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Présidentielle américaine : quatre questions sur la campagne électorale la plus chère de l'histoire

Alors qu'elle n'est pas officiellement terminée, la campagne électorale américaine 2020 dépasse déjà tous les records de dépenses.

Article rédigé par Marianne Chenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le candidat démocrate Joe Biden et le président et candidat républicain Donald Trump, lors d'un débat pendant la campagne pour l'élection présidentielle américaine, le 22 octobre 2020. (JIM BOURG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Qui dépensera le plus ? Dans la campagne pour l'élection présidentielle américaine, Donald Trump et Joe Biden ne comptent plus les millions de dollars dépensés en publicité, organisation de réunions publiques et déplacements dans le pays. Sans limite, les sommes engagées dans les campagnes politiques américaines sont, élection après élection, en perpétuelle augmentation.

Bien que l'argent ne garantisse pas la victoire, les deux candidats se sont engagés dans une course aux dépenses et aux collectes de fonds. Franceinfo vous explique pourquoi le financement de la campagne américaine explose tous les records.

1De quelles dépenses parle-t-on ?

C'est une particularité des Etats-Unis : plusieurs campagnes électorales se superposent. Le scrutin du 3 novembre n'envoie pas seulement un candidat à la Maison Blanche. Les Américains votent aussi pour renouveler la Chambre des représentants, ainsi qu'un tiers des sénateurs. En parallèle de ces échéances nationales, de nombreux Etats organisent des scrutins locaux : référendums, élection de gouverneurs et de juges, etc.

Le Center for Responsive Politics*, un groupe de recherche sur les finances de la politique américaine, évalue à près de 11 milliards de dollars les dépenses liées à la campagne de 2020, primaires comprises. En 2016, les candidats aux diverses élections avaient dépensé 6,5 milliards de dollars, ce qui constituait déjà un record.

Au 14 octobre 2020, 3,5 milliards de dollars avaient été dépensés pour la seule campagne présidentielle. Des dépenses exponentielles permises par des collectes de fonds toujours plus importantes. Joe Biden a ainsi collecté 952 millions de dollars, tandis que Donald Trump a rassemblé 601 millions, selon les derniers chiffres déclarés* à la commission électorale, toutes sources de financement confondues.

2Quel candidat a le plus dépensé ?

Le plus dépensier n'est même pas présent dans la dernière ligne droite, puisqu'il s'agit du milliardaire Michael Bloomberg. L'ancien maire démocrate de New York était candidat à la primaire démocrate jusqu'en mars, le temps de dépenser plus de 1,119 milliard de dollars. La campagne politique la plus chère de l'histoire.

Pour financer sa campagne, Michael Bloomberg a puisé plus d'un milliard dans sa fortune personnelle. Seulement 900 000 dollars de recettes proviennent des dons des militants. Plus de la moitié de son budget total a été englouti dans des publicités. Il s'est ainsi offert, la diffusion d'un clip pendant le Super Bowl, l'événement télévisé le plus regardé de l'année aux Etats-Unis, pour plus de 10 millions de dollars, selon le New York Times*.

Preuve que l'argent ne fait pas le président, Michael Bloomberg n'a fini que troisième ou quatrième dans tous les Etats où il était engagé lors des primaires, avant de se rallier à Joe Biden. La seule primaire remportée par l'ancien maire de New York était celle des Samoa américaines, un territoire qui ne vote pas à l'élection présidentielle.

En termes de grosses dépenses, derrière Michael Bloomberg, suivent Joe Biden avec 790 millions et Donald Trump avec 565 millions. Tom Steyer, un autre milliardaire, s'était aussi lancé dans la primaire démocrate en juillet 2019, avant de se retirer de la course le 29 février 2020. Avec 352 millions de dollars dépensés en six mois, largement issus de sa fortune personnelle, il se place juste derrière le trio de tête.

3D'où viennent ces millions de dollars ?

Contrairement à la France, les sommes engagées dans les campagnes électorales aux Etats-Unis ne sont pas plafonnées. Seule exception, lorsque les candidats recourent à l'argent public. Dans ce cas, leurs dépenses ne peuvent excéder 84 millions de dollars Les candidats préfèrent logiquement se passer de l'argent de l'Etat.

La majorité des ressources dont ils disposent provient des dons de leurs partisans et des comités locaux des partis, présents dans chaque Etat. "C'est un système de tuyaux qui aboutissent au même endroit, auprès du comité national du candidat", illustre François Vergniolle de Chantal, professeur à l'université de Paris, spécialiste de la vie politique américaine.

Au-delà du comité principal, existent aussi des comités d'action politique (political action committees ou PAC). Ces structures ont pour mission de réunir des fonds. Elles défendent souvent un enjeu de société plutôt qu'un parti, par exemple les droits des personnes LGBT ou encore le port d'armes. Les comptes de campagne des candidats prennent en compte l'argent réuni par le comité du candidat et les PAC.

Les prétendants à la Maison Blanche bénéficient aussi d'un soutien indirect : les comités externes. Depuis 2010, les entreprises nationales et étrangères ont le droit de financer les campagnes électorales au titre de la liberté d'expression, à condition de ne pas donner directement aux candidats, d'où la notion de "comité externe". Deux types de structures le permettent : les Super PAC et les associations.

Les Super PAC sont une version plus large des PAC. La loi américaine leur impose de ne pas être en coordination avec le parti ou le candidat. Ils se replient de fait sur les spots publicitaires favorables ou défavorables. Plus de 275 millions de dollars ont ainsi été dépensés pour financer des campagnes anti-Trump. Parmi elles, celle de l'association Lincoln Project, un groupement de républicains opposés au président américain. Intitulée "It's mourning in America" ("C'est le deuil en Amérique"), cette publicité est une référence ironique à la campagne de Ronald Reagan en 1984 : "It's morning again in America" ("C'est encore le matin en Amérique").

"Ces groupes indépendants sont libres de lancer les messages qu'ils veulent, mais comme il n'y a pas de contrôle, ils ne sont pas toujours des alliés pour le candidat qu'ils soutiennent", avance le professeur, même s'il reconnaît que "les publicités négatives marchent, c'est incontestable".

Pour encourager leur favori, les associations utilisent aussi des moyens détournés, car la loi leur interdit de donner explicitement une consigne de vote. Impossible pour une association de défense de l'environnement, par exemple, de clamer "Votez Biden" dans une publicité. "En revanche, elle peut tout à fait dire qu'elle soutient l'accord de Paris sur le climat et que Trump s'en est retiré", nuance François Vergniolle de Chantal.

Les candidats ont également le droit d'emprunter de l'argent ou d'utiliser leur fortune personnelle. C'est ce qu'a privilégié le candidat à la primaire démocrate Michael Bloomberg, et ce que pourrait faire Donald Trump, si les fonds venaient à lui manquer dans la dernière ligne droite.

4Comment sont encadrées les dépenses ?

Elles sont surveillées par la Commission fédérale électorale (FEC), créée en 1974. Ses six membres, proposés par le président américain et approuvés par le Sénat, sont chargés de contrôler l'origine des sommes perçues par les candidats et la régularité des dépenses.

En pratique, "la FEC n'a jamais fonctionné", résume François Vergniolle de Chantal. "Avec un nombre pair de membres, il y a toujours trois républicains et trois démocrates qui campent sur leurs positions et aucune décision n'est prise lorsqu'il y a un litige", déplore le spécialiste. La commission est même au chômage technique depuis juillet 2020. Il lui manque trois membres, car les mandats des précédents responsables sont arrivés à échéance et Donald Trump n'a toujours pas soumis le moindre candidat au Sénat pour les remplacer.

Le Campaign Legal Center*, association spécialisée dans la surveillance des dépenses des campagnes politiques, a d'ailleurs déposé plainte contre Donald Trump devant la commission, le 28 juillet 2020. Elle l'accuse du blanchiment de 170 millions de dollars, récoltés au titre de sa campagne, à travers des entreprises gérées par Brad Parscale, ancien directeur de campagne de Trump. En l'absence d'un quorum suffisant pour se réunir, la commission n'a toujours pas examiné le dossier, ni les 350 autres requêtes* en cours.

*Les liens signalés par un astérisque sont en anglais

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