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Etats-Unis : "Sans 'Obamacare', je serais soit très malade, soit ruiné, soit mort"

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des manifestants protestent contre la volonté de Donald Trump d'abroger la loi "Obamacare", le 15 janvier 2017, à New York (Etats-Unis). (ERIK MCGREGOR / PACIFIC PRESS / LIGHTROCKET / GETTY IMAGES)

Alors que Donald Trump entend revenir sur la réforme du système de santé, franceinfo a interrogé trois Américains qui ont bénéficié d'une assurance maladie grâce à cette loi emblématique de l'administration Obama. 

Donald Trump n'a pas encore été investi, mais sa promesse de revenir la réforme du système de santé américain de Barack Obama semble bien partie. Vendredi 13 janvier, la Chambre des représentants a voté une disposition permettant d'engager le processus d'abrogation de l'Affordable Care Act, surnommé "Obamacare".

Dans plusieurs Etats, des manifestations ont été organisées pour protester contre cette possible disparition. Il faut dire que cette réforme phare de l'administration Obama, adoptée en 2010 malgré l'opposition farouche du camp républicain, a permis à 20 millions de citoyens d'avoir droit à une assurance maladie, quelles que soient leurs ressources. Elle a aussi rendu les soins plus accessibles.

Pour comprendre l'importance de cette loi, franceinfo a recueilli le témoignage de trois Américains qui doivent une fière chandelle à cette réforme.

Lydia Makepeace, 32 ans, atteinte de trouble bipolaire

Par crainte que la loi "Obamacare" ne soit abrogée et de ne plus être couverte à l'avenir, Lydia Makepeace s'est fait opérer, le 29 décembre dernier, en Floride, pour une stérilisation permanente. La jeune femme, soignée pour trouble bipolaire, a tout de même dû batailler pour obtenir le droit de se faire opérer gratuitement. "Mon assurance m'a dit qu'elle n'avait pas à payer pour ça. Mais c'est la loi. Avec 'Obamacare', les compagnies doivent prendre en charge 100% des frais en ce qui concerne la contraception, même si c'est une opération. Je l'ai donc harcelée par téléphone pour dire que c'était illégal. Autrement, j'aurais dû payer autour de 20 000 dollars", soit environ 18 700 euros, explique cette illustratrice freelance. 

Après avoir appris sa maladie en 2008, Lydia n'a pas respecté son traitement faute d'assurance. "Lorsqu'on m'a diagnostiquée, j'avais deux petits boulots et je ne faisais pas assez d'heures pour pouvoir prétendre à une assurance de groupe", raconte cette artiste. Lydia tente alors de signer un contrat auprès d'une assurance privée, à titre individuel, mais son historique de santé, marqué par une lourde dépression, l'en empêche. Avant l'entrée en vigueur de la réforme du système de santé, les compagnies pouvaient en effet refuser d'offrir une couverture aux personnes ayant eu des problèmes dans le passé. C'est ce qu'on appelle les "pre-existing conditions".

Pendant trois ans, Lydia Makepeace a vécu sans assurance maladie. "Soit je ne prenais pas mon traitement, soit je ne prenais pas les médicaments tous les jours, soit je prenais une dose moins élevée. Ce qui n'était pas très efficace", sourit-elle. Chaque médicament lui coûte en effet 100 à 300 dollars (entre 94 et 280 euros) par mois. A quoi doivent, en théorie, s'ajouter des séances de psychothérapie régulières. "J'en trouvais parfois grâce à des œuvres caricatives ou à l'école, avec des conseillers scolaires. Mais c'est dangereux car les patients traités pour trouble bipolaire peuvent se suicider s'ils sont mal suivis."

Aujourd'hui, "je paie seulement 30 dollars par mois" pour les médicaments et 104 dollars – au lieu de 250 avant – pour les séances chez le psy. Mariée, Lydia bénéficie de la couverture santé de son mari infirmier. Les conditions préalables ont disparu grâce à la loi promulguée par Barack Obama en 2010. Et l'assurance prend en charge une partie des soins. "Je peux prendre mes médicaments tous les jours, voire deux fois par jour quand j'en ai besoin. Je vais chez le psy toutes les deux semaines. Pour la première fois de ma vie, je suis en bonne santé."

Ian Epperson, 34 ans, en rémission

Pour cet habitant de Lexington (Kentucky), "Obamacare" a sauvé sa vie. Depuis ses 15 ans, Ian souffre d'une maladie occasionnant des calculs rénaux. La douleur, il s'y est habitué tout au long des années. Mais en décembre 2015, elle est si virulente qu'il finit par pousser la porte des urgences. Cela fait un an qu'il bénéficie enfin d'une assurance. Une première depuis ses 18 ans et celle de ses parents. "Au lieu de faire traîner la douleur pendant des mois comme je le faisais avant, j'ai décidé de consulter un docteur tout de suite", raconte ce chauffeur de poids lourd. "Mais cette fois, au lieu de trouver des calculs, les docteurs ont découvert une tumeur. Elle avait seulement quelques mois. Elle était donc parfaitement traitable."

Grâce à la loi de Barack Obama, Ian ne rechigne pas à passer des tests complémentaires, à se faire opérer puis à se lancer dans trois mois de chimiothérapie. "Je n'avais plus peur de potentiellement faire faillite. Vous savez, ici, passer la porte des urgences vous coûte déjà 500 dollars, et ça c'est avant qu'on vous ait fait quoi que ce soit. Chaque pilule que vous prenez, c'est de l'argent en plus. Ce n'est pas inhabituel d'être hospitalisé, de passer une radio, d'obtenir une prescription médicale pour quelques jours et de payer 3 000 à 4 000 dollars [2 800 à 3 745 euros]", décrit Ian.

Grâce à sa nouvelle couverture santé, Ian est donc redevable de 5 500 dollars (5 150 euros) par an pour les soins qu'il reçoit. Au-dessus de ce montant, l'assurance paye tout. Au total, pour un traitement de deux ans, il a donc "seulement" déboursé 11 000 dollars (10 300 euros) pour des soins qui, mis bout à bout, peuvent vite se chiffrer autour d'un million de dollars. La dépense peut paraître exorbitante pour les Français, mais elle constitue une amélioration aux Etats-Unis. "Sans 'Obamacare', je serais soit très malade, soit ruiné, soit mort", résume ce patient de 34 ans, désormais guéri.

Rebecca Riley, 53 ans, mère d'un garçon atteint d'un cancer

Il y a trois ans, en mars 2014, Rebecca Riley décèle une bosse dans le dos de son fils de 11 ans. En juillet, Riley est opéré et quelques jours plus tard, le diagnostic tombe : rhabdomyosarcome alvéolaire, stade 4. La tumeur, pour laquelle il n'existe pas de traitement, s'est déjà répandue sous forme de métastases près des poumons, des reins et de la colonne vertébrale. C'est le branle-bas de combat au sein de cette famille d'avocats californiens.

Heureusement, "Obamacare" vient d'être promulguée. Si le couple peut offrir à son fils une bonne assurance, moyennant 2 500 dollars (2 340 euros) par mois, une des nouvelles clauses leur permet de bénéficier d'un plafond dans les dépenses. "Le maximum que nous devons payer, c'est 4 000 dollars par an. L'assurance s'occupe du reste. Vous savez, chaque fois qu'il doit être hospitalisé, ça peut avoisiner les 30 000 dollars… Les factures, on les voit parfois. Elles sont terrifiantes", confesse Rebecca. Par ailleurs, l'assurance ne peut désormais plus leur imposer de plafond. "Elle n'a plus le droit de nous dire que le maximum auquel on peut prétendre dans toute une vie, c'est un million de dollars. Mon fils aurait dépassé cette somme il y a bien longtemps."

Pendant 15 mois, Riley a subi cinq chirurgies, 54 semaines de chimiothérapie, 28 jours de radiation dans son dos qui a causé de graves brûlures. Ne pouvant rien avaler, il a été nourri par perfusion intraveineuse et n'a pas marché pendant deux ans. Il commence tout juste à suivre des séances de physiothérapie pour réapprendre à se tenir debout. Si ce "survivant" ne présente plus de symptômes aujourd'hui, le pronostic n'est guère encourageant : Riley devrait rechuter dans les cinq prochaines années.

Aussi, la perspective d'une abrogation de l'Affordable Care Act inquiète Rebecca et son mari. "Je suis effrayée car je ne sais pas ce qui attend mon fils si 'Obamacare' disparaît. Nous sommes chanceux car mon mari nous permet de payer cette assurance. Mais encore faut-il qu'elle offre des protections et qu'on puisse y accéder. Les républicains ne nous disent rien", se lamente l'avocate, déterminée à tout faire pour empêcher l'abrogation. "Je ne sais pas ce qu'il va se passer, mais nous n'arrêterons jamais de nous battre."

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