Etats-Unis : Kshama Sawant, une élue rouge au pays des billets verts
Kshama Sawant est une curiosité dans la paysage politique aux Etats-Unis : cette conseillère municipale de Seattle est l'une des rares marxistes, sinon la seule, élues outre-Atlantique. Franceinfo l'a rencontrée.
Au pays où le capitalisme est presque une religion d'Etat, Kshama Sawant, 43 ans, n'est pas une élue comme les autres. C'est même une curiosité dans le paysage politique américain. Cette ancienne professeure d'économie est l'une des rares "marxistes", sinon la seule, élues dans une grande ville des Etats-Unis : elle siège au conseil municipal de Seattle, bastion progressiste de plus de 650 000 habitants dans l'Etat de Washington (nord-ouest du pays).
Son parti, l'Alternative socialiste, est membre du Comité pour une internationale ouvrière, dont fait partie en France la Gauche révolutionnaire, ancien soutien du NPA d'Olivier Besancenot et Philippe Poutou. Détonnant, quand on sait que la plupart des personnalités à gauche de l'échiquier politique aux Etats-Unis passeraient pour des centristes dans l'Hexagone. Franceinfo l'a rencontrée en juillet, en marge de la convention démocrate de Philadelphie, où elle était venue manifester son soutien à son champion, Bernie Sanders, l'ancien rival d'Hillary Clinton lors des primaires démocrates.
"Il y a une ouverture pour le socialisme"
En bonne révolutionnaire, dès son élection, en 2013, Kshama Sawant a pris soin de secouer l'ordre établi. Les conseillers municipaux de Seattle sont payés plus de 117 000 dollars par an, soit tout de même 100 000 euros ? "Je m'engage à rendre des compte aux travailleurs en n'acceptant que le salaire moyen", réplique-t-elle : 40 000 dollars annuels. Le reste de ce qu'elle touche est versé dans un "fonds de solidarité" et redistribué à des associations ou des organisations progressistes.
A son arrivée au pouvoir, l'élue marxiste se souvient de "l'inconfort" provoqué par sa présence auprès de certains de ses nouveaux collègues, tous démocrates. "Deux semaines après mon élection, deux conseillers sont venus me voir pour me dire que j'avais peut-être réussi à rallier les rebelles de mon district, mais que ça n'allait pas se passer comme ça ici", raconte Kshama Sawant. Cela ne l'a pas empêché de faire voter la promesse phare de sa campagne : un salaire minimum à 15 dollars de l'heure dans les entreprises de Seattle.
Son succès était encore impensable il y a quelques années, où une telle philosophie politique était synonyme d'opprobre. Plus tout à fait aujourd'hui. Selon une récente étude de l'université Harvard, citée par le Washington Post (article en anglais), 51% des 18-29 ans ne soutiennent pas le "capitalisme", 33% se disent en faveur du "socialisme".
Nous ne sommes plus sous la guerre froide. Les jeunes d'aujourd'hui n'étaient pas nés à ce moment-là, c'est comme si on repartait d'une page blanche pour le mouvement socialiste.
"Ils ont hérité d'une économie en crise, ils n'ont rien d'autre à attendre qu'un job mal payé, des dettes étudiantes et des conditions de vie en déclin, estime Kshama Sawant. Pas très brillant comme futur. Il y a une ouverture pour le socialisme."
Engagée contre la "mascarade" démocrate
Bernie Sanders en est l'exemple. Autoproclamé "démocrate socialiste", le sénateur du Vermont a été l'une des surprises des primaires outre-Atlantique, en donnant du fil à retordre à l'ancienne secrétaire d'Etat Hillary Clinton. L'élan populaire n'a pas été suffisant pour l'emporter, il s'est finalement rallié à son ancienne rivale. Au grand désespoir de Kshama Sawant. "Il portait un message de révolution politique qui n'a aucune place chez les démocrates, juge-t-elle. Le parti travaille pour Wall Street. Nous devons arrêter d'accepter cette mascarade."
Alors, oui, quand on l'interroge, elle trouve bien quelques différences entre Hillary Clinton et Donald Trump. "Il représente des idées profondément racistes, misogynes, anti-immigrants, qui sont nauséabondes pour la plupart des gens raisonnables, concède-t-elle. Dans ce cas-là, aussi mauvaise soit-elle, faut-il voter Hillary Clinton ? Non, ce n'est pas une raison. Trump ne vient pas de nulle part : c'est le point d'orgue de décennies de droitisation des deux partis, les Américains ordinaires sont fatigués de l'establishment… Il faut que la gauche se mobilise." En novembre, elle votera pour Jill Stein, la candidate écologiste.
Et elle, que ferait-elle si d'aventure elle s'installait dans le bureau ovale ? Kshama Sawant rit et botte en touche. "Si des marxistes comme moi arrivaient à la Maison Blanche, cela serait un immense tremblement de terre politique", s'amuse-t-elle. Aussi improbable que ce scénario puisse paraître, l'élue marxiste veut croire à un changement. "Les travailleurs sont en colère ? Ne soyons pas juste en colère, battons-nous et gagnons ! Gagnons à chaque échelon politique." Pour l'instant, elle est encore un peu seule.
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