On vous explique la polémique sur les enfants de migrants séparés de leurs parents aux États-Unis
Depuis le mois d'avril, près de 2 000 mineurs ont été séparés de leurs parents, arrêtés pour avoir franchi illégalement la frontière, en raison de la "tolérance zéro" souhaitée par l'administration Trump.
L'émotion est vive aux États-Unis. Depuis le mois d'avril, une politique de "tolérance zéro" est appliquée par l'administration Trump à l'encontre des migrants illégaux qui tentent d'entrer sur le territoire depuis le Mexique. Les familles de sans-papiers sont systématiquement séparées par la police aux frontières qui place les mineurs, trop jeunes pour être emprisonnés avec leurs parents, dans des centres de rétention fermés. Conséquence ? En quelques semaines, près de 2 000 enfants ont été séparés de leurs familles. Franceinfo vous aide à comprendre cette vive polémique outre-Atlantique dans laquelle le Pape, l'ONU et plus récemment Melania Trump ont tenté de faire entendre leur voix.
Que se passe-t-il avec les migrants mineurs ?
"Si vous ne voulez pas que votre enfant soit séparé de vous, alors ne l'emmenez pas", avait prévenu Jeff Sessions, le ministre de la Justice américain, dès le 7 mai. Partisan d'une ligne dure sur l'immigration, il annonce ce jour-là devant la presse la séparation systématique des parents de leurs enfants en cas de franchissement illégal de la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
Ce dispositif de "tolérance zéro" vantée par Washington est en réalité en vigueur depuis début avril. Le 20 avril, le New-York Times (en anglais) recense déjà 700 enfants séparés de leurs parents – dont 100 ont moins de 4 ans. Mais la systématisation de cette politique début mai fait rapidement exploser ce chiffre.
L'administration Trump a ainsi révélé que près de 2 000 mineurs ont été séparés de leur famille entre le 19 avril et le 31 mai. D'après Libération, "le nombre de familles arrêtées à la frontière a bondi de 600% par rapport au printemps précédent".
Dans quelles conditions sont-ils retenus ?
Pour prendre en charge ces mineurs principalement issus d'Amérique centrale, Jeff Sessions a fait rouvrir des centres de rétention. Le plus vaste d'entre eux, situé à Brownsville, au Texas, est un supermarché Walmart. Plus de 1 400 adolescents, âgé de 10 à 17 ans, y sont détenus dans l'attente du jugement de leurs parents, envoyés en prison.
Selon Le Monde, ils restent en moyenne "une cinquantaine de jours" dans ces centres de rétention. Et le rythme des séparations s'accélérant, le manque de places est tel que la chaîne NBC (en anglais) rapporte qu'une "ville de 450 tentes pour enfants migrants" va être construite à proximité d'El Paso, au Texas.
Des témoignages peu rassurants sont parus dans la presse américaine, comme celui d'une mère venue du Honduras, qui a affirmé au "pure player" américain Vox que son enfant lui avait été soustrait en plein allaitement. Celle-ci a été violemment menottée alors qu'elle tentait de résister à son interpellation. Le média en ligne Loopsider a posté sur son compte Twitter un enregistrement audio d'enfants séparés de leurs parents à la frontière. On entend des pleurs, et un enfant qui demande en sanglots : "Je veux partir avec ma tante, je veux qu'elle vienne".
Écoutez cet enregistrement audio d'enfants séparés de leurs parents à la frontière des États-Unis. Un document indispensable et déchirant que le site d’investigation ProPublica a obtenu clandestinement. pic.twitter.com/yd5I1AG7wI
— Loopsider (@Loopsidernews) 19 juin 2018
"Certains de ces enfants sont très jeunes, nous voyons régulièrement des enfants de deux ans, et la semaine dernière, il y avait un enfant de 53 semaines sans ses parents", a expliqué sur MSNBC la présidente de l'association The Florence Project, qui vient en aide aux migrants placés en détention en Arizona.
Quelles sont les réactions ?
Les voix sont de plus en plus nombreuses à s'élever contre cette politique qualifiée de "diabolique" par Jeff Merkley, sénateur démocrate de l'Oregon, après avoir visité le centre de rétention de Brownsville. "Ils appellent cela 'tolérance zéro' mais un meilleur nom est 'humanité zéro' et il n'y a absolument aucune logique pour cette politique", a-t-il jugé.
L'ONU s'est également insurgée contre cette séparation systématique des familles par la voix de son haut-commissaire, Zeid Ra'ad Al-Hussein. Le 18 juin, celui-ci a appelé à "stopper immédiatement" cette "pratique cruelle", rapporte France 24.
Penser qu'un État puisse chercher à dissuader des parents en infligeant des mauvais traitements pareils à des enfants est inadmissible.
Zeid Ra'ad Al-Hussein
Alors que le pape François a lui aussi exhorté Donald Trump à mettre un terme à ces séparations, et que les manifestations se multiplient un peu partout dans le pays, Melania Trump est sortie de sa réserve. Sa directrice de la communication a affirmé sur CNN dimanche 17 juin que la Première dame affirmait "détester voir des enfants séparés de leur famille" et appelait "à gouverner avec cœur".
Si certains irréductibles continuent à défendre cette politique migratoire, le malaise grandit au sein du parti républicain. "Nous ne voulons pas que des enfants soient séparés de leurs parents, assure Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, cité par le HuffPost (en anglais). C'est pourquoi je pense qu'une loi [sur l'immigration] est nécessaire."
La présentatrice star outre-Atlantique, Rachel Maddow, n'a pu retenir ses larmes mardi 19 juin, quand elle apprend, en direct sur la chaîne MSNBC, qu'il existe des camps pour enfants.
Rachel Maddow chokes up and cries on air as she struggles to deliver news that migrant babies and toddlers have been sent to "tender age" shelters pic.twitter.com/O6crm8cvyR
— Justin Baragona (@justinbaragona) 20 juin 2018
Plus symbolique, l'ancienne Première dame Laura Bush affirme dans une tribune publiée par le Washington Post (en anglais) : "C'est immoral et ça me brise le cœur."
Comment Donald Trump se justifie-t-il ?
Face au tollé suscité par ces séparations systématiques, le président américain a rejeté la faute sur les démocrates. En réalité, la législation actuelle date du mandat de George W. Bush. Sous Barack Obama, les autorités faisaient preuve de souplesse dans leur interprétation des textes, relâchant les migrants accompagnés de mineurs "avec une citation à comparaître", explique Libération.
"Il faut mettre la pression sur les démocrates pour qu'ils abolissent cette loi horrible", a-t-il affirmé sur Twitter le 26 mai. "Les démocrates forcent la séparation des familles à la frontière avec leur agenda législatif horrible et cruel", a-t-il encore écrit le 15 juin sur le réseau social.
The Democrats are forcing the breakup of families at the Border with their horrible and cruel legislative agenda. Any Immigration Bill MUST HAVE full funding for the Wall, end Catch & Release, Visa Lottery and Chain, and go to Merit Based Immigration. Go for it! WIN!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 15 juin 2018
D'après plusieurs commentateurs, le président américain espère profiter du scandale provoqué par ces séparations systématiques pour faire voter sa réforme de l'immigration, qu'il s'était fait sévèrement retoquer au Sénat en mars.
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