Etats-Unis : on vous explique comment la campagne de Trump a utilisé les données de millions d'utilisateurs Facebook
Ces données, récupérées illégalement, auraient permis, entre autres, d'élaborer des publicités très ciblées vis-à-vis de potentiels électeurs républicains, selon des enquêtes du "Guardian" et du "New York Times".
La campagne de Donald Trump est de nouveau montrée du doigt. Et le géant des réseaux sociaux aussi. Mis sous pression par une forte polémique aux Etats-Unis, la firme de Mark Zuckerberg a annoncé, vendredi 16 mars, avoir "suspendu" de Facebook la société Cambridge Analytica.
Cette entreprise d'analyse de données a travaillé pour la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016. Elle est accusée d'avoir recueilli, sans leur consentement, les informations personnelles de dizaines de millions d'usagers du réseau social, selon une enquête du Guardian* et du New York Times*. Retour en quatre questions sur ce scandale.
Qu'est-ce que Cambridge Analytica ?
Filiale américaine de la société britannique de marketing ciblé SCL* (qui définit ainsi ses trois compétences : "prévoir, comprendre, influencer"), Cambridge Analytica est spécialisée dans la collecte de données à des fins électorales.
Marquée politiquement à droite, elle a travaillé aux Etats-Unis pour la campagne présidentielle de Donald Trump, mais aussi, au Royaume-Uni, pour le groupe pro-Brexit Leave.EU. Selon The Guardian*, l'entreprise a été dirigée par Steve Bannon, l'un des proches conseillers de Donald Trump avant qu'il ne soit évincé de la Maison Blanche durant l'été 2017.
Un autre nom lié à l'entreprise retient l'attention : celui du milliardaire Robert Mercer, qui a financé Cambridge Analytica à hauteur de 15 millions de dollars. Climatosceptique, anti-avortement et proche des libertariens, cet important donateur du Parti républicain est le propriétaire du site d'extrême droite américain Breitbart News*, rapporte Le Monde.
De quoi cette entreprise est-elle accusée ?
Cambridge Analytica a fabriqué "l’arme de la guerre psychologique” de la campagne Trump, a confié au Guardian l'un de ses anciens employés, Christopher Wylie. Ce lanceur d'alerte est bien placé pour le savoir : c'est lui, âgé de 24 ans à l’époque, qui "a imaginé le plan permettant de s’emparer d’une masse considérable de données sur Facebook, avant de les utiliser à des fins politiques", explique Courrier International.
Il s'agissait de fournir à Steve Bannon, directeur de la campagne de Donald Trump, des outils logiciels capables de repérer les potentiels sympathisants du candidat républicain, et de les cibler précisément par des publicités électorales en ligne, rapportent les quotidiens américain The New York Times* et britannique The Guardian*. La campagne de Donald Trump aurait aussi profité de ces données pour effectuer des simulations de participation à l’élection ou déterminer les régions où les déplacements de Trump seraient les plus efficaces.
Pour concevoir ces outils, l'entreprise fait appel à Aleksandr Kogan, qui travaille pour la maison mère, SCL. Ce chercheur à l'université de Cambridge (Royaume-Uni) conçoit une application nommée Thisisyourdigitallife, présentée comme une application destinée à une recherche universitaire.
Cette application, précise Le Monde, comportait un questionnaire. Il fallait être connecté au réseau social et être inscrit sur les listes électorales des Etats-Unis pour remplir le questionnaire. Pour motiver les bonnes volontés, la société rémunérait les internautes.
Quelles données ont été récupérées ?
Au départ, le développeur a pu récupérer les données des quelque 270 000 personnes ayant téléchargé cette application. Il a ainsi recueilli toutes les informations de leur compte Facebook (date de naissance, géolocalisation, goûts, opinions, contenus "likés", etc.).
Mais ces 270 000 internautes ont aussi permis l'accès à tous leurs "amis" Facebook. Car l’application, détaille Le Monde, a tiré "partie d'une fonctionnalité du réseau social depuis désactivée, qui lui permet d’aspirer aussi des données personnelles appartenant aux contacts des utilisateurs répondant au questionnaire".
Au total, les données de 30 (selon Le New York Times) à 50 (selon The Guardian) millions d'utilisateurs auraient été dérobées, sans que les intéressés n'en soient avertis. Seraient concernés un tiers de membres actifs de Facebook en Amérique du Nord et près d'un quart des électeurs américains.
Sur son compte Twitter, Cambridge Analytica a précisé, samedi 17 mars, avoir détruit les données Facebook que lui avait fournies la société GSR d'Aleksandr Kogan. L'entreprise affirme aussi ne pas avoir utilisé ces données pour la campagne Trump.
Quelle est la responsabilité de Facebook ?
Facebook était au courant d'au moins une partie du vol de données depuis 2015, révèlent les deux journaux américains. Mais les internautes dont les données ont été aspirées n'en ont rien su, puisque le réseau social a attendu le 16 mars 2018 pour officialiser l'information.
"En 2015, nous avions appris qu'Aleksandr Kogan nous avait menti et avait violé la politique de la plateforme en transmettant les données récupérées sur une application utilisant une interface de connexion de Facebook à SCL/Cambridge Analytica", a admis par communiqué Paul Grewal, le vice-président et directeur juridique adjoint du réseau social américain à la suite du scoop des deux médias anglo-saxons. Il précise que Kogan avait le droit de recueillir les données, mais non de les transmettre à des entreprises tierces (Cambridge Analytica et Eunoia Technologies).
Cette "violation" des règles n'a guère porté à conséquence puisque Facebook n'a pas engagé de poursuites. Le réseau social s'est contenté de supprimer l'application en 2015 pour "non respect de sa politique". Même légèreté à propos des informations subtilisées : à aucun moment l'entreprise de Mark Zuckerberg n'a vérifié que les données avaient bien été détruites.
"Il y a plusieurs jours, nous avons reçu des informations selon lesquelles, contrairement aux promesses qui nous avaient été faites, toutes les données n'ont pas été détruites", avoue Paul Grewal. Le New York Times , lui, affirme que des copies des données obtenues par Cambridge Analytica existent toujours, et que certains journalistes ont même pu les consulter.
*Les liens signalés renvoient sur des articles en anglais.
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