La Croix (article abonnés) décrit la "perplexité et [l']attente de clarifications" après cette publication. Face à la fronde, le Vatican a rappelé qu'il s'agissait d'un "document de travail"

Philippe Harrouard, consultant de France 2 sur les questions de religion, explique à francetv info pourquoi la publication de ce texte a déclenché une tempête et pourquoi il ne signifie pas pour autant un changement de dogme pour l'Eglise. 

Francetv info : Après la publication du rapport d'étape du synode, le monde entier a semblé stupéfait des positions qui ont été exprimées sur les concubins, les divorcés-remariés et les homosexuels. Comment l'expliquez-vous ? 

Philippe Harrouard : Ce rapport d'étape met l'accent sur des choses qui sont hors du dogme. C'est tellement rare d'entendre l'Eglise parler en ces termes de ces sujets que les journalistes ont mis l'accent là-dessus. Mais cela ne veut pas dire que c'est ce qu'il en ressortira au final. A propos de l'homosexualité, le pape lui-même a déclaré : 'Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ?'

Ce qui est intéressant, c'est la méthode du pape. Contrairement aux autres synodes, celui-ci se déroule à huis clos. Les évêques et cardinaux présents ont donc pu s'exprimer en toute liberté, sans que personne n'en sache rien au dehors. Surtout, le pape François a fait venir des laïcs qui ont expliqué leur situation. Des laïcs qui pouvaient être en concubinage, des homosexuels, des divorcés… C'était déjà quelque chose d'étonnant. Ensuite, les évêques sont quand même au courant de ce qui se passe dans leurs diocèses : ils n'ont pas hésité à en parler.

Pour autant, les divisions de l'Eglise apparaissent au grand jour et certains membres du clergé, notamment des participants au synode, ont dénoncé un rapport orienté ou biaisé… 

Il y a toujours eu deux camps au sein de l'Eglise. Bien entendu, cela ne signifie pas grand-chose de parler de conservateurs ou de progressistes. L'Eglise n'est pas un parti politique. Mais il y a quand même des gens qui souhaitent moderniser l'Eglise pour qu'elle vive mieux dans son temps. Et d'autres qui pensent que le dogme est fort depuis deux mille ans et qu'il faut le respecter. 

Il y a des évêques qui ont dit : 'Chez nous, de plus en plus de gens divorcent. Pour autant, ils se disent tout à fait chrétiens.' Au contraire, d'autres évêques, plus conservateurs, expliquent que chez eux, on prend le mariage indissoluble très au sérieux… Les divergences sont surtout liées à l'origine géographique. Les états d'esprit sont différents selon les continents, les régions… Par exemple, sur l'homosexualité, les évêques africains se montrent très réticents à toute forme d'évolution.

Que peut-on attendre de la suite du synode ?

Le Vatican insiste bien sur le fait qu'il s'agit d'un rapport d'étape. Ce document est étudié cette semaine par petits groupes. Un nouveau texte de synthèse sera publié samedi. Ce texte-là sera intéressant. Est-ce qu'il reprendra les orientations du rapport d'étape ? Nous n'en savons rien pour le moment. Peut-être que le dogme sera finalement beaucoup plus présent.

Ensuite, ce texte sera discuté pendant un an dans les diocèses. Toute l'Eglise va pouvoir parler. L'année prochaine, au mois d'octobre, il y aura un deuxième synode, et un nouveau texte, fruit du dialogue dans les diocèses, sera présenté. A partir de celui-ci, le pape, et lui seul, prendra des décisions. Si révolution il y a aujourd'hui, nous ne sommes pas sûrs que ce sera la même révolution dans un an.

Quoi qu'il arrive, l'Eglise ne fait jamais de virage à 180 degrés, les évolutions sont extrêmement lentes. Mais on sent qu'il se passe quelque chose : le ton a changé. Pour autant, il y a fort à parier que les déçus seront nombreux : divorcés, remariés, homosexuels… Cela ne sera pas un grand trait tiré sur tout ce qui a fait l'Eglise depuis si longtemps.

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