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Election américaine : si la Cour suprême "dit que c'est Trump qui a gagné, c'est le chaos et la perte de légitimité de la Cour”, alerte la juriste Anne Deysine

Le droit électoral est un doit "étatique" et il faut une "base juridique" pour saisir la Cour suprême, rappelle-t-elle.

Article rédigé par franceinfo
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La Cour suprême risque sa légitimité si elle intervient dans l'élection américaine, estime une juriste (photo d'illustration). (SAUL LOEB / AFP)

"On ne peut pas saisir la Cour suprême sans base juridique", a expliqué sur franceinfo mercredi 4 novembre la juriste et américaniste, professeure émérite à l’université Paris-Ouest Nanterre, Anne Deysine. Donald Trump a assuré vouloir saisir la Cour suprême pour qu'elle stoppe le décompte des votes de l'élection américaine. “Si les six conservateurs disent que c'est Trump qui a gagné, c'est le chaos dans le pays et c'est la perte de légitimité de la Cour. (…) Il suffit d'une petite étincelle et tout d'un coup, les partisans de Donald Trump vont considérer qu'on leur vole l'élection et nous ne savons pas ce qu'ils sont capables de faire avec leurs armes”, s’est inquiété la juriste alors qu’une bataille juridique s’annonce autour des résultats de l’élection présidentielle américaine.

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franceinfo : Donald Trump menace de saisir la Cour suprême. Il peut le faire ?

Anne Deysine : On ne peut pas saisir la Cour suprême sans base juridique. Le droit électoral, c'est un droit étatique, chaque État détermine ses règles du jeu. Le vote anticipé, le comptage des votes par correspondance, c'est du droit étatique. Donc, lorsqu'on a un recours, on saisit la juridiction de première instance étatique, le cas échéant la Cour d'appel de l'État et la Cour suprême de l'État. Théoriquement, ça devrait en rester là. Mais on est marqué par ce qui s'est passé en 2000, puisque la Cour suprême a décidé de s’en mêler. C'était un choix, elle n'était pas obligée de le faire et elle a finalement attribué la victoire à George Bush. Là, nous sommes dans une situation différente. Il y a six conservateurs à la Cour Suprême, et c’est ce sur quoi compte Donald Trump. Sauf que le président de la Cour veut éviter ce type de situation. Si les six conservateurs disent que c'est Trump qui a gagné, c'est le chaos dans le pays et c'est la perte de légitimité de la Cour. Pour le moment, le président de la Cour a essayé de faire croire qu'elle n'était que partiellement partisane. Là, ce serait la fin de la légitimité de la Cour.

Ce sont des semaines, des mois de bataille juridique qui s’annoncent aux États-Unis ?

Il y a un calendrier. Théoriquement, le 12 décembre, chaque État doit avoir statué sur sa liste de grands électeurs.

On peut penser qu'il va y avoir à peu près un mois de contentieux. Il y a un nombre d'avocats considérables qui sont mobilisés, tant du côté républicain que du côté démocrate. 

Anne Deysine, juriste et américaniste

à franceinfo

Du côté républicain, ils vont essayer de délégitimer un certain nombre de bulletins de façon à ce qu'ils ne soient pas pris en compte. Et les démocrates vont tenter de résister tant bien que mal.

Est-ce qu’il y a véritablement de la fraude, comme le clame Donald Trump ?

C'est un mouvement d'idées républicain.

Cela fait quinze ans qu'ils ont compris que la démographie va contre eux. Par conséquent, s'ils veulent conserver le pouvoir, il leur faut empêcher les démocrates de voter. 

Anne Deysine, juriste et américaniste

à franceinfo

C'est tout ce mouvement qu'on appelle “the voter supression”, où les États qui ont une majorité républicaine adoptent des lois qui réduisent les plages de vote anticipé, qui obligent à avoir une pièce d'identité très difficile à obtenir et qui fait peur aux Africains-Américains, par exemple, etc. L'alibi des républicains, c'est de dire ‘nous prenons des mesures certes un peu restrictives du droit de vote, parce que nous voulons lutter contre la fraude’. Or, les études montrent qu'il n'y a pas de fraude électorale. Il y a de temps en temps une dizaine de cas isolés. On a un taux de 0,002% de fraude, donc la fraude n'existe pas. Mais c'est un alibi commode.

Beaucoup d’Américains ont eu recours à ce fameux vote anticipé. Ça peut créer une situation compliquée dans les États-clés ?

La situation dans laquelle nous sommes, c'est la pire situation. L'élection va se jouer sur ces trois États-clés, la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin. Ce sont ceux qui ont donné la victoire à Donald Trump en 2016. Et ces trois États ont la caractéristique d'avoir reçu beaucoup de bulletins de vote par correspondance. Et le droit de l'État n'autorise pas de commencer à traiter ces bulletins et à les compter avant le jour de l'élection. C'est grave, parce que on sait très bien qu’il suffit d'une petite étincelle et que tout d'un coup, les partisans de Donald Trump vont considérer qu'on leur vole l'élection et nous ne savons pas ce qu'ils sont capables de faire avec leurs armes. Car on a vu, parallèlement, un nombre accru d'armes à feu vendues.

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