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USA: Joe Medicine Crow, dernier chef de guerre indien des plaines, est mort

Joe Medicine Crow (Corbeau en anglais), tout dernier chef indien des plaines, mais aussi anthropologue et historien des premiers Américains, est mort le 3 avril 2016 à l’âge de 102 ans dans la réserve de la tribu des Crows près de Lodge Grass dans le Montana (nord-ouest). Avec lui disparaît tout un pan de la mémoire amérindienne. Récit.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Joe Medicine Crow reçoit la médaille de la liberté, la plus haute décoration civile américaine, des mains du président Barack Obama à la Maison Blanche le 12 août 2009. ( REUTERS - Jim Young)
«Son héritage servira d’inspiration (…) à tous les Amérindiens», a déclaré le gouverneur du Montana, Steve Bullock. De fait, la vie de Joe Medicine Craw est un peu un roman.
 
Il était né le 27 octobre 1913 dans la réserve Crow, près de Lodge Cross, où il passé la majeure partie de sa vie. Celui dont le nom Crow était High Bird (Oiseau qui vole haut) a été élevé par ses grands-parents dans une maison en rondins. Son grand-père veut faire de lui un guerrier et l’élève dans la tradition de la tribu. Dès l’âge de 6 ou 7 ans, il doit accepter un entraînement très dur l’obligeant notamment à courir pieds nus dans la neige pour endurcir ses pieds. Et son esprit.

Il faut dire que sa famille avait une hérédité et un passé guerriers, au sens noble du terme. Son grand-oncle, le frère de sa grand-mère, avait servi comme éclaireur du général Armstrong Custer, tué à la bataille de Little Big Horn en avril 1876. Une bataille au cours de laquelle plusieurs centaines de Blancs furent tués par plusieurs milliers de guerriers sioux et cheyennes. «Il se rappelait qu’enfant, il écoutait les récits de combattants qui avaient directement participé à la bataille», rapporte l’agence AP. Parmi ces conteurs, quatre des six éclaireurs entourant le général Custer.
 
Par la suite, il étudie à l’université de Caroline du Sud, le premier de sa tribu. En 1936, CrowJoe, comme l’appelaient ses amis, est aussi le premier membre des Crows à obtenir un diplôme d’anthropologue. Il devient alors historien de ce peuple itinérant et recherche les témoignages directs de ceux qui avaient connu la vie d’avant les réserves imposées par l’homme blanc. «Quand on (le) rencontre, on a l’impression de pénétrer dans le XIXe siècle», avait l’habitude d’expliquer Herman Viola, conservateur émérite au Musée national des Amérindiens qui a écrit plusieurs livres avec lui.

«Une affaire d’intelligence»
Mais Joe Medicine Crow a aussi eu l’occasion de s’illustrer sur le sentier de la guerre. En l’occurrence sur le sentier de la Seconde guerre mondiale comme éclaireur dans la 103e division américaine en Europe.

Ses faits d’armes lui valent de la part de ses compatriotes Crow le titre de «chef de guerre», qu’on pourrait comparer à un titre de noblesse chez les Blancs. Il mène ainsi des raids derrière les lignes de l’adversaire. Vole une cinquantaine de chevaux dans un camp ennemi et s’enfuit en chantant une chanson d’honneur Crow. Et n’hésite pas à se battre au corps-à-corps avec un Allemand dont il épargnera finalement la vie. Toutes choses dont il a témoigné dans le documentaire de Ken Burns, The War.


«La guerre était notre art le plus noble, mais elle n’impliquait pas la mort de l’ennemi. C’était d’abord une affaire d’intelligence, d’esprit de commandement et d’honneur», avait-il l’habitude d’expliquer dans des propos rapportés par AP.

De retour aux Etats-Unis, il est embauché comme historien officiel par le Conseil tribal des Crows. Il travaille aussi au Bureau des Affaires indiennes.

Etudiant l’histoire, le chef Crow ne restait pour autant pas tourné vers le passé. Il a su aussi «embrasser les bouleversements provoqués par la colonisation de l’Ouest» américain, remarque AP. «Il a travaillé pour rapprocher les traditions culturelles de son peuple avec les opportunités offertes par la société moderne». «Il voulait vraiment cheminer dans les deux mondes, le monde blanc et le monde indien. Il savait que l’éducation était une clef pour réussir», précise Herman Viola.

Il continuait à vivre avec sa famille à Lodge Grass. Sa femme était morte en 2009. Peu de temps avant sa propre disparition, il continuait à faire des conférences sur Little Big Horn et les autres évènements majeurs de sa communauté.

En 2009, Joe Medicine Crow avait reçu des mains de Barack Obama la Médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction américaine pour un civil. «Sa vie reflète non seulement l’esprit guerrier du peuple Crow mais aussi les plus grands idéaux (de la nation) américaine», avait alors déclaré le locataire de la Maison blanche.

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